Comment Starlink transforme l’espace en champ de mines

Chaque jour, des satellites Starlink tombent du ciel. Débris, pollution, collisions : l’espace devient une poudrière à retardement.

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Chaque jour ou presque, un satellite Starlink tombe du ciel. Le phénomène est connu, prévu, organisé par SpaceX. Mais il commence à inquiéter. Trop de métal brûlé, trop de débris, trop de risques. Et surtout, une industrialisation de l’espace qui s’accélère sans que personne ne maîtrise vraiment les conséquences.

Les vidéos d’objets en flammes traversant le ciel se multiplient sur les réseaux. Derrière ces traînées lumineuses, ce sont le plus souvent des satellites Starlink qui rentrent dans l’atmosphère. Ils sont censés se désintégrer intégralement. En théorie. En pratique, il reste des morceaux. Et la cadence s’emballe : entre un et deux retours par jour selon l’astronome Jonathan McDowell, du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics. Une fréquence qui suit de près le rythme des mises en orbite.

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Au 1er octobre 2025, 8 366 satellites Starlink tournaient autour de la Terre, soit 64 % des objets actifs en orbite. C’est +31 % en un an. SpaceX lance des grappes tous les mois. À ce rythme, l’orbite terrestre basse devient une propriété privée. Et chaque fin de vie entraîne une rentrée atmosphérique, voulue ou subie.

Les débris tombent… parfois mal

Officiellement, tout est sous contrôle. Mais les incidents se multiplient. En février, des restes de lanceur Falcon-9 ont atteint des habitations en Pologne. En mai, trois réservoirs pressurisés sont tombés en Argentine. En septembre, un cylindre métallique a été retrouvé au sol. Jusqu’ici, pas de blessés. Mais pour combien de temps ? « Cela ne peut pas durer », alerte McDowell.

Ce n’est pas seulement un risque pour les toits. C’est aussi une menace pour le trafic aérien. Une étude parue dans Nature en janvier évoque une probabilité de collision avec des débris atteignant 26 % par an dans certaines zones à forte densité, comme le nord-est des États-Unis. Les autorités n’ont pas encore les outils pour suivre ou dévier ces objets.

Une pollution venue d’en haut

À chaque rentrée, un satellite brûle. Et cette combustion libère des matériaux, parfois toxiques. Selon une étude de l’University College London, les lancements ont consommé 153 000 tonnes de carburant en 2024. Et 13 500 tonnes de débris ont été brûlées dans l’atmosphère – +26 % en un an. La NASA, qui prélève l’air à 18 000 mètres, y trouve désormais 10 % de particules contenant de l’aluminium de satellite. Ces poussières, à haute altitude, ont un effet de réchauffement jusqu’à 500 fois plus fort que les polluants terrestres.

Autre effet collatéral : le bruit électromagnétique. Une étude australienne menée en juillet a détecté plus de 112 000 signaux radio émis par les satellites Starlink en 29 jours. Problème : 703 d’entre eux utilisaient des fréquences normalement réservées à la recherche scientifique. Résultat : les signaux faibles venus de l’espace profond deviennent de plus en plus difficiles à capter.

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Un avenir surchargé

Les projections inquiètent. D’ici 2035, jusqu’à 28 000 fragments de satellites Starlink pourraient survivre à la rentrée atmosphérique chaque année. Et le nombre total d’engins en orbite pourrait atteindre 60 000 en 2040 si le plan de SpaceX est suivi. En mai 2024, une tempête solaire a déjà réduit de plusieurs jours la durée de vie de plusieurs satellites. La météo de l’espace devient une variable de plus.

SpaceX n’est pas seul. Amazon Kuiper dépasse les 100 satellites et prépare son lancement européen. La Chine monte en puissance : +25 % en un an, avec 1 102 satellites actifs. OneWeb, filiale d’Eutelsat, revendique 651 satellites. En septembre, SpaceX a racheté pour 17 milliards de dollars les fréquences d’EchoStar pour connecter directement les téléphones. Une bataille industrielle d’envergure mondiale.

L’Europe s’organise (doucement)

Face à cette avalanche, Bruxelles tente de reprendre la main. Le projet de Space Act présenté en juin impose des règles de désorbitation, des normes de cybersécurité et des méthodes de calcul de l’empreinte carbone. En France, le nouveau siège du Commandement de l’espace a ouvert à Toulouse. Objectif : mieux protéger les satellites sensibles, notamment militaires. Le démonstrateur Yoda est là pour tester les méthodes.

Les technologies pour nettoyer l’orbite existent : lasers, filets, robots. Plusieurs démonstrateurs ont été testés. Mais rien à grande échelle. Il faudrait des investissements massifs et, surtout, une coordination internationale. Autant dire : pas pour demain.



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