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À 70 ans, Serge Papin fait une arrivée remarquée au sein du gouvernement Lecornu II. L’ancien patron de Système U, connu pour sa parole libre et sa fibre coopérative, prend la tête d’un portefeuille ministériel à la fois large et stratégique : PME, commerce, artisanat, tourisme et pouvoir d’achat. Un choix qui en dit long sur la méthode Lecornu : ouverture vers la société civile, technicité assumée, et volonté de renouer avec les réalités économiques du quotidien.
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Une surprise qui en cache une autre
Personne ne l’avait vu venir. Dans les coulisses, c’est Michel-Edouard Leclerc qui semblait le mieux placé pour incarner une passerelle entre grande distribution et pouvoir exécutif. Mais c’est Serge Papin que Sébastien Lecornu a choisi. Un profil moins flamboyant, mais plus enraciné. Et surtout, plus compatible avec une logique de gestion et de dialogue, loin des joutes politiques.
Le message est clair : priorité aux compétences, pas aux étiquettes. Avec cette nomination – comme celles de Jean-Pierre Farandou à l’Emploi ou Monique Barbut à l’Écologie – Lecornu poursuit le virage entamé vers un gouvernement d’ingénierie. Le politique laisse place au technique. Reste à voir si la machine suivra.
De la Vendée à la grande distribution
Papin n’a rien d’un énarque. Il est né dans une épicerie de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, a quitté l’école tôt, passé un BEP en candidat libre, et débuté comme manutentionnaire. Ce n’est qu’en 2005, après avoir gravi les échelons de Système U, qu’il prend la tête du groupement. Il y restera treize ans. Le temps de transformer une coopérative régionale en acteur national du secteur, de stabiliser sa gouvernance et de faire passer la part de marché du groupe de 7 à plus de 10 %.
Sa marque de fabrique : un commerce de proximité, enraciné dans les territoires, porté par les circuits courts et le dialogue avec les producteurs. Un positionnement en phase avec les attentes des consommateurs, mais aussi avec les défis agricoles.
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Un homme de consensus dans un secteur sous tension
Après son départ de Système U, Papin ne quitte pas le débat public. Il livre en 2021 un rapport remarqué à Julien Denormandie sur les relations commerciales dans l’agroalimentaire. Neuf recommandations pour une filière plus transparente, plus équitable, et mieux régulée. Certaines alimenteront directement la loi Egalim 2.
À Bercy, on voit en lui un passeur : entre agriculteurs, PME de transformation et distributeurs. Cette capacité à parler à tous les maillons de la chaîne pourrait s’avérer précieuse dans un contexte où les tensions s’accumulent : pression sur les marges, flambée des coûts, exigences écologiques.
Une fibre verte en construction
Depuis plusieurs années, Papin a aussi pris le virage de l’économie responsable. Il cofonde en 2017 le collectif Osons Demain, aux côtés de dirigeants engagés sur les questions environnementales. Il siège au conseil de surveillance de Léa Nature, accompagne la start-up Nous Anti-Gaspi, et prône une réconciliation entre performance économique, santé et écologie.
Ce positionnement en fait un profil singulier dans l’exécutif. Ni militant, ni technocrate, mais un entrepreneur qui a mis les mains dans le cambouis et qui cherche des équilibres.
Un portefeuille dense, un agenda chargé
Le périmètre confié à Serge Papin ne manque pas d’épines : pouvoir d’achat en berne, PME en quête de financements, commerces de centre-ville sous tension, artisans étouffés par la paperasse, tourisme qui peine à se stabiliser. Sans compter les enjeux structurels : transition numérique, transition écologique, régulation des plateformes, relation entre franchiseurs et franchisés.
Papin devra faire ses preuves sur des dossiers concrets, très scrutés localement. Et il n’aura pas droit à l’erreur. Le gouvernement Lecornu est sous pression, confronté dès ses premières semaines à une motion de censure déposée par le RN et LFI. L’état de grâce sera court.
Une nomination saluée, mais surveillée
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Michel-Edouard Leclerc, rival d’hier, salue “un connaisseur des réalités commerciales et agricoles”. Mais d’autres s’interrogent : un ancien grand patron peut-il vraiment défendre les intérêts des petits ? Peut-il comprendre les besoins d’un artisan ou d’un micro-entrepreneur confronté aux hausses de charges et aux démarches kafkaïennes ?
C’est l’épreuve du terrain qui tranchera. Papin n’a pas l’habitude de rester dans les bureaux. À lui maintenant de démontrer que son expérience d’entrepreneur peut se traduire en action publique. Et que son sens du consensus ne se dilue pas dans la complexité de l’appareil d’État.
Verdict dans les prochains mois.