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En 1994, Didier Raoult prend la tête de l’université Aix-Marseille II. Spécialiste des maladies infectieuses, il s’impose rapidement dans le paysage scientifique. En 2010, il reçoit le Grand Prix de l’Inserm. Un an plus tard, il fonde l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection, soutenu par 70 millions d’euros de fonds publics. L’objectif : créer un pôle de recherche d’envergure.
Mais dès 2018, deux inspections alertent sur un management autoritaire, un climat délétère et des pratiques en marge des règles scientifiques. Ces signaux d’alerte ne débouchent sur aucune action immédiate.
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Covid-19 : un tournant médiatique et scientifique
En 2020, Raoult entre en scène à l’arrivée du Covid. Il défend l’hydroxychloroquine dans des vidéos largement diffusées sur YouTube, où sa chaîne rassemble plus d’un million d’abonnés. Il multiplie tribunes et interviews, s’imposant comme une voix dissidente face aux autorités sanitaires.
Sa première étude, publiée dès mars 2020, affirme l’efficacité du traitement. Mais l’absence de groupe témoin, la taille réduite de l’échantillon et le manque de randomisation suscitent de vives critiques. L’étude, non validée par un comité indépendant, devient pourtant virale. Elle est reprise dans plusieurs pays, malgré sa méthodologie contestée.
Des sanctions disciplinaires inédites pour un médecin médiatisé
Fin 2021, l’Ordre des médecins inflige un blâme à Raoult pour avoir promu un traitement non éprouvé. En appel, la sanction est alourdie. Depuis février 2025, il est interdit d’exercer la médecine pour deux ans. Les autorités disciplinaires lui reprochent d’avoir tenu un discours imprudent, contrevenant aux règles déontologiques. Les posologies ont été respectées, mais la communication publique reste jugée dangereuse.
En mai 2023, Raoult cosigne un preprint affirmant que le couple hydroxychloroquine/ivermectine aurait réduit la mortalité chez 30 000 patients. L’ANSM saisit la justice : ni autorisation réglementaire, ni avis éthique n’ont été obtenus. L’étude est retirée, mais republiée en novembre dans une autre revue. De nouvelles inspections révèlent l’absence de consentement, la falsification d’un document, et l’absence de comité de protection des personnes.
Le 17 décembre 2024, l’étude fondatrice de mars 2020 est officiellement rétractée. Le journal scientifique juge la méthodologie biaisée. C’est une rupture nette avec la communauté scientifique.
Gouvernance critiquée, image dégradée de l’IHU
En juin 2024, un troisième rapport de l’IGAS et de l’IGESR confirme les défaillances de gouvernance. L’État est saisi. Le Hcéres reconnaît des progrès sous la direction de Pierre-Édouard Fournier, successeur et ancien doctorant de Raoult, mais les juge insuffisants. L’agence recommande un changement radical avant tout refinancement public.
Fournier, nommé en juillet 2022, doit restaurer la crédibilité de l’IHU. Son profil interroge. Le CHSCT alerte sur un risque de continuité problématique. Raoult, bien qu’écarté, reste influent : professeur émérite, il supervise encore certaines thèses.
Une réponse judiciaire lente malgré les alertes
Une enquête judiciaire est ouverte en juillet 2022 pour faux et recherches non autorisées. Une perquisition est menée en mai 2023. Mais à l’automne 2025, aucune mise en examen. Six lanceurs d’alerte dénoncent une inertie judiciaire. Le sénateur Bernard Jomier interpelle la ministre de la Santé en janvier 2025, demandant des garanties sur l’éthique dans les IHU.
L’affaire Raoult fragilise l’image de l’IHU Méditerranée Infection. Inserm et CNRS prennent leurs distances. Un régime de contrôle renforcé est mis en place. Le rapport sénatorial de 2023 appelle à revoir le modèle des IHU : gouvernance collégiale, mécanismes de succession, contrôles renforcés.
Raoult, de star du Covid à figure marginale
Entre 2020 et 2021, Raoult devient omniprésent. Ses vidéos sont massivement vues, son livre se vend bien. Puis la dynamique s’inverse. Les grands médias l’évitent. Il se replie sur des canaux alternatifs, parfois conspirationnistes. Il reste isolé dans le monde académique.
En octobre 2025, il n’exerce plus. L’information judiciaire se poursuit. Il garde une présence éditoriale, mais son influence institutionnelle s’est évaporée. L’IHU, comme l’ensemble des instituts hospitalo-universitaires, reste marqué par son passage.