Sébastien Lecornu tourne le dos aux start-up

Fiscalité, aides, statut JEI… Le budget 2026 introduit des coupes qui risquent de fragiliser les start-up et d’affaiblir l’écosystème de l’innovation.

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Présenté en Conseil des ministres le 14 octobre, le projet de loi de finances pour 2026 affiche une ambition claire : faire repasser le déficit public sous les 3 % du PIB. Derrière cette contrainte budgétaire, une série de mesures vient grignoter, parfois brutalement, les dispositifs de soutien à l’innovation. Résultat : un écosystème déjà fragilisé par le repli des levées de fonds et l’atonie des introductions en Bourse se retrouve à nouveau sous tension.

Statut JEI : des critères de plus en plus stricts

C’est un petit article du PLFSS, mais il pèse lourd pour les start-up : le seuil de dépenses en R&D nécessaire pour accéder au statut de Jeune entreprise innovante (JEI) passe de 20 % à 25 %. Le gouvernement dit vouloir recentrer l’aide sur les entreprises « réellement innovantes ». Mais dans les faits, des milliers de start-up, notamment dans la fintech, la greentech ou le logiciel, se situent entre 17 % et 20 % de R&D. Elles risquent d’être exclues, et avec elles les exonérations fiscales et sociales qui vont avec.

Ce durcissement n’est pas une surprise : le seuil avait déjà été relevé en 2025. Mais à force de retouches quasi annuelles, le dispositif perd en lisibilité. Et l’instabilité réglementaire devient un frein à l’investissement.

FCPI : clap de fin pour un outil d’épargne innovante

Autre victime du budget : les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI). À partir du 1er janvier 2026, les particuliers ne pourront plus bénéficier de la réduction d’impôt IR-PME lorsqu’ils investissent via ces fonds. L’article 8 du PLF enterre un dispositif pourtant ancien, jugé peu efficace par l’Inspection générale des finances.

Le gouvernement préfère flécher les incitations fiscales vers les investissements directs. Plus simple, plus clair, plus mesurable. Mais du côté des fonds de capital-risque, la pilule passe mal. France Digitale compte défendre un amendement pour sauver au moins une partie du mécanisme. Le signal envoyé aux investisseurs est jugé contre-productif, au moment où la France cherche à muscler son capital-risque.

Une nouvelle taxe sur les holdings patrimoniaux

Le gouvernement a écarté la taxe Zucman, mais pas le principe d’une contribution ciblée sur le patrimoine. Une taxe de 2 % sur les holdings patrimoniaux est prévue dès 2026, avec un rendement attendu de 1,2 milliard d’euros. Objectif affiché : éviter que des capitaux dorment dans des structures de détention.

Mais l’effet sur le financement de l’innovation est incertain. Ces holdings jouent souvent un rôle, direct ou indirect, dans le financement des start-up. Plusieurs acteurs du non coté redoutent un effet dissuasif sur le capital-risque. Et craignent que cette taxe ne soit qu’un premier pas vers une fiscalité plus large sur l’épargne productive.

CIR : le bonus jeunes docteurs s’évapore

Le crédit d’impôt recherche reste en place, mais sans les bonus. En particulier celui destiné à encourager l’embauche de jeunes docteurs. Supprimé en 2024, il continue de produire ses effets : selon une étude publiée en juillet par le collectif JDCIR, plus de 80 % des start-up de moins de 10 salariés ont dû revoir à la baisse leurs ambitions de recrutement scientifique. Et 13 % ont mis fin à des contrats.

Bpifrance et plusieurs pôles de compétitivité s’alarment : les jeunes chercheurs pourraient se tourner vers l’Allemagne ou les Pays-Bas. Et la France perdre une partie de sa matière grise.

Un soutien à l’innovation en clair-obscur

Le gouvernement maintient la baisse de la CVAE – un soulagement pour certaines PME industrielles. Mais aucune nouvelle mesure ne vient renforcer l’investissement dans les jeunes entreprises. Et dans un contexte de resserrement monétaire, l’impact est lourd. Selon France Invest, les levées de fonds des start-up françaises ont chuté de 32 % au premier semestre 2025. Un plus bas depuis six ans.

La French Tech se retrouve prise entre une fiscalité moins incitative et une visibilité réduite. Dans une économie de l’innovation, ce type de signaux compte.

Trois scénarios pour l’issue parlementaire

Rien n’est encore joué. Le texte sera débattu au Parlement dans les semaines à venir. Trois pistes se dessinent.

– Une adoption sans modification majeure entérinerait un recentrage assumé des aides à l’innovation sur les entreprises les plus technologiques.
– Un scénario plus équilibré permettrait quelques assouplissements : maintien partiel du statut JEI, aménagements sur l’IR-PME.
– Une réforme plus structurelle pourrait être renvoyée à 2027, avec un nouveau statut de « jeune entreprise de recherche », mieux aligné sur les standards européens.



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