Toulouse : ce fournisseur de peau humaine alimente les labos mondiaux

Genoskin alimente l’industrie pharmaceutique avec des modèles de peau humaine, une innovation qui séduit de plus en plus de laboratoires.

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La start-up toulousaine Genoskin a réussi un tour de force rare dans la biotechnologie : devenir un fournisseur incontournable pour l’industrie pharmaceutique mondiale en partant… de bouts de peau. Fondée en 2011, l’entreprise transforme des échantillons de peau humaine, issus de chirurgie plastique, en outils scientifiques standardisés. Ces morceaux de derme encore vivants permettent de tester l’efficacité et la tolérance des traitements bien avant les essais cliniques sur l’homme. Un créneau aussi prometteur qu’éthique, qui séduit autant la pharma que la cosmétique.

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Des kits de peau humaine pour éviter l’expérimentation animale

Genoskin a développé une technologie qui maintient en vie des tissus humains dans des conditions de laboratoire contrôlées. Ces échantillons, loin d’être de simples supports biologiques, conservent les caractéristiques immunologiques de leur donneur. Résultat : des réactions cutanées proches de la réalité humaine, bien plus fiables que celles des modèles animaux ou synthétiques.

Cette précision fait la différence dans un secteur où les essais précliniques sont souvent un goulet d’étranglement. Les industriels pharmaceutiques peuvent désormais anticiper plus finement les effets secondaires et les réponses immunitaires aux médicaments, vaccins ou dispositifs injectables. Une aubaine dans un contexte où les réglementations se durcissent contre les tests sur animaux.

Quand l’intelligence artificielle s’invite dans les tissus

Genoskin ne vend pas simplement des morceaux de peau. L’entreprise a intégré une couche d’analyse avancée : les échantillons génèrent des données multi-omiques – génomique, protéomique, transcriptomique – ensuite traitées par des algorithmes d’intelligence artificielle. Cette approche permet d’extraire des prédictions précieuses sur la toxicité ou l’efficacité d’un traitement, bien au-delà de ce que permet une simple observation au microscope.

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L’enjeu est clair : aider les industriels à prendre des décisions plus rapides et plus sûres avant les essais cliniques. Dans le développement des biothérapies, des anticorps monoclonaux ou des traitements injectables, ce type de prédiction devient un atout stratégique.

Un modèle hybride entre biotech et services scientifiques

Aujourd’hui, Genoskin travaille avec de grands noms comme Estée Lauder, Unilever, Colgate, Allergan ou LEO Pharma. Le modèle économique a évolué. L’entreprise vend encore des modèles de peau – HypoSkin® ou FlowSkin, capables de simuler des injections et une circulation sanguine –, mais la majorité de ses revenus (70 %) vient désormais des prestations scientifiques menées en interne pour ses clients.

Ce repositionnement en « CRO » (contract research organization) renforce son rôle de partenaire stratégique. Genoskin devient non seulement fournisseur de matériel biologique, mais aussi prestataire de services hautement qualifiés. Un virage qui change d’échelle.

Une levée de fonds pour accélérer à l’international

En septembre, Genoskin a levé 8 millions d’euros, dont 5 millions en capital auprès d’investisseurs régionaux comme Captech Santé et GSO Innovation, et 3 millions en dette via Bpifrance et des banques. Une première levée de fonds depuis sa création. L’objectif : doubler les capacités de production avec deux nouveaux sites – un laboratoire de 700 m² aux États-Unis, à Salem (Massachusetts), dès 2026, et une installation automatisée de 1 000 m² à Toulouse en 2027. Les effectifs, aujourd’hui de 42 personnes, devraient doubler d’ici à 2028. Une montée en puissance qui vise clairement le marché mondial.

La croissance de Genoskin est aussi portée par une dynamique réglementaire favorable. Depuis 2013, l’Union européenne interdit les tests sur animaux pour les cosmétiques. Et en avril 2025, la FDA américaine a assoupli ses règles, rendant optionnels les tests animaux pour certains médicaments, notamment les anticorps monoclonaux.

Ce virage historique alimente une forte demande pour des méthodes alternatives fiables, reproductibles et éthiques. Le marché mondial des essais non-cliniques, estimé à 108,6 milliards de dollars en 2025, pourrait franchir les 150 milliards d’ici 2034. Genoskin se positionne au cœur de cette transition.

L’ambition : devenir le numéro un mondial des modèles de peau

L’entreprise ne cache pas ses ambitions. Elle vise le leadership mondial sur le segment des modèles de peau humaine pour les essais précliniques. Pour cela, elle mise sur l’expertise immunologique de ses équipes et sur un effort soutenu d’innovation.

De nouvelles plateformes de biosimulation sont prévues dès 2027, avec des modèles avancés pour tester les réponses immunitaires et affiner les prédictions sur la toxicité ou l’efficacité des traitements. Genoskin veut redéfinir les standards de l’expérimentation préclinique. Un pari scientifique, économique… et éthique.



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