Afficher le résumé Masquer le résumé
Conçu à l’origine pour les missions de bombardement et d’appui au sol dans des environnements conventionnels, le Mirage 2000D apprend à chasser de nouvelles cibles. Face à la prolifération des drones kamikazes et aux nouvelles menaces asymétriques, l’Armée de l’Air et de l’Espace (AAE) transforme cet appareil en chasseur polyvalent capable de traiter des cibles aériennes légères, mobiles et en grand nombre. Une réinvention doctrinale et technologique rendue possible par le programme de rénovation à mi-vie (RMV) lancé sur cinquante exemplaires de l’appareil.
A LIRE AUSSI
Casernes et logements délabrés : la réalité de l’armée française
Prolonger l’efficacité du Mirage 2000D
La version RMV du Mirage 2000D marque une évolution capacitaire significative. Parmi les modifications majeures, l’appareil peut désormais emporter une nacelle canon CC422 de 30 mm ainsi que des missiles air-air MICA IR, en remplacement des Magic II. Si le canon reste pour l’heure cantonné aux missions d’appui aérien rapproché en raison de l’absence de symbologie dédiée au tir air-air, ces évolutions élargissent le spectre des missions.
L’intégration des logiciels de mission LION, LIANE, PANDA et SINGE, développés par l’Escadron des systèmes d’information opérationnels et de cyberdéfense (ESIOC), optimise l’interface homme-machine. Ces outils permettent une gestion plus fine des capteurs et des données tactiques. À cette refonte numérique s’ajoute la capacité prochaine à utiliser la nacelle de désignation TALIOS, prévue pour la fin 2025. Ce capteur optronique de nouvelle génération permettra l’identification, le suivi et la frappe de cibles mobiles, de jour comme de nuit, avec une grande précision.
A LIRE AUSSI
Drones Kamikazes : Thalès frappe un grand coup
Montée en puissance opérationnelle
Depuis l’été 2025, le Mirage 2000D RMV est engagé sur des théâtres d’opérations extérieurs, notamment à Djibouti, où deux appareils ont rejoint les Mirage 2000-5 de l’escadron 3/11 Corse. Ces déploiements s’inscrivent dans le cadre des opérations en mer Rouge, théâtre d’une guerre hybride où les drones, utilisés massivement par les rebelles houthis, représentent une menace constante pour les forces alliées et les lignes maritimes.
Ce retour sur le terrain valide les choix capacitaires du programme RMV et marque une montée en puissance progressive de l’appareil rénové. Il démontre également sa capacité d’intégration dans un dispositif multinational, au sein d’un contexte opérationnel caractérisé par une menace aérienne diffuse, rapide et difficile à intercepter.
Les drones kamikazes, nouvel objectif
Le recours massif aux drones kamikazes a changé la nature du combat aérien. En Ukraine, la Russie a lancé plus de 13 000 drones ou leurres entre janvier et mai 2025, dont certains modèles plus rapides et plus difficiles à intercepter, comme le Geran-3. Le coût unitaire très faible de ces systèmes contraste avec celui des missiles employés pour les abattre, créant un déséquilibre stratégique et logistique.
A LIRE AUSSI
Avions furtifs : la guerre entre dans l’ère de l’invisible
Dans ce contexte, l’AAE réévalue les capacités de ses plateformes existantes, dont le Mirage 2000D. L’idée est de disposer d’un appareil capable de neutraliser des drones avec des armements peu coûteux, tout en restant réactif et intégré à un réseau de détection et d’interception. L’expérience ukrainienne, où des Mirage 2000-5 français ont été utilisés pour intercepter des drones Geran-2, confirme la pertinence de cette approche.
Nouveau champ de bataille
Parmi les pistes envisagées, l’armement du Mirage 2000D avec des roquettes à guidage laser, comme l’ACULEUS-LG développée par Thales, est à l’étude. Cette solution permettrait de neutraliser des cibles à faible signature à un coût raisonnable. L’exemple américain, avec l’emploi de roquettes de 70 mm de type APKWS II sur des F-16 pour abattre des drones en mer Rouge, démontre l’efficacité de ce type d’armement dans des scénarios similaires.
Le Mirage 2000D pourrait aussi se voir équipé de bombes guidées de nouvelle génération, comme les GBU-48 et GBU-50, déjà compatibles avec son architecture. L’intégration des AASM, initialement écartée, est désormais envisagée, en réponse à des besoins opérationnels identifiés sur le terrain. L’appareil bénéficie ainsi d’une plateforme suffisamment flexible pour intégrer ces armements dits agiles, efficaces et à coût maîtrisé.
Intelligence artificielle et exploitation temps réel des capteurs
La capacité à modifier le code source du système d’armes du Mirage 2000D constitue un atout stratégique. Elle permet à l’AAE de développer en interne des fonctionnalités basées sur l’intelligence artificielle. Couplée à la nacelle TALIOS, cette approche ouvre la voie à une exploitation en direct des images recueillies par les capteurs optroniques, avec un potentiel d’automatisation du traitement et du ciblage des menaces.
Cette convergence entre logiciel, capteurs et traitement en temps réel s’inscrit dans une logique de guerre cognitive, où la vitesse de décision devient un facteur clé. Le Mirage 2000D RMV, en intégrant progressivement ces briques technologiques, se positionne comme une plateforme d’expérimentation pour la guerre algorithmique appliquée au combat aérien.