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Le chiffre fait froid dans le dos : 150 milliards de dollars. C’est, selon Bloomberg, le risque théorique que BNP Paribas encourt aux États-Unis, si les dommages accordés à trois plaignants soudanais étaient étendus aux 23 000 autres personnes engagées dans une action collective. Ce scénario extrême a peu de chances de se réaliser mais il suffit à faire trembler les marchés et à relancer les débats sur la responsabilité des grandes institutions financières.
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Une décision civile qui pèse lourd
Vendredi 18 octobre, un jury new-yorkais a reconnu BNP Paribas civilement responsable de violences commises au Soudan dans les années 1990 et 2000. Trois réfugiés soudanais, devenus citoyens américains, avaient porté plainte contre la banque pour complicité dans les exactions du régime d’Omar el-Béchir. En cause : des opérations en dollars qui ont permis au gouvernement soudanais, alors sous sanctions, d’accéder au système financier international.
La décision a été rendue possible par l’extraterritorialité du droit américain. Dès qu’un dollar est en jeu, Washington s’estime compétent. Une doctrine ancienne, mais dont la portée ne cesse de s’élargir.
Un choc boursier et un spectre judiciaire
Dès l’annonce du verdict, l’action BNP a plongé. Elle a perdu plus de 8 % sur la séance du 20 octobre. Les investisseurs craignent moins l’indemnisation immédiate — 20,75 millions de dollars pour les trois plaignants — que ce qu’elle pourrait préfigurer : un contentieux massif, long et coûteux. Plusieurs analystes tablent déjà sur une négociation autour de 10 milliards de dollars. La Royal Bank of Canada évoque une perte potentielle d’un point de ratio CET1, soit un affaiblissement sensible du capital réglementaire de la banque.
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La banque française, elle, conteste tout. Dans un communiqué publié le jour même, elle juge le verdict « erroné », assure qu’« une partie des preuves n’a pas été admise », et souligne que seuls trois cas sont concernés. Elle refuse pour l’instant toute négociation et annonce faire appel.
Cette ligne de défense vise à rassurer les marchés. Mais elle illustre aussi la difficulté de répondre à des accusations remontant à plus de vingt ans, dans un cadre juridique américain où le dollar reste roi et les enjeux d’image considérables.
Un précédent qui pèse lourd
BNP Paribas n’en est pas à son premier affrontement avec la justice américaine sur ce terrain. En 2014, elle avait accepté de payer 8,9 milliards de dollars pour avoir violé les sanctions contre le Soudan, Cuba et l’Iran. À l’époque, la banque avait plaidé coupable. Aujourd’hui, elle entend se battre.
Mais le contexte a changé. Le droit international pousse de plus en plus vers une responsabilisation des entreprises dans les zones de conflit. Le Financial Times parle d’un tournant pour l’ensemble du secteur bancaire. La directive européenne sur le devoir de diligence, en discussion à Bruxelles, va dans le même sens.
Une nouvelle ère de vigilance financière
Jusqu’ici, les grandes banques pouvaient se réfugier derrière leur rôle d’intermédiaires. Ce verdict new-yorkais remet en cause ce modèle. Il ne s’agit plus seulement de vérifier l’identité d’un client ou le respect formel des sanctions. Il s’agit de mesurer les conséquences concrètes de chaque transaction.
Pour BNP Paribas, le choc est important. Pour la finance mondiale, le message est clair : la neutralité n’est plus une option.