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- Redressement judiciaire et passif financier lourd
- Une relance portée par Dan Mamane et Alexandre Fauvet
- Recentrage industriel sur Romilly-sur-Seine
- Sous-traitants locaux fragilisés par la baisse des volumes
- Une dépendance aux distributeurs toujours problématique
- International : une ambition à concrétiser
- Visibilité olympique prolongée mais sous conditions
- Soutien politique affirmé, mais attention au désengagement
- Trois conditions pour éviter l’échec industriel
Placée en redressement judiciaire en novembre 2024, Le Coq Sportif a été reprise le 4 juillet 2025 par l’entrepreneur franco-suisse Dan Mamane. Le plan validé par le tribunal de commerce de Paris prévoit 70 millions d’euros d’investissement et un nouveau cap stratégique. Mais la situation reste critique : pertes importantes, suppressions de postes, sous-traitants fragilisés et modèle économique à réinventer. Malgré le soutien affiché des pouvoirs publics, la survie de la marque reste incertaine.
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Redressement judiciaire et passif financier lourd
Le placement en redressement judiciaire du Coq Sportif, le 21 novembre 2024, a révélé l’ampleur des tensions structurelles de l’entreprise. Malgré une hausse des ventes de 30 % à l’approche des Jeux olympiques, la marque a affiché une perte nette de 18,2 millions d’euros au premier semestre 2024, s’ajoutant aux 28,2 millions d’euros perdus en 2023. Dans le même temps, son endettement public s’est accru. Selon la région Grand Est, les dettes cumulées envers des acteurs publics s’élèvent à près de 70 millions d’euros.
Durant la procédure, l’entreprise a bénéficié d’un soutien financier conséquent : une avance de trésorerie de 2,9 millions d’euros versée par Paris 2024 au printemps, puis un prêt public de 12,5 millions d’euros à l’été 2024. Ce soutien a permis d’éviter la cessation de paiement, mais n’a pas suffi à rassurer l’ensemble des partenaires commerciaux.
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Une relance portée par Dan Mamane et Alexandre Fauvet
L’offre de reprise retenue par le tribunal prévoit un apport en capital de 70 millions d’euros et la nomination d’Alexandre Fauvet à la direction générale. Ce dernier, ancien dirigeant de Fusalp et ex-directeur chez Lacoste, incarne une tentative de stabilisation. Le projet fixe un cap : retour à l’équilibre dès 2026, atteinte de 300 millions d’euros de chiffre d’affaires à cinq ans et 30 % des ventes en direct via l’e-commerce et le réseau propre.
Cette feuille de route repose sur une montée en gamme du produit, une maîtrise renforcée des coûts et une refonte des systèmes d’information. Reste à démontrer la capacité d’exécution rapide dans un environnement économique incertain.
Recentrage industriel sur Romilly-sur-Seine
Le site de Romilly-sur-Seine reste le cœur stratégique du dispositif. Il regroupe la R&D, le développement produit et les petites séries. La confection, elle, s’appuie sur une chaîne de valeur euro-méditerranéenne intégrant le Maroc, le Portugal et la France, dans un rayon de 2 500 km. Cette organisation permet une relative flexibilité industrielle tout en maintenant un argument de relocalisation partielle.
Mais cette recentralisation s’accompagne d’une réduction de voilure. Entre 89 et 94 postes devraient être supprimés, sur un effectif de 359 salariés fin 2024. Environ 201 postes sont maintenus, concentrés autour du site aubois. Des fermetures de bureaux hors département sont à l’étude. Ces ajustements font peser un risque social dans une région déjà affectée par les restructurations industrielles.
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Sous-traitants locaux fragilisés par la baisse des volumes
Depuis la fin 2024, l’entreprise a ajusté ses commandes, entraînant des conséquences directes sur son écosystème. France Teinture, à Troyes, a été placée en redressement judiciaire fin juillet 2025. Aube Tricotage, fournisseur historique basé à Sainte-Savine, a été liquidée en octobre. Les dirigeants des deux structures évoquent l’arrêt brutal des commandes du Coq Sportif comme un facteur déclencheur.
Ces défaillances fragilisent l’ensemble de la chaîne industrielle locale. Le redémarrage de la production devra intégrer une recomposition de l’écosystème pour éviter une rupture de savoir-faire. C’est un point critique que la nouvelle direction devra résoudre sans délai.
Une dépendance aux distributeurs toujours problématique
Historiquement, Le Coq Sportif a été fortement dépendant des distributeurs multimarques. Cette dépendance a pesé sur les marges et limité la capacité de pilotage commercial. Au printemps 2025, plusieurs de ces distributeurs ont publiquement soutenu l’offre concurrente portée par Neopar-Iconix, un signal de défiance envers la direction sortante.
Le plan de relance prévoit une montée en puissance du direct-to-consumer, notamment via l’e-commerce. Mais ce basculement nécessite des investissements, une réorganisation logistique et une refonte des outils numériques. À court terme, la marque reste exposée aux décisions de distributeurs dont la confiance est fragilisée.
International : une ambition à concrétiser
Le redéploiement à l’international est l’un des piliers du projet. Aujourd’hui, seulement 15 % du chiffre d’affaires est réalisé hors de France. L’objectif annoncé est d’inverser cette proportion d’ici 2027, avec une priorité donnée au marché nord-américain.
Ce développement suppose des partenariats industriels adaptés à des volumes plus importants, une distribution locale efficace et un produit conforme aux attentes de ces marchés. À ce stade, aucun contrat majeur n’a encore été officialisé. L’entrée aux États-Unis constitue un test décisif.
Visibilité olympique prolongée mais sous conditions
Le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) et le Comité Paralympique (CPSF) ont reconduit leur partenariat avec Le Coq Sportif pour la période 2025-2026, couvrant notamment les Jeux d’hiver de Milan-Cortina. Cette continuité assure une exposition médiatique stratégique.
Mais elle repose sur la capacité de l’entreprise à sécuriser l’approvisionnement, maintenir la qualité des produits livrés et respecter les délais. Tout incident logistique ou de fabrication pourrait compromettre ce levier d’image à fort impact.
Soutien politique affirmé, mais attention au désengagement
Le 26 août 2025, trois ministres ont visité le site de Romilly-sur-Seine pour marquer le soutien du gouvernement à la relance industrielle du textile en France. Ce déplacement officialise l’importance stratégique accordée au dossier.
Cependant, après plusieurs aides publiques déjà mobilisées, la capacité de l’État à prolonger son soutien sans résultats concrets reste limitée. En cas d’échec, le coût politique pourrait être élevé. La pression sur la direction pour obtenir des résultats rapides est donc renforcée.
Trois conditions pour éviter l’échec industriel
Pour que la relance ne reste pas théorique, trois conditions apparaissent indispensables. Premièrement, une amélioration nette des marges par une gamme cohérente et une gestion rigoureuse des coûts. Deuxièmement, une diversification rapide et crédible des canaux de distribution pour réduire le risque distributeurs. Troisièmement, la reconstitution d’une chaîne d’approvisionnement solide et résiliente, capable de suivre le rythme sans dépendances critiques.
La réussite passera aussi par la capacité à reconquérir les marchés internationaux sans perdre les bases historiques de la marque.