Gaza : Microsoft lâche l’armée israélienne

Après des révélations sur une surveillance de masse des habitants de Gaza, Microsoft désactive une partie de ses services qu'elle fournit à l’armée israélienne.

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Microsoft a décidé de mettre fin à certains services cloud fournis à l’unité 8200, fleuron de la cybersécurité militaire israélienne. L’annonce, faite par Brad Smith, président de l’entreprise, marque une rupture sans précédent : c’est la première fois qu’un géant technologique américain désactive des services à une unité de l’armée israélienne depuis le début de la guerre à Gaza. Officiellement, la décision est motivée par des préoccupations liées aux droits humains.

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Une plateforme d’IA au cœur de la surveillance de masse

Cette décision fait suite à une enquête conjointe de The Guardian, +972 Magazine et Local Call, publiée en août. Elle révélait l’ampleur d’un système de surveillance mis en place par l’unité 8200, utilisant la plateforme Azure de Microsoft pour stocker et analyser massivement des conversations de Palestiniens. Selon les documents, l’infrastructure gérait jusqu’à un million d’appels par heure grâce à des outils d’intelligence artificielle, avec une base de données atteignant 8 000 téraoctets.

Face à ces révélations, Microsoft a conduit des investigations internes. Résultat : un réexamen de ses collaborations, mais sans couper tous les ponts. Un responsable israélien a minimisé l’impact, affirmant qu’il s’agit d’un “petit sous-ensemble de services pour une seule unité” et que les capacités opérationnelles de l’armée n’ont pas été affectées.

Israël reste un partenaire stratégique pour la tech américaine, en particulier via l’unité 8200, pépinière de startups et de talents. Microsoft, comme Google et Amazon, y a longtemps investi.

Google et Amazon maintiennent leur soutien technologique

La décision de Microsoft relance les critiques autour du projet Nimbus, contrat de 1,2 milliard de dollars signé en 2021 par Google et Amazon avec le gouvernement israélien. Ce contrat couvre l’hébergement cloud et des services d’IA destinés aux ministères israéliens, dont celui de la Défense. Depuis le début, il a suscité des protestations internes, certaines relayées publiquement. En mars 2024, Google a signé un contrat de conseil direct avec le ministère de la Défense israélien pour plus d’un million de dollars. Amazon, de son côté, continue de fournir des services utilisés par l’armée, selon des documents officiels.

Privée d’Azure, l’unité 8200 prévoit désormais de migrer ses données vers Amazon Web Services. Contactée, la société n’a pas commenté.

Dans les trois entreprises, des mouvements internes de contestation se sont multipliés. Chez Google, une cinquantaine d’employés ont été licenciés après des manifestations. Chez Amazon, une pétition contre le projet Nimbus a rassemblé plus de 1 700 signatures. Les protestataires alertent sur l’usage militaire des technologies civiles et les risques pour les droits fondamentaux.

Une mobilisation interne à l’origine du revirement

Chez Microsoft, la décision de couper l’accès à Azure n’est pas venue du sommet, mais de la base. Le collectif “No Azure for Apartheid” a joué un rôle déterminant. Il a réuni plus de 7 000 signatures d’employés et généré plus de 270 000 courriers adressés à la direction. L’objectif : imposer des critères de diligence éthique dans les choix de clients, notamment en cas d’usage militaire abusif.

Cette pression n’a pas été sans coût. En 2025, au moins cinq employés ont été licenciés pour leur participation aux protestations. Microsoft a aussi censuré certains mots dans ses communications internes – “Palestine”, “Gaza”, “apartheid”, “génocide” – et fait arrêter 20 personnes lors d’une occupation de son siège à Redmond. Sept d’entre elles avaient pénétré dans le bureau de Brad Smith.

Cette dynamique prolonge celle lancée dès 2021 avec le mouvement “No Tech for Apartheid” chez Google et Amazon. Les militants estiment pourtant que la décision reste symbolique : la majorité des contrats de Microsoft avec l’armée israélienne sont toujours en vigueur.

Un tournant éthique dans les relations armée-tech

Israël a bâti sa puissance cybermilitaire sur la porosité entre défense et innovation. L’unité 8200 est connue pour avoir formé des fondateurs de nombreuses startups de cybersécurité, souvent rachetées par des entreprises américaines. Microsoft et d’autres y ont investi lourdement, en R&D comme en capital humain.

Mais la mise en cause du système israélien de surveillance et la suspension de services par Microsoft révèlent une fissure dans ce partenariat historique. La conformité légale ne suffit plus. La perception publique, les valeurs internes des employés et les risques juridiques deviennent des facteurs de décision.



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