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Le gouvernement joue une carte à haut risque. En suspendant jusqu’en 2028 la réforme des retraites adoptée en 2023, Sébastien Lecornu cherche avant tout à éviter une crise immédiate. Officiellement, il s’agit de “donner du temps à la concertation”. En réalité, c’est une manœuvre de court terme pour faire passer le budget 2026 sans tomber sur une motion de censure.
Mais cette pause stratégique a des gagnants et des perdants. Et les lignes de partage sont nettes.
Les gagnants : quelques millions de futurs retraités
La suspension concerne directement les personnes nées entre 1964 et 1967. Pour elles, l’âge légal de départ à la retraite restera fixé à 62 ans et 9 mois au lieu de grimper par tranches comme prévu. Le gain est tangible : entre 3 et 15 mois de travail “économisés” selon les années de naissance. Au total, 3,5 millions de personnes sont concernées par ce gel partiel.
C’est un soulagement pour une partie des salariés usés par des carrières longues ou hachées, et pour ceux qui comptaient sur une sortie précoce. La CFDT y voit “une vraie victoire”, même si elle réclame plus : un vrai plan sur l’emploi des seniors et les fins de carrière.
Les perdants : les générations charnières
Mais les générations nées entre 1961 et 1963, déjà rattrapées par la réforme, ne verront aucun changement. Pour elles, la pilule est déjà avalée. Et pour les cohortes 1965 à 1967, le diable se cachera dans les détails de la loi : si le texte prévoit un gel “au fil des dates d’anniversaire”, l’application pourrait varier selon les cas. Ambiguïté juridique en vue.
Au-delà des cas individuels, le principal perdant pourrait être… le budget de l’État. Le gel va coûter 0,4 milliard d’euros en 2026, puis 1,8 milliard en 2027. Le gouvernement promet des économies pour compenser, mais ne dit pas où les trouver. Or, les marges de manœuvre sont déjà exsangues. Le Haut Conseil des finances publiques doute de la trajectoire actuelle. Fitch a dégradé la note de la France en septembre, citant à la fois la dette élevée et l’instabilité politique.
Une réforme figée, mais pas enterrée
Contrairement à ce que certains espéraient, la réforme n’est pas abrogée. Sa structure reste intacte : âge légal à 64 ans pour les générations nées à partir de 1968, durée d’assurance portée à 172 trimestres. Ce qui change, c’est le tempo. Le gouvernement fige la machine sur un palier intermédiaire, sans la rembobiner.
C’est une concession budgétaire ciblée, pas un virage idéologique. L’exécutif tente de désamorcer un blocage parlementaire sans renier l’architecture d’une réforme qu’il considère toujours comme nécessaire. La gauche radicale dénonce une “fausse suspension”, et réclame l’abrogation pure et simple. Mais à court terme, le coup politique fonctionne : le Parti socialiste, à l’origine de la demande de gel, ne déposera pas de motion de censure.
Et maintenant ?
Un texte de loi viendra cet automne pour graver cette suspension dans le marbre. Une conférence sur les retraites et le travail est annoncée. Mais c’est au Parlement que tout se jouera : application du gel, précisions sur les cohortes concernées, et surtout équilibre budgétaire.
La réforme est donc suspendue, pas effacée. L’exécutif a acheté du temps politique, mais au prix d’une équation budgétaire encore plus difficile. La vraie question reste entière : comment faire tenir un système de retraite par répartition dans un pays où l’on vit plus longtemps, où l’on travaille plus tard… mais où les finances publiques sont au bord de la rupture ?
Une réforme des retraites, la question peut se poser, mais une réforme qui améliore la condition de vie de tous. C’est à dire en tenant compte de la pénébilité. Amélioration des conditions de travail ainsi que de l’évolution des salaires au cours de la carrière professionnelle. Et surtout aucune pension de retraite inférieure au SMIC pour une carrière à taux plein.
A l’heure actuelle, une personne ayant été au SMIC toute sa carrière, ne touchera, pour une pension à taux plein que 1200 euros avec la complémentaire.
Beaucoup trop de retraités se retrouvent en dessous du seuil de pauvreté.
Travailler plus longtemps je peux le concevoir, à la seule et unique condition que cela puisse apporter une qualité de vie supérieure à celle d’aujourd’hui pour l’ensemble des retraités .