La classe politique vous fait-elle honte ?

Un Premier ministre perdu, des partis sans courage : faut-il avoir honte de nos responsables politiques ?

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En vingt-sept jours, la France a vu passer un Premier ministre nommé, démissionnaire, puis prolongé de quarante-huit heures pour tenter l’impossible : arracher un accord politique dans un paysage éclaté. L’automne 2025 révèle un système grippé, incapable de construire une majorité sur un texte aussi fondamental que le budget. Le cœur du problème : des postures irréconciliables, des calculs électoraux de court terme, et l’absence d’un cap commun.

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Le 6 octobre, la journée commence par une démission : celle de Sébastien Lecornu, nommé moins d’un mois plus tôt. Quelques heures plus tard, l’Élysée lui demande de rester encore deux jours pour tenter de sauver les meubles en bricolant une « plateforme d’action ». Lecornu accepte, mais prévient qu’il ne reprendra pas Matignon, même en cas d’accord.

Bruno Le Maire, pressenti pour les Armées, se retire lui aussi. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur désigné et président de LR, critique un gouvernement peuplé de « chevaux de retour ». Le casting, jugé dépassé, achève de discréditer une équipe encore virtuelle. Ce va-et-vient révèle un exécutif à bout de souffle, incapable de donner une direction lisible.

Un blocage structurel, alimenté par des stratégies rivales

La majorité présidentielle campe sur une lecture classique des institutions, comme si la situation parlementaire n’avait pas changé. Trois Premiers ministres en quelques mois ont promis la rupture, sans jamais en dessiner les contours. Les gestes sur la justice fiscale, sujet central, restent trop timorés pour rallier la gauche, et déjà trop ambigus pour tenir le centre.

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À droite, LR a d’abord envisagé une alliance partielle, avant de refermer la porte, sur fond de concurrence interne entre Retailleau et Laurent Wauquiez. Le parti durcit sa ligne sur l’immigration et la sécurité, tout en refusant d’assumer une co-gestion qui l’obligerait à trancher.

La gauche, elle, affiche l’unité mais diverge sur la méthode. PS, écologistes et communistes réclament un Premier ministre issu de leur camp, mais restent divisés entre logique d’opposition et tentation de compromis. L’abrogation des retraites devient leur ligne rouge, rendant tout dialogue budgétaire incertain.

Quant au RN, il reste volontairement à l’écart. Jordan Bardella et Marine Le Pen refusent d’entrer dans le jeu, dénoncent des tractations de façade et appellent à la dissolution. Une stratégie d’attente et de dénonciation, dans l’espoir de capitaliser sur l’impuissance ambiante.

Un gouvernement fantôme et des partis qui fuient leurs responsabilités

La séquence des 6–8 octobre agit comme un révélateur. En acceptant de piloter les dernières discussions sans perspective de retour à Matignon, Lecornu met tout le monde face à ses contradictions. L’exécutif doit clarifier sa ligne fiscale, LR choisir entre opposition et partenariat assumé, la gauche trancher entre communication et participation, le RN assumer son refus du jeu parlementaire.

Tout se cristallise autour d’un point : personne n’est prêt à payer le prix politique d’un accord visible sur le budget. Chacun pense à 2027, évite les compromis qui pourraient brouiller son image, et alimente ainsi le blocage collectif.

Le budget, juge de paix d’une majorité introuvable

Le texte budgétaire concentre toutes les tensions. Il oblige à des choix clairs : hausses d’impôts ou coupes dans les dépenses, priorités assumées, trajectoire crédible. Aucun camp ne veut en porter seul la responsabilité. L’exécutif craint de renier sa ligne, LR redoute de se diluer, la gauche refuse de valider un compromis tiède, le RN veut rester dans la critique pure.

Mais le coût de l’indécision devient comptable : hausse des primes de risque, défiance des marchés, incertitudes sur la trajectoire financière. La politique perd alors sa dimension symbolique : elle se mesure en points de spread et en notations dégradées.

Trois scénarios pour sortir de l’impasse d’ici janvier

Première option : une coalition de projet très limitée, avec un mandat clair sur deux chantiers — le budget et la Nouvelle-Calédonie. Accord écrit, responsabilités partagées, durée courte. Ce serait un attelage fragile, mais lisible.

Deuxième piste : un pacte de procédure à l’Assemblée. Partage de l’ordre du jour, règles anti-obstruction, transparence des concessions et amendements. L’objectif : permettre aux compromis d’exister sans humilier les partis.

Troisième hypothèse : une clause de revoyure. Le Parlement vote un budget transitoire, assorti d’un point d’étape en février. Si les engagements ne sont pas tenus, la dissolution devient une issue assumée, non une menace.

Une crise de régime maquillée en simple crise de méthode

Quinze mois après les législatives, le système politique français fonctionne sans boussole. Chacun tente de piéger l’autre pour marquer des points dans l’opinion. Mais cette mécanique de court terme produit un effet de long terme : une incapacité à gouverner. La séquence du début octobre a simplement mis au jour ce que beaucoup pressentaient : les responsables politiques, isolément, ne sont pas tous irresponsables. Mais leur addition, elle, l’est devenue.



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