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L’année 2025 marque une rupture nette dans l’histoire du travail. L’intégration massive de l’intelligence artificielle dans les entreprises déclenche une vague de licenciements sans précédent. Dans le secteur technologique seul, plus de 180 000 suppressions de postes ont été recensées. Le mouvement déborde désormais ce secteur pour s’étendre à l’ensemble de l’économie, touchant directement des métiers entiers, souvent au-delà des scénarios les plus pessimistes.
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L’IA ne se contente plus d’optimiser les processus. Elle remplace. Et les entreprises l’assument comme une réponse directe aux gains de productivité permis par les systèmes automatisés. Chez Intel, 34 000 postes sont supprimés, soit 15 % des effectifs. Microsoft licencie plus de 19 000 salariés. En cause : l’intégration de ses assistants IA Copilot, capables de réaliser une grande partie des tâches répétitives. Tata Consultancy Services, le géant indien, a annoncé en juillet la suppression de 12 000 postes, conséquence de l’automatisation massive dans ses centres de développement.
Le phénomène s’inscrit dans un mouvement global. Selon Goldman Sachs, 300 millions d’emplois à temps plein sont menacés dans les économies développées. Le FMI estime que 40 % des emplois mondiaux seront impactés par l’IA, avec une vulnérabilité plus forte dans les pays riches. Le Forum Économique Mondial, de son côté, anticipe un solde net négatif de 14 millions d’emplois d’ici 2027.
Les secteurs les plus exposés à l’automatisation par IA
Le secteur technologique, à l’origine de l’IA, est aussi le premier à en subir les conséquences. Meta a supprimé 3 600 postes, visant les emplois jugés « peu performants », tout en accélérant ses investissements dans l’IA. STMicroelectronics prévoit de réduire ses effectifs de 5 000 personnes d’ici 2027. Amazon ferme plusieurs entrepôts logistiques. Résultat : plus de 3 300 emplois supprimés, remplacés par des installations entièrement automatisées.
Dans le secteur bancaire, la transformation est rapide. Le Crédit Commercial de France a réduit ses effectifs de 1 400 postes sur 2 400, en fermant près d’un tiers de ses agences. La Société Générale prévoit 5 000 suppressions d’ici 2026. BNP Paribas opte pour une réduction progressive : entre 1 000 et 1 400 postes supprimés par an. La généralisation des services clients automatisés, la gestion algorithmique des opérations courantes et la fermeture des agences expliquent cette évolution.
Dans l’administration, la tendance est plus diffuse mais tout aussi marquée. L’automatisation des tâches de saisie, d’archivage et de gestion documentaire frappe les métiers support. Selon l’OCDE, les fonctions administratives affichent un taux d’exposition de 95 % à l’automatisation par IA.
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Les fonctions intellectuelles désormais menacées par l’IA
Les métiers administratifs et comptables sont les premiers concernés. L’Ordre des experts-comptables estime que 60 % des tâches habituelles de la profession sont désormais automatisables. Plusieurs milliers de postes sont menacés par la généralisation de logiciels capables de produire des bilans, des déclarations fiscales et des rapports financiers sans intervention humaine.
Les professions intellectuelles sont directement touchées. Les IA génératives produisent des articles de presse, des documents juridiques ou des traductions spécialisées à un niveau de qualité qui rivalise avec les professionnels. Rédacteurs, traducteurs et assistants juridiques voient leurs missions absorbées par des systèmes automatisés. Dans le secteur du droit, les tâches de lecture de contrats, de synthèse jurisprudentielle ou de rédaction sont progressivement transférées à des outils spécialisés.
Même les développeurs sont affectés. Les vagues de licenciements chez Microsoft ont frappé les équipes techniques. L’IA est aujourd’hui capable de produire du code fonctionnel. Résultat : de nombreux développeurs juniors sont déplacés vers des rôles de supervision ou de correction. Cette évolution amorce une restructuration profonde des équipes informatiques, recentrées sur des profils plus seniors.
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Une carte mondiale des destructions d’emplois par l’IA
Aux États-Unis, la perte d’emplois dans le secteur technologique touche surtout les jeunes diplômés. Pour la première fois depuis les années 1980, leur insertion professionnelle se dégrade. La Silicon Valley concentre une large part des suppressions liées à l’automatisation.
En Europe, les contrastes sont nets. En France, les suppressions d’emplois s’accélèrent dans les secteurs traditionnels, alors que les offres liées à l’IA explosent. Avec 166 000 offres d’emploi publiées en 2024, la France dépasse l’Allemagne et le Royaume-Uni. Les opportunités se concentrent dans les métropoles, creusant l’écart avec les zones périphériques.
Dans les pays émergents, la vague s’intensifie. L’Inde, dont la compétitivité reposait sur la délocalisation des services informatiques, voit ce modèle remis en cause. Les postes de développement, de support technique ou d’analyse sont de plus en plus automatisés.
L’émergence de nouveaux métiers liés à l’intelligence artificielle suscite un optimisme mesuré. En France, les emplois dits « augmentés » ont progressé de 252 % entre 2019 et 2024. Mais cette croissance reste faible en volume absolu et ne compense pas les destructions massives dans les métiers classiques.
Les salariés formés à l’IA bénéficient de salaires 56 % plus élevés en moyenne. Cette prime reflète la rareté des profils qualifiés et la polarisation du marché. Le secteur de l’information et de la communication concentre une part disproportionnée des offres, ce qui limite la redistribution géographique et sociale des opportunités.
Des politiques publiques trop lentes face au choc IA
Les États peinent à suivre. En France, le plan « Osez l’IA » a été lancé en juillet 2025 pour former 15 millions de personnes d’ici 2030. Le budget : 200 millions d’euros sur cinq ans. Un montant modeste face à l’ampleur du défi. À ce jour, seules 8 % des très petites entreprises (TPE) et 13 % des PME ont intégré l’IA dans leurs processus.
France Travail multiplie les dispositifs d’accompagnement. Un réseau de 751 startups et centres spécialisés a été mobilisé. En 2024, 40 000 personnes ont été formées. L’objectif : 100 000 par an. Un rythme encore insuffisant pour répondre aux reconversions massives à venir.
L’automatisation booste la productivité, mais renforce les inégalités. Dans les secteurs les plus exposés, la productivité a quadruplé entre 2018 et 2024. Mais les gains profitent surtout aux actionnaires et aux entreprises les plus avancées technologiquement. Une nouvelle stratification du travail émerge. Ceux qui maîtrisent l’IA gagnent mieux et progressent plus vite. Les autres voient leur position fragilisée.
Les femmes en première ligne
Les femmes, surreprésentées dans les métiers administratifs, sont parmi les plus touchées. Les seniors, eux, peinent à se reconvertir. Leur coût et la durée de leur adaptation jouent contre eux dans les arbitrages des employeurs.
La rapidité de la mutation complique les réponses. Les compétences techniques deviennent obsolètes en 18 mois, contre 5 à 7 ans auparavant. Une telle obsolescence rend difficile la mise en place d’une formation continue efficace.
L’intelligence artificielle génère une croissance sans précédent, mais supprime des emplois à grande échelle. Le modèle économique fondé sur le salariat est remis en cause. Les expérimentations sur la réduction du temps de travail, le revenu universel ou la requalification massive restent limitées, freinées par des contraintes budgétaires et idéologiques.