Marseille frappe fort contre les locations illégales

900 000 € d’amende pour un seul propriétaire, boîtes à clés sciées : Marseille emploie la manière forte contre les locations AirBnb non déclarées.

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La ville de Marseille multiplie les coups de force contre les locations saisonnières illégales. Amendes record, opérations spectaculaires, arsenal réglementaire renforcé : la mairie entend reprendre le contrôle d’un marché qui échappe aux règles du jeu collectif.

Les 13 et 20 octobre prochains, quatre multipropriétaires marseillais sont assignés au civil. Au total, 33 logements dans sept immeubles. La ville réclame 3,3 millions d’euros d’amendes pour non-respect de la réglementation sur les meublés touristiques. Une ligne offensive, assumée.

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Parmi les visés, Vincent Challier, chirurgien orthopédiste à Périgueux. Il avait reconnu en janvier 2024, lors d’un passage dans Complément d’enquête, posséder 14 logements « en toute illégalité ». Pour ce seul cas, la municipalité réclame plus de 900 000 euros, auxquels s’ajoutent 250 000 euros contre son gestionnaire. Les autres dossiers concernent des immeubles rue Thiers et rue Consolat.

« Ces multipropriétaires se sont assis sur la loi », tranche Patrick Amico, adjoint au logement. La mairie y voit une spéculation immobilière déguisée, soutenue par les plateformes numériques. Un combat qu’elle entend mener pied à pied.

Le logement sous pression

Avec près de 877 000 habitants, Marseille n’échappe pas à la crise du logement. La pression touristique l’aggrave. Selon les données municipales, environ 13 000 logements y sont loués en saisonnier. Le Cerema en a recensé 12 185, dont plus de la moitié en résidences secondaires. Environ 6 000 seraient hors cadre légal.
Les chiffres touristiques donnent l’ampleur du phénomène : plus de 5 millions de visiteurs annuels, 19,5 millions de nuitées en 2024, dont 3,5 millions en location de courte durée. En 2023, cela représentait quelque 860 000 visiteurs hébergés via des plateformes.

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Une concurrence directe pour les habitants permanents, dont les besoins restent sans réponse. « On ne peut pas résoudre le problème du logement uniquement en s’attaquant à l’habitat indigne », explique Patrick Amico. « Les meublés touristiques contribuent à la pénurie. Il faut les réguler ».

Réglementation renforcée et brigade dédiée

Depuis 2023, la ville a durci le ton. Elle se targue d’avoir instauré « la réglementation la plus stricte de France ». Une brigade dédiée a été mise en place fin 2023. Composée de cinq agents aujourd’hui, elle devrait en compter quinze d’ici 2026. Objectif : dix assignations par mois.

Les règles d’autorisation ont été musclées. Depuis février 2025, tout changement d’usage doit être compensé à surface égale. Résultat : les demandes sont passées de 800 en 2023 à 200 en 2025. Le taux de refus a explosé : 82 % contre 4 % en 2020.

Le cadre législatif national a suivi. La loi du 19 novembre 2024, surnommée « anti-Airbnb », limite à 90 jours par an la location des résidences principales (contre 120 auparavant). Elle impose aussi l’enregistrement obligatoire auprès des mairies, l’instauration de quotas, et prévoit des amendes allant jusqu’à 20 000 euros en cas d’infraction.

À Marseille, l’application sera totale à partir du 1er janvier 2026, y compris pour les résidences principales.

Une politique spectaculaire, mais assumée

Le 16 juin 2025, des agents municipaux ont scié 60 boîtes à clés installées illégalement dans le centre-ville. Une opération coup de poing, largement médiatisée. D’autres sont prévues dans les quartiers les plus touchés.

« Il ne s’agit pas que de symboles », souligne un cadre de la mairie. « C’est aussi un rappel : la loi s’applique à tous. Et ceux qui la respectent ne doivent pas se sentir lésés ».

Face à cette politique, les acteurs de la location meublée commencent à riposter. Un syndicat local affilié au SPLM a vu le jour début 2025. Il conteste la réglementation, jugée « disproportionnée » et « pénalisante pour l’économie locale ».
Le tribunal administratif n’a pas retenu ses arguments. Dans une décision du 2 juin 2025, il a rejeté le recours, estimant l’absence « d’atteinte grave et immédiate » aux intérêts du syndicat.



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