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La mécanique est connue : quand les chiffres baissent, les dépenses doivent suivre. C’est l’argument brandi par le ministre de l’Éducation nationale, Édouard Geffray, pour justifier la suppression de 4 000 postes d’enseignants dans le budget 2026. Les syndicats, eux, parlent d’austérité déguisée et dénoncent un affaiblissement programmé de l’école publique.
Une équation comptable avant tout
« Ces suppressions correspondent à l’effondrement démographique », affirme le ministre. Une logique de vases communicants : d’un côté, on supprime des postes dans les écoles, de l’autre, on en crée ailleurs, notamment dans le cadre de la réforme de la formation des enseignants. Bilan affiché : un solde positif de +5 440 équivalents temps plein (ETP). Mais derrière la présentation comptable, le détail montre autre chose.
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Selon le ministère, les suppressions touchent 2 373 postes dans le premier degré et 1 645 dans le second. Soit 4 018 suppressions nettes devant élèves. En face, les 7 938 postes créés concernent en majorité des fonctionnaires stagiaires, qui ne seront pas tous face aux élèves l’an prochain. Le budget 2026, en légère hausse de 200 millions d’euros (64,5 milliards), ne compense donc pas mécaniquement les coupes dans les classes.
Réforme du concours : choc transitoire
Le gouvernement fait valoir une réforme structurelle : le concours de recrutement des enseignants, désormais accessible dès la licence (bac +3), doit rendre la profession plus attractive. Un changement qui suppose une période de transition – deux années où deux vagues de candidats coexistent, celle de bac +3 et celle de bac +5. Résultat : une explosion temporaire du nombre de postes ouverts aux concours (+46 % cette année), mais qui ne garantit pas plus de professeurs devant les élèves.
Cette logique est vivement contestée par les syndicats. Le Snes-FSU estime que seule une partie des nouveaux stagiaires enseignera effectivement. Le FSU-Snuipp, majoritaire dans le primaire, évoque une « hausse en trompe-l’œil » et dénonce un « écran de fumée ». Même son de cloche au SE-Unsa : « Sous couvert de démographie, on touche le fond ».
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Un signal politique mal perçu
Les postes créés concernent aussi les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), mais là encore, la tendance est à la baisse : seulement 1 200 créations contre 2 000 l’an dernier. Le médico-social gagne 200 postes supplémentaires. Des ajustements marginaux qui ne compensent pas les pertes sur le terrain, alors que les classes restent surchargées dans de nombreux établissements.
Au fond, la colère syndicale vise moins les chiffres que le message. Réduire le nombre d’enseignants au moment où le système souffre d’un déficit d’attractivité, où les inégalités scolaires se creusent et où la promesse d’une École plus inclusive est répétée à chaque rentrée, c’est envoyer un signal inverse. Moins d’élèves, certes, mais toujours autant de besoins – voire plus, dans les zones les plus fragiles.
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Vers une rentrée sociale sous tension
Le budget 2026 arrive au Parlement dans un climat social déjà chargé. Le risque d’un automne de mobilisation n’est pas écarté. Plusieurs syndicats préparent des actions pour dénoncer un choix qu’ils estiment purement budgétaire, habillé de rationalité démographique. Du côté du gouvernement, on assume la ligne : adapter les moyens publics à la réalité des effectifs et maintenir le cap des réformes.
Mais derrière la technicité comptable, c’est bien une question politique qui se pose : quel effort collectif pour une École à la hauteur des promesses républicaines ? À l’heure des restrictions budgétaires généralisées, l’Éducation nationale reste un symbole. La taille des classes, elle, ne se réduit pas avec les intentions.