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Chaque automne, le gouvernement ressort la même recette : faire des économies sur le dos des médicaments. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, adopté le 14 octobre, pousse encore un peu plus loin cette logique. Objectif : 1,4 milliard d’euros d’économies, dont 200 millions sur les génériques. Une pression sans précédent, sur un secteur qui reste l’une des rares variables d’ajustement à portée de main pour l’exécutif.
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Une ligne comptable assumée
Pour les autorités, la trajectoire est logique. Les dépenses de médicaments continuent de croître plus vite que l’Ondam, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. En 2024, elles ont doublé sa progression, rappelle la Direction de la Sécurité sociale. Dans un système sous tension, l’administration cible ce qui peut encore être contrôlé rapidement. Le médicament en fait partie.
Les industriels, eux, dénoncent une logique court-termiste. Depuis plusieurs années, ils alertent : cette approche purement budgétaire freine l’innovation et l’accès aux traitements. En vain. Le cap reste fixé sur la soutenabilité financière du système. Tout le reste passe au second plan.
Des outils fiscaux toujours plus lourds
Le PLFSS 2026 ne fait pas dans la nouveauté, mais dans l’empilement. Baisse des prix, remises obligatoires, clause de sauvegarde maintenue et, nouveauté cette année, une contribution additionnelle de 4,01 % sur le chiffre d’affaires. Officiellement, il s’agit de simplifier et de clarifier la régulation. En réalité, c’est un alourdissement déguisé.
La clause de sauvegarde, qui a rapporté 1,6 milliard d’euros en 2023, reste en place. Elle est présentée comme un filet de sécurité. Pour les laboratoires, c’est surtout une incertitude permanente sur leurs marges et sur la lisibilité de leur activité en France.
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Le malaise grandit dans le secteur. Le Leem, organisation représentative des industriels, dénonce une absence d’arbitrage politique. Le seul comité d’interface tenu avant l’été n’a réuni ni ministres ni cabinets. Les décisions sont désormais prises à Bercy ou à la DSS, sans contrepoids politique. Un fonctionnement qui alimente le ressentiment d’un secteur en première ligne, mais rarement écouté.
Le résultat est prévisible : des investissements qui fuient. La France est déjà l’un des marchés les moins bien rémunérés d’Europe pour les médicaments. Certains groupes commencent à privilégier d’autres pays pour leurs lancements. L’exemple du traitement de Bristol Myers Squibb, lancé au Royaume-Uni à un prix aligné sur celui des États-Unis, en est un signal clair.
Le risque d’un décrochage durable
La France n’est pas seule dans cette course à la maîtrise des dépenses. Aux États-Unis, Joe Biden a lancé une offensive contre les prix des médicaments. Les industriels cherchent donc à préserver leurs marges ailleurs. L’Europe, et particulièrement la France, pourrait en faire les frais.
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Le 8 octobre, le président du G5 Santé, Didier Véron, a mis les mots sur une inquiétude partagée : « Le risque, c’est qu’il n’y ait pas de lancement d’innovations pour les patients en France et en Europe. » Si l’alerte n’est pas nouvelle, elle prend un relief particulier dans un monde où l’accès aux traitements devient aussi un enjeu de souveraineté.
La stratégie française semble claire : presser le citron tant qu’il y a du jus. Mais à force de tirer sur la corde, le pays risque de perdre pied. Le modèle qui garantissait un accès rapide et équitable aux traitements montre ses limites. La régulation budgétaire produit des économies. Mais elle mine, peu à peu, la place de la France dans la course mondiale à l’innovation.