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- Des teneurs en sucre très au-dessus des recommandations
- Le nouveau Nutri-Score rétrograde massivement les céréales populaires
- Marketing agressif et influence sur les choix alimentaires des enfants
- Des alternatives mieux notées, mais peu visibles en rayons
- Une régulation qui se met en place lentement
- Une offre incompatible avec les recommandations de santé
Plusieurs enquêtes menées entre 2022 et 2025 révèlent des résultats préoccupants sur la qualité nutritionnelle des céréales industrielles destinées aux enfants. L’étude du Club Européen des Diététiciens de l’Enfance (CEDE), publiée en août 2024 dans la revue Nutrients, a analysé 559 produits commercialisés en France, en Belgique et au Luxembourg. Selon cette enquête, seules 2,8 % des céréales pour enfants obtiennent un Nutri-Score A ou B, contre 44 % des céréales sans marketing enfant. La grande majorité, soit 93,8 %, est classée dans le groupe Nova 4, qui désigne les aliments ultra-transformés.
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En parallèle, les analyses menées par 60 Millions de Consommateurs confirment ces tendances. En 2022 déjà, certaines références affichaient les plus mauvaises notes du comparatif : Trésors de Kellogg’s (6,5/20) et Golden Grahams de Nestlé (9/20) figuraient en bas de classement. En 2025, l’association de consommateurs met l’accent sur la généralisation des produits ultra-transformés dans le rayon enfant (88 % de l’offre) et leur rôle dans l’augmentation des cas de surpoids infantile.
Des teneurs en sucre très au-dessus des recommandations
Les données nutritionnelles confirment un écart majeur avec les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé. Certaines céréales pour enfants contiennent jusqu’à 16 g de sucres par portion, ce qui représente un tiers du seuil maximal recommandé par l’OMS. Sur 100 g, la teneur médiane atteint 24,8 g, soit le double du seuil de 12,5 g/100 g fixé comme limite dans les repères OMS Europe.
En plus du sucre, ces produits cumulent les additifs : sirops de glucose, arômes artificiels, agents de texture, exhausteurs. La technique industrielle de cuisson-extrusion altère la structure de l’amidon et augmente l’index glycémique des céréales, favorisant une hypoglycémie réactionnelle et une surconsommation à court terme. Cette combinaison de facteurs contribue à une alimentation déséquilibrée et à un risque accru de troubles métaboliques chez l’enfant.
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Le nouveau Nutri-Score rétrograde massivement les céréales populaires
La réforme du Nutri-Score, entrée en vigueur en France à la mi-mars 2025, modifie profondément l’évaluation des produits. L’algorithme durcit la pénalisation du sucre, introduit une notation négative pour les édulcorants et accorde un poids accru aux fibres et céréales complètes.
Cette mise à jour a des effets immédiats. Alors qu’environ 30 % des céréales pour enfants obtenaient un Nutri-Score A ou B avant la réforme, elles ne sont plus que 2,8 % à franchir ce seuil avec la nouvelle version. Exemple notable : les Chocapic de Nestlé, qui étaient notées A, sont désormais rétrogradées à C. En réponse, Nestlé annonce une réforme progressive de ses recettes à partir de septembre 2025, avec une réduction de 48 % du sucre, 61 % du sel et un doublement des fibres, dans le but de revenir à un Nutri-Score B.
Marketing agressif et influence sur les choix alimentaires des enfants
Malgré leurs mauvais profils nutritionnels, ces produits continuent de dominer les rayons. Les raisons sont essentiellement marketing. Les emballages colorés, les mascottes attractives, les cadeaux inclus et les slogans centrés sur la rapidité séduisent à la fois les enfants et les parents. Cette pression commerciale se double d’une présence publicitaire massive : selon l’ARPP, 57,3 % des spots alimentaires diffusés en prime time en 2025 concernent des produits notés D ou E par le Nutri-Score.
Cette exposition répétée renforce l’idée que ces produits sont adaptés à un usage quotidien. Elle masque leur nature ultra-transformée et leur rôle dans l’augmentation de l’apport calorique total chez les enfants : 46 % des calories consommées par les plus jeunes proviennent aujourd’hui d’aliments ultra-transformés, contre 36 % chez les adultes.
Des alternatives mieux notées, mais peu visibles en rayons
Quelques produits obtiennent de très bons résultats dans les classements 2025. Le muesli aux fruits rouges sans sucre ajouté Gerblé ou les flocons d’avoine bio Bjorg atteignent la note de 18/20 avec un Nutri-Score A. Plus globalement, les céréales brutes comme les flocons ou les mueslis non sucrés peuvent répondre aux critères OMS dans 32 % des cas.
En complément, d’autres options sont conseillées par Santé Publique France : pain complet, fruits à coque comme les amandes ou noisettes, compotes sans sucre ajouté. Les granolas artisanaux sans additifs connaissent une légère progression, notamment dans les réseaux spécialisés. Dans la grande distribution, le segment des céréales bio recule encore légèrement (–0,9 % au T1 2025), mais progresse dans la catégorie petit-déjeuner (+4 %).
Pour choisir un produit plus sain, les outils d’aide à la décision sont accessibles : Yuka ou Open Food Facts permettent de consulter à la fois le Nutri-Score et le score Nova avant achat. Une vigilance particulière est également recommandée sur les portions : un bol contient souvent 60 à 70 g, soit le double des quantités indiquées sur les emballages.
Une régulation qui se met en place lentement
Le cadre réglementaire évolue progressivement. Depuis juillet 2024, le règlement européen 2024/1038 impose de nouvelles limites sur la présence de toxines T-2 et HT-2 dans les céréales. En parallèle, les autorités sanitaires renforcent les messages de prévention : le Plan National Nutrition Santé (PNNS) et Santé Publique France diffusent depuis 2025 des campagnes ciblées en milieu scolaire, visant les enfants de 4 à 11 ans.
Le programme « petits-déjeuners à l’école », mis en place dans les établissements REP et REP+, montre une autre réalité : 13 % des élèves concernés arrivent encore en classe sans avoir pris de petit-déjeuner. Une situation qui aggrave les déséquilibres nutritionnels lorsque les produits proposés au domicile sont majoritairement ultra-transformés.
Côté industriels, des ajustements sont en cours. Les recettes de plusieurs références populaires comme Lion, Crunch ou Cheerios doivent être modifiées d’ici fin 2026 pour répondre aux nouveaux critères. Mais pour l’heure, ces changements restent marginaux au regard de l’ensemble du marché.
Une offre incompatible avec les recommandations de santé
Le constat est clair : malgré les alertes répétées des nutritionnistes, les études scientifiques et les évolutions du Nutri-Score, l’essentiel des céréales pour enfants reste ultra-transformé, sucré, pauvre en fibres et largement en décalage avec les recommandations de l’OMS. Quelques marques commencent à ajuster leurs formules, mais la majorité des références reste problématique.
Face à ce constat, la vigilance des familles reste déterminante. Éviter les produits marketing, privilégier des céréales brutes, consulter les étiquettes et les notations indépendantes, surveiller les portions : ces gestes simples ont un impact réel. À plus long terme, seule une action coordonnée entre industriels, législateur, distributeurs et parents pourra rééquilibrer l’offre et replacer la santé des enfants au cœur de l’alimentation quotidienne.
Sources
– Étude CEDE (Nutrients, 14 août 2024)
– 60 Millions de Consommateurs (2022 et 2025)
– Santé Publique France, recommandations 2024–2025
– Règlement UE 2024/1038
– Communiqués industriels Nestlé (juin–octobre 2025)
– ARPP, Observatoire des publicités alimentaires (octobre 2025)