Un data center immergé dans la mer

Enterrés à 30 mètres sous la mer, ces serveurs pourraient sauver l’IA de la surchauffe énergétique. Mais à quel prix pour l'environnement ?

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Highlander prévoit de plonger cette semaine un centre de données à 30 mètres de profondeur dans la mer Jaune, au large de Shanghai. Objectif : tester en conditions réelles une infrastructure sous-marine, soutenue par des partenaires publics chinois, capable de réduire la facture énergétique et l’empreinte carbone des serveurs toujours plus gourmands de l’intelligence artificielle.

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Le module est encore en assemblage à terre. Il sera ensuite immergé, alimenté à plus de 95 % par des éoliennes offshore, conformément aux objectifs fixés par Pékin : 80 % d’électricité verte pour les nouveaux hubs de données d’ici 2030.

L’eau de mer servira de système de refroidissement passif. Selon Yang Ye, vice-président de Highlander, ce choix permet de réduire de 90 % l’énergie nécessaire pour éviter la surchauffe. Le courant marin assure une température stable ; l’enveloppe en acier, recouverte d’un revêtement à base de particules de verre, doit résister à la corrosion. La liaison avec le continent se fera par fibre optique.

China Telecom et un acteur public de l’IA figurent parmi les premiers clients visés. Au-delà de la vitrine technologique, le test doit valider un modèle économique encore fragile.

Hainan, preuve par les chiffres

Ce n’est pas une première en Chine. À Hainan, un module similaire opéré par Beijing Sinnet et Shenzhen HiCloud est en service depuis 2023, à 35 mètres de profondeur. Il héberge 400 à 500 serveurs répartis sur 24 baies, capables de traiter l’équivalent de 4 millions d’images haute définition en 30 secondes. Soit la puissance de 60 000 ordinateurs.

Les chiffres parlent. Deux ans après sa mise en service, le taux de panne plafonne à 0,7 %, contre près de 6 % pour un centre terrestre comparable. L’environnement fermé et l’atmosphère d’azote inerte limitent les défaillances. Les autorités locales prévoient le déploiement de 100 modules similaires d’ici 2030. Avec, à la clé, une économie annuelle estimée à 122 millions de kWh et 105 000 tonnes d’eau douce.

Le projet s’inscrit dans la lignée de Natick, lancé par Microsoft en 2018. À l’époque, le groupe américain avait immergé un container de 855 serveurs au large de l’Écosse. Même taux de panne : 0,7 %. Mais l’expérience a tourné court. En 2024, Microsoft a mis fin à l’initiative, évoquant des coûts logistiques trop élevés et une incertitude persistante sur les effets à long terme sur l’environnement marin.

La facture énergétique de l’IA explose

L’enjeu est connu : les besoins énergétiques des centres de données explosent. En 2024, ils ont atteint 415 TWh, soit 1,5 % de la consommation électrique mondiale – l’équivalent de celle de la France. La projection pour 2030 grimpe à 945 TWh. L’intelligence artificielle en serait responsable pour plus de la moitié.

La Chine, en première ligne, voit aussi la facture hydrique s’envoler. En 2025, les centres de données consommeront 1 300 milliards de litres d’eau, soit autant que 26 millions de personnes en une année. Et ce chiffre pourrait tripler d’ici la fin de la décennie.

Les performances énergétiques se dégradent. Le ratio PUE (Power Usage Effectiveness) est passé de 76 % à 74 % en 2025, tandis que le taux d’utilisation des serveurs a chuté à 37 %. Les infrastructures n’absorbent pas la montée en charge des modèles d’IA.

Réglementation renforcée, stratégie accélérée

Face à l’urgence, Pékin durcit le ton. Depuis mars 2025, les nouveaux centres doivent couvrir 80 % de leur consommation par des certificats verts. Une mesure alignée avec l’objectif de neutralité carbone d’ici 2060.

Les opérateurs s’adaptent. Au Mobile World Congress 2025, China Telecom a présenté sa feuille de route « 1+1+1+M+N », avec une architecture « 9+30+X+N » promettant 48 EFLOPS de puissance de calcul, dont 27 accessibles via le cloud. La Chine entend garder la main sur son avenir numérique, tout en verdissant sa trajectoire.

Et l’impact environnemental ?

Reste une inconnue : l’impact environnemental réel de ces capsules immergées. Le dégagement de chaleur, même modéré, pourrait affecter les écosystèmes marins. Des espèces sont sensibles aux variations thermiques, d’autres peuvent être attirées, voire perturbées.

Ces data centers ne remplaceront pas les infrastructures terrestres, mais visent des besoins spécifiques : calcul intensif, résilience énergétique, moindre maintenance. Encore faut-il résoudre les défis techniques : corrosion, connectique, réparations en conditions extrêmes.



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