CODiAQ, le chien-robot lanceur de grenades

CODiAQ incarne une nouvelle génération de robots militaires semi-autonomes, armés et connectés, au service des forces spéciales et du combat tactique.

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Présenté à Washington, le CODiAQ est un robot quadrupède armé, conçu pour mener des opérations offensives au sol. Développé par l’entreprise australienne Skyborne Technologies avec le soutien du Pentagone, il se distingue des robots militaires actuels par sa vocation clairement combattante. Équipé d’un lance-grenades, d’un fusil à pompe et d’un système de ciblage assisté par intelligence artificielle, il incarne une nouvelle génération d’armements semi-autonomes, appelée à jouer un rôle central dans la modernisation des forces terrestres.

CODiAQ – The First Weaponized Robot Dog Unleashed | AI Combat Power of the Future

Un robot de combat conçu pour l’action directe

Le CODiAQ — acronyme de Controller-Operated Direct-Action Quadruped — a été dévoilé au salon annuel de l’Association de l’Armée des États-Unis (AUSA) à Washington, où il a immédiatement attiré l’attention. Contrairement aux robots quadrupèdes existants comme Spot (Boston Dynamics) ou Vision 60 (Ghost Robotics), pensés pour des missions de surveillance ou de transport logistique, le CODiAQ a été conçu dès l’origine comme une plateforme de combat létale.

Pesant environ 66 kg armé, le robot est capable de se déplacer de manière autonome sur des terrains complexes — forêts, ruines, escaliers — tout en laissant à un opérateur humain le soin de décider de l’ouverture du feu. Cette architecture « humain dans la boucle » lui permet d’allier autonomie de navigation et contrôle direct sur l’engagement, un équilibre crucial pour sa conformité aux normes juridiques internationales.

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Deux armes principales

Le CODiAQ se distingue par un système d’armement modulaire qui permet à ses opérateurs d’adapter rapidement l’équipement en fonction de la mission. Il peut embarquer deux armes principales développées par Skyborne Technologies.

La première, le lance-grenades HAVOC de 40 mm, est capable d’effectuer des frappes précises sur des cibles fortifiées ou en hauteur. Initialement conçu pour le drone aérien Cerberus MI, le HAVOC a été adapté pour les opérations terrestres avec des financements australiens dans le cadre d’un programme de capacité industrielle souveraine.

La seconde arme est le CHAOS, un fusil à pompe semi-automatique de calibre 12 destiné aux engagements rapprochés. Doté d’un chargeur rotatif de 10 coups, il peut tirer jusqu’à 70 projectiles par minute — voire 120 avec des améliorations prévues — et utilise aussi bien des munitions létales que non létales. Le changement d’armement s’effectue en moins de 90 secondes sur le terrain, conférant au robot une flexibilité tactique importante.

Système de ciblage assisté par IA, avec contrôle humain

Le CODiAQ embarque un système de ciblage électronique appelé TEOB (Targeting Electronics Optical Box), qui combine des capteurs électro-optiques et infrarouges à un module d’intelligence artificielle développé par Athena AI, filiale de Skyborne. Ce système permet la détection, l’identification et le suivi autonome de cibles, de jour comme de nuit.

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Malgré ces capacités avancées, l’engagement d’une cible ne peut être effectué qu’avec la validation d’un opérateur humain. Cette approche vise à respecter les exigences internationales en matière de « contrôle humain significatif » sur l’usage de la force létale. Le robot est commandé via une station au sol SRoC, conçue par UXV Technologies, avec une liaison de données sécurisée fournie par Silvus Technologies.

Skyborne affirme que la formation d’un opérateur peut être réalisée en quelques jours seulement, facilitant une intégration rapide dans les unités militaires, notamment celles engagées dans des théâtres d’opérations urbains ou irréguliers.

Mobilité renforcée et robustesse en terrain hostile

Le CODiAQ a été conçu pour fonctionner dans des conditions extrêmes. Il est certifié IP67, garantissant sa résistance à la poussière et à l’immersion temporaire. Il répond aux standards militaires MIL-STD-810H, attestant de sa résistance aux chocs, aux vibrations et aux écarts thermiques sévères.

