IRICC : décryptage d’un virage pour les transports français

IRICC va changer les règles du jeu pour les carburants bas carbone. Découvrez les enjeux d’un programme crucial pour la transition énergétique française.

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L’Europe accélère. Avec la directive RED III, Bruxelles impose aux États membres une montée en puissance rapide de la décarbonation des transports. Deux options sont sur la table : atteindre 29 % d’énergie renouvelable dans la consommation finale du secteur d’ici 2030, ou réduire de 14,5 % l’intensité carbone de l’énergie utilisée. Une trajectoire parallèle est fixée pour les biocarburants avancés et les carburants renouvelables non issus de la biomasse (RFNBO) : 1 % dès 2025, puis 5,5 % en 2030.

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La France, comme les autres pays européens, doit définir son propre chemin. C’est tout l’enjeu du programme IRICC – Incitation à la Réduction de l’Intensité Carbone des Carburants – actuellement en phase de concertation. L’idée : attribuer des crédits carbone aux carburants en fonction de leur performance réelle en matière d’émissions. Reste à savoir sur quelles bases. Car pour les industriels, les incertitudes pèsent lourd. Quels carburants seront pris en compte ? Quelles technologies seront considérées comme légitimes ? Comment sera calculée l’économie de CO₂ ? Aujourd’hui, personne ne peut le dire avec certitude.

Des choix à faire pour orienter l’investissement

Cette incertitude freine les décisions. Pour les acteurs du transport et de l’énergie, le manque de visibilité complique les investissements. Ils doivent anticiper des règles encore en gestation, aligner leurs projets avec un cadre mouvant, tout en répondant à des exigences opérationnelles immédiates.

La mécanique des crédits carbone envisagée par IRICC pourrait constituer un levier puissant. À condition qu’elle repose sur des critères clairs, transparents et applicables à une gamme suffisamment large de solutions. L’objectif ne doit pas être de favoriser une technologie contre une autre, mais de mesurer efficacement la réduction d’émissions obtenue, quel que soit le moyen employé.

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Éviter une vision trop étroite de la décarbonation

Jusqu’à présent, les dispositifs comme la TIRUERT ont largement favorisé l’électrification, au détriment d’autres solutions pourtant efficaces. Cette logique, issue d’un prisme technologique dominant, n’est pas toujours adaptée au terrain. Dans certaines configurations – concessions temporaires, zones isolées, sites sans raccordement au réseau – l’électrique n’est pas la réponse la plus pertinente.

Des alternatives existent. Les générateurs hors réseau alimentés à l’éthanol renouvelable, par exemple, peuvent fournir une énergie décarbonée localement, sans dépendre d’une infrastructure lourde. Ils sont rapides à déployer, adaptables, et leur empreinte carbone est maîtrisée. Mais tant que les critères du futur IRICC ne sont pas définis, ces solutions risquent de rester en marge du système.

Reconnaître toutes les solutions performantes

La réussite du programme IRICC repose sur un principe simple : évaluer les carburants et les technologies en fonction de leur performance réelle, pas de leur image ou de leur mode de production. Il s’agit de bâtir un dispositif capable d’intégrer des approches hybrides, combinant énergies renouvelables locales, biocarburants avancés, électrification raisonnée et innovations hors réseau.

L’enjeu est double : efficacité climatique et équité économique. Ne valoriser que les options les plus visibles reviendrait à écarter des solutions immédiatement mobilisables, souvent plus adaptées à certains usages spécifiques. Et donc à ralentir la transition. Ce serait aussi un frein à l’innovation dans un secteur qui, pour se transformer, a besoin de souplesse réglementaire et de reconnaissance technologique.

S’inspirer des stratégies gagnantes à l’international

L’exemple chinois est éclairant. En 2024, la Chine a atteint avec six ans d’avance ses objectifs de capacités solaires et éoliennes fixés pour 2030. Elle y est parvenue grâce à une politique structurée, cohérente, et dotée de moyens massifs : plus de 600 milliards de dollars investis dans les énergies propres en un an.

L’Europe, elle, a déjà fixé le cap avec RED III. Il reste à construire des politiques nationales qui traduisent cette ambition en leviers concrets. Cela passe par des dispositifs comme IRICC, mais aussi par une capacité à écouter les acteurs de terrain, à reconnaître la diversité des contextes et à ouvrir le jeu des technologies.

Le cadre est encore en construction. Le moment est crucial. C’est maintenant que se décide la cohérence – ou non – de la trajectoire française de décarbonation.



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