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- Un écosystème encore flou à moins d’un an de l’échéance
- Des spécifications qui évoluent encore en 2025
- Un retard préoccupant chez les petites entreprises
- L’Europe accélère, la France suit avec incertitude
- Une réforme justifiée, mais une exécution trop floue
- Trois impératifs pour réussir le virage numérique
La France a désormais un cap officiel : toutes les entreprises devront être capables de recevoir des factures électroniques dès le 1er septembre 2026. Celles de grande taille et les ETI devront également émettre à cette date. Les PME et micro-entreprises auront un an de plus, jusqu’au 1er septembre 2027. Ces jalons, désormais figés à l’article 91 de la loi de finances pour 2024, sont repris noir sur blanc par les portails de Bercy et de Service-public. En apparence, la situation est stabilisée. En réalité, le chantier reste mouvant et souvent mal compris par les acteurs de terrain.
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Un écosystème encore flou à moins d’un an de l’échéance
Trois piliers structurent la réforme. Le Portail public de facturation (PPF), prolongement de Chorus Pro, reste le socle de l’infrastructure. Il centralise les flux, alimente l’administration fiscale et constitue l’annuaire de référence.
À ses côtés, les plateformes agréées (PA, anciennement PDP) – des opérateurs privés enregistrés auprès de la DGFiP – doivent prendre le relais pour l’émission, la réception et la transmission des données. Mais à l’automne 2025, aucune immatriculation n’est encore définitive. Les validations techniques sont attendues pour la fin de l’année seulement.
Enfin, les opérateurs de dématérialisation (OD) – non agréés – assurent des fonctions d’acheminement ou de conversion, mais doivent s’appuyer sur une PA ou le PPF pour transmettre les données.
Le modèle reste lisible sur le papier. Mais les messages contradictoires, alimentés par des rumeurs d’abandon du PPF sur certains blogs, sèment le doute. Le ministère de l’Économie et les documents techniques récents confirment pourtant la centralité du PPF.
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Des spécifications qui évoluent encore en 2025
Techniquement, les chantiers s’enchaînent. En 2025, la DGFiP a multiplié les mises à jour des formats (Factur-X, UBL, CII) et des cas d’usage. Résultat : les éditeurs et intégrateurs travaillent en flux tendu pour adapter ou recoder les ERP, souvent à peine stabilisés.
Surtout, les tests d’interopérabilité – nécessaires à l’immatriculation finale des plateformes – ne commenceront qu’à la fin 2025. Un goulot d’étranglement se profile. Difficile pour les DSI de figer leurs choix technologiques tant que la cartographie des plateformes n’est pas fixée. Le marché reste suspendu à une liste officielle qui tarde à se dessiner.
Un retard préoccupant chez les petites entreprises
Les baromètres publiés en 2025 en disent long sur l’ambivalence du moment. Certains sondages relayés par des éditeurs affichent un taux de confiance élevé : près de 80 % des entreprises se disent prêtes à l’échéance. Mais les études plus indépendantes ou issues de la presse économique dressent un tableau plus nuancé : les PME et TPE accusent un retard réel. Manque de préparation, compréhension partielle des implications, projets démarrés tardivement, automatisation faible : les signaux sont clairs.
Au Sénat, plusieurs questions écrites ont relayé les craintes des petites structures : complexité technique, coût de mise en conformité, déficit d’accompagnement. L’écart entre grandes et petites entreprises se creuse à mesure que la réforme avance.
L’Europe accélère, la France suit avec incertitude
Adopté en mars 2025, le paquet ViDA (VAT in the Digital Age) impose une trajectoire claire à l’échelle européenne : e-invoicing généralisé, e-reporting quasi temps réel, formats interopérables, jusqu’en 2035. La France est dans la ligne. Le cadre ViDA valide le choix du PPF et renforce la logique de normalisation (Factur-X, Peppol). Ce signal réduit fortement le risque d’un revirement ou d’un retour en arrière. Mais il rend aussi l’ajustement incontournable à court terme.
Une réforme justifiée, mais une exécution trop floue
Ce n’est pas l’objectif de la réforme qui crée le malaise, mais sa mise en œuvre. Cinq éléments concentrent les tensions :
- Incertitude persistante : les entreprises doivent engager des budgets et des projets sans connaître la liste finale des plateformes validées. Si une PA perd son statut, les travaux doivent être recommencés.
- Rôles mal compris : entre PPF, PA et OD, les sigles s’empilent, mais la pédagogie ne suit pas. Les dirigeants non initiés restent perdus.
- Charge technique sous-estimée : les derniers livrables imposent une transformation lourde des ERP et de la gouvernance des données (TVA, statuts, identifiants, contrôles…).
- Calendrier trop compressé : réception obligatoire pour 100 % des entreprises en 2026, alors que les tests des plateformes n’auront commencé qu’en fin d’année 2025. L’effet entonnoir est prévisible.
- ROI incertain pour les petites entreprises : là où les grands groupes verront vite des gains (automatisation, réduction d’erreurs, lutte contre la fraude), les TPE redoutent des coûts cachés et un retour sur investissement plus lent.
Trois impératifs pour réussir le virage numérique
Comment éviter un crash ? Trois pistes concrètes peuvent fluidifier l’atterrissage :
- Fixer un cadre technique public engageant : dates, formats, jeux d’essai, KPI d’interopérabilité… et publier un tableau de bord mensuel pour suivre l’état d’avancement.
- Accélérer les tests croisés et sécuriser les couples ERP/PA : les entreprises doivent pouvoir choisir une combinaison validée et documentée, en fonction de leurs cas d’usage (avoirs, TVA, auto-facturation…).
- Accompagner les PME de manière ciblée : diagnostic gratuit via les CCI, kits pratiques (TVA/IBAN/SIREN), simulateurs de coûts… Objectif : transformer une obligation perçue comme technique en levier de productivité.