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Thales renforce son positionnement stratégique dans le domaine des drones offensifs avec une alliance de poids. Le groupe français s’associe à la start-up européenne Destinus pour produire à grande échelle des « drones kamikazes », ces effecteurs à usage unique qui s’imposent comme un pivot des conflits modernes, à commencer par la guerre en Ukraine.
Montée en puissance spectaculaire
L’accord signé entre Thales et Destinus porte sur le développement et la production de « One Way Effectors » (OWE), des drones consommables situés à mi-chemin entre les missiles de croisière et les munitions téléopérées. Destinus, qui prévoit de fabriquer 100 000 unités en 2026, apportera sa capacité de plate-formiste et ses briques d’intelligence artificielle, tandis que Thales fournira les charges utiles. L’Ukraine, déjà cliente de Destinus, sera l’un des principaux destinataires.
Ce partenariat intervient dans un contexte de montée en puissance spectaculaire de la filière drone européenne. L’Ukraine prévoit d’en produire 2,5 millions en 2025, une hausse de 150 % par rapport à 2024. Le marché européen des drones de défense devrait passer de 7,95 milliards de dollars en 2024 à plus de 85 milliards d’ici 2034.
Destinus, un acteur en rupture avec la tradition industrielle
Fondé par le dissident russe Mikhail Kokorich, Destinus s’affiche comme une entreprise profondément ancrée dans la dynamique européenne. Ancien créateur de Momentus Space aux États-Unis, Kokorich a dû quitter l’entreprise en 2021 en raison de restrictions liées à sa nationalité. Il a officiellement renoncé à sa citoyenneté russe en janvier 2024, affichant publiquement son opposition à Vladimir Poutine et son soutien à l’Ukraine.
À ses côtés, Alexander Danyliuk, ex-ministre des Finances ukrainien (2016-2018), aujourd’hui vice-président senior Défense de Destinus, joue un rôle stratégique dans les relations avec Kiev. Le duo dirigeant confère à Destinus une légitimité à la fois technique et politique sur le marché européen de la défense.
Un savoir-faire déjà opérationnel
Destinus se positionne comme un acteur de rupture grâce à une stratégie d’acquisitions ciblées. En août 2025, la société a finalisé le rachat de la start-up suisse Daedalean, spécialisée dans l’IA pour l’aéronautique, pour 223 millions de dollars. Cette intégration renforce les capacités de navigation autonome, notamment sans GPS, et la coordination d’essaims de drones.
En mars 2025, Destinus avait déjà acquis la société néerlandaise Aerialtronics, ajoutant des expertises en drones multicoptères. Pour contourner les restrictions suisses sur l’exportation de matériel à double usage, l’entreprise a transféré l’assemblage à Munich, tout en maintenant sa R&D à Payerne. Le siège de la holding a été déplacé aux Pays-Bas en novembre 2024, facilitant l’obtention de licences d’exportation européennes.
Depuis 2023, Destinus livre plus d’une centaine de drones « Lord » par mois à l’Ukraine, témoignant d’un savoir-faire déjà opérationnel.
Thales, un acteur engagé sur le front ukrainien
Ce partenariat s’ajoute à un portefeuille déjà actif pour Thales. Le groupe livre à l’Ukraine des missiles anti-drones FZ275 LGR, équipés de têtes explosives FZ123. Ces projectiles de 70 mm neutralisent les drones Shahed iraniens en dispersant des milliers de billes d’acier sur un rayon de 25 mètres.
Thales Belgium vise une production de 3 500 unités d’ici fin 2025 et de 10 000 unités par an dès 2026. Parallèlement, Thales a renforcé son réseau de partenaires dans le domaine drone, notamment avec Autonomous Devices pour la guerre électronique, et Terma pour les plateformes navales, aériennes et spatiales.
Une concurrence frontale avec MBDA sur les OWE
Le partenariat Thales–Destinus s’inscrit dans une compétition de plus en plus vive sur le segment des drones kamikazes. En juin 2025, MBDA a annoncé sa propre gamme de One Way Effectors, avec une capacité mensuelle de 1 000 unités. Son modèle Crossbow, dévoilé en septembre, affiche une portée de 800 kilomètres pour une charge utile de 300 kg, visant le même segment tactique.
Cette montée en gamme des industriels européens s’explique par les signaux politiques de Bruxelles. L’Union européenne accélère le financement de capacités de production à grande échelle, à l’image du programme ASAP pour les munitions. EDIRPA (310 millions d’euros) encourage les achats conjoints, tandis que le méga-programme ReArm Europe (800 milliards d’euros) cherche à structurer une base industrielle de défense résiliente.
L’alliance entre Thales et Destinus illustre une tendance lourde : la volonté européenne d’intégrer des capacités critiques sur des segments encore émergents, comme les drones kamikazes. En unissant un groupe de défense établi et une start-up technologique en croissance rapide, ce partenariat marque une étape vers une souveraineté européenne accrue dans la guerre algorithmique.
» Le marché européen des drones de défense devrait passer de 7,95 milliards de dollars en 2024 à plus de 85 milliards d’ici 2034. »
Je serai intéressé de connaitre les sources de ces prévisions qui à mon sens sont largement surestimées.