Le robot est capable de se redresser seul en cas de renversement grâce à une cage de protection intégrée. Son autonomie opérationnelle dépasse deux heures en fonctionnement continu, un gain notable par rapport à ses concurrents. Il est compatible avec le système de conscience situationnelle ATAK (Android Team Awareness Kit), utilisé dans de nombreuses forces armées occidentales.

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Une arme pensée pour les forces spéciales

Selon Skyborne, le CODiAQ est en phase de test opérationnel auprès de plusieurs partenaires des États-Unis, notamment dans des unités spécialisées dans la contre-insurrection et le combat urbain. Ce type de robot pourrait s’avérer décisif dans des opérations à haut risque où l’exposition des soldats doit être minimisée.

Le lancement commercial du CODiAQ a été organisé au pavillon australien du salon AUSA 2024, dans une logique de conquête des marchés alliés, notamment ceux des membres de l’OTAN et de l’alliance AUKUS. Après des contrats avec le ministère de la Défense britannique et le US Marine Corps Warfighting Laboratory, Skyborne confirme ainsi son ancrage dans les partenariats stratégiques anglo-saxons.

Une tendance mondiale à la robotisation du champ de bataille

Le développement du CODiAQ s’inscrit dans une dynamique mondiale de transformation du combat terrestre. En Ukraine, l’usage intensif des drones FPV et des robots terrestres a changé la nature même du front. En 2025, plus de 70 % des pertes en zone de combat seraient liées à des systèmes sans pilote. Kiev a annoncé avoir produit 1,5 million de drones en 2024 et prévoit d’en livrer 5 millions en 2025.

La Russie, de son côté, a déployé le robot chenillé Kurier, équipé d’un lance-grenades AGS-17. Israël utilise le Vision 60 dans la bande de Gaza pour des missions de reconnaissance, tandis que la Corée du Sud a intégré des quadrupèdes dans ses exercices conjoints avec les États-Unis, notamment pour des simulations d’assaut sur des tunnels nord-coréens.

En France, l’armée de Terre a annoncé en septembre 2025 un programme de « robotisation massive », soutenu par une enveloppe de 5 milliards d’euros dans la Loi de programmation militaire 2024-2030. Le chef d’état-major, Pierre Schill, a évoqué l’objectif de confier aux machines « les chocs les plus rudes » pour préserver les soldats humains.

Encadrement juridique : un champ flou et contesté

L’émergence de systèmes d’armement partiellement autonomes soulève d’importants enjeux juridiques et éthiques. En 2023, le secrétaire général de l’ONU et la présidente du CICR ont appelé à interdire les « robots tueurs » totalement autonomes. En 2024, une résolution non contraignante a été adoptée par 161 pays à l’Assemblée générale de l’ONU, appelant à un encadrement international renforcé.

Le débat porte notamment sur la responsabilité en cas de bavure : concepteur, opérateur, commandant, ou machine elle-même ? Les experts rappellent que le droit international humanitaire repose sur la capacité d’imputer une responsabilité à un humain, ce qui devient complexe avec des systèmes autonomes.

En France, le Comité d’éthique de la défense a publié en février 2025 un rapport soulignant les « lignes rouges » à ne pas franchir. La doctrine française interdit pour l’instant les systèmes totalement autonomes, tout en tolérant les systèmes supervisés sous certaines conditions.

Vers une coordination homme-machine sur le champ de bataille

Au-delà du CODiAQ seul, Skyborne Technologies prévoit de le connecter à son drone aérien Cerberus MI pour constituer un essaim opérationnel coordonné. Cette approche, baptisée human-machine teaming, vise à créer des unités mixtes où les robots augmentent la capacité des troupes sans les remplacer.

Ce modèle séduit de plus en plus de forces armées occidentales. Le marché mondial des robots militaires est en forte expansion : estimé à 18,5 milliards de dollars en 2024, il pourrait dépasser les 40 milliards d’ici 2034. Le segment des quadrupèdes connaît une croissance annuelle moyenne supérieure à 17 %, porté par l’intégration croissante d’intelligence artificielle et par l’expérience des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient.



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