Bardella et Melenchon unis pour faire tomber Lecornu

Jean-Luc Mélenchon et Jordan Bardella ciblent ensemble le gouvernement Lecornu avec deux motions de censure. Une stratégie inédite qui place le PS en arbitre.

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Deux motions de censure, déposées à quelques minutes d’intervalle. Une par La France insoumise, l’autre par le Rassemblement national. Lundi 13 octobre, la gauche radicale et l’extrême droite ont choisi la même cible : le tout nouveau gouvernement de Sébastien Lecornu, installé la veille à Matignon. Deux textes différents, un même objectif : faire tomber l’exécutif.
Deux forces que tout semble opposer idéologiquement alignent leur calendrier pour accentuer la pression sur le pouvoir.

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Une charge politique bien huilée

Dans les heures qui suivent la nomination du gouvernement Lecornu II, la machine se met en route. LFI dégaine une motion de censure signée par 86 députés, dont les groupes communiste, écologiste et divers ultramarins. Le RN, appuyé par l’UDR, dépose la sienne, avec 58 signataires.

Les attaques fusent. Manuel Bompard évoque un exécutif « sur le radeau de la Méduse », rassemblant des « mercenaires ». Marine Le Pen, elle, réclame une dissolution immédiate et « le retour au peuple ». Sur TF1, Jordan Bardella s’en prend directement au Parti socialiste, accusé de « magouilles » et de se laisser « acheter » pour quelques subventions locales. Objectif : dissuader toute main tendue vers le gouvernement.

Le compteur des voix donne le vertige

Les deux motions seront examinées jeudi 16 octobre à 9h. En l’état, les blocs favorables à une censure totaliseraient entre 264 et 265 voix. Insuffisant : il en faut 289 pour faire tomber le gouvernement. LFI, RN, UDR, communistes et écologistes sont comptés. Il manque encore 24 ou 25 voix. C’est là que le Parti socialiste devient central.

Avec 69 députés, le PS détient les clés du scrutin. Problème : en interne, les lignes sont floues. Un tiers pour la censure, un tiers contre, un tiers silencieux. C’est du moins ce que confie un cadre du groupe à LCP. Un flou qui laisse planer l’incertitude à trois jours du vote.

Trois conditions sur la table

Le PS attend la déclaration de politique générale de Sébastien Lecornu, prévue mardi à 15h. En coulisses, Olivier Faure et Boris Vallaud ont posé trois conditions : suspension immédiate de la réforme des retraites, pas de 49.3 sur le budget, et des engagements concrets sur la justice fiscale. Pour l’heure, ni Matignon ni l’Élysée n’ont envoyé de signal. Le PS, tiraillé entre posture d’opposition et fidélité républicaine, reste l’arbitre.

Deux routes, une même destination

Le rapprochement RN-LFI est purement conjoncturel. Bardella l’a dit clairement : le RN votera aussi la motion de LFI. Mais l’inverse n’est pas vrai. Pas de front commun donc, mais un croisement d’intérêts. Le RN vise une dissolution, que les sondages lui promettent gagnante. LFI cherche à infléchir la politique économique et enterrer la réforme des retraites. Deux objectifs différents, mais une stratégie convergente. À court terme, elle complique la vie du gouvernement. À long terme, elle pose des questions de lisibilité politique.

Le contexte n’aide pas. Mardi matin, quelques heures avant son discours, Sébastien Lecornu présentera le projet de loi de finances pour 2026. Les premières mesures suscitent déjà la critique : gel des pensions et des aides au logement, maintien de la taxe sur les hauts revenus, mais pas de grande réforme fiscale. La taxe Zucman est écartée, au profit d’une mesure plus timide sur les holdings patrimoniales, pour 1,5 milliard d’euros attendus. Insuffisant, selon la gauche.

Ce projet de budget renforce la tentation d’une censure au sein du PS. Le gouvernement est dans une impasse : satisfaire la gauche, c’est perdre les centristes. Rester sur sa ligne, c’est risquer la chute.

Un précédent lourd de conséquences

Si l’une des motions est adoptée, ce serait une première depuis 1962. À l’époque, c’est Georges Pompidou qui avait été renversé. Depuis un an, trois Premiers ministres sont déjà tombés : Borne, Attal, Le Maire. Une nouvelle censure plongerait le pays dans l’inconnu. Emmanuel Macron pourrait dissoudre l’Assemblée. Mais dans une Chambre éclatée, sans majorité stable, cela risque surtout de prolonger l’instabilité.



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