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La démission, ce lundi 6 octobre, du Premier ministre Sébastien Lecornu après moins d’un mois à Matignon ravive les appels de l’opposition à « débloquer » la situation. La France insoumise réclame l’examen immédiat d’une motion de destitution d’Emmanuel Macron, en revendiquant le parrainage de 104 députés, avec des soutiens chez les écologistes et les communistes. Le Rassemblement national pousse, lui, à une nouvelle dissolution.
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La destitution n’est pas un procès pénal : c’est une sanction politique encadrée par la Constitution et par la loi organique de 2014. Motif unique : un « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice du mandat ». La marche à suivre est sévère. Première étape, une résolution signée par au moins un dixième des membres de la chambre d’origine (58 députés ou 35 sénateurs).
Le bureau peut l’écarter si elle est irrégulière. Si elle passe, la commission des lois peut refuser de l’examiner ; si elle l’examine, inscription à l’ordre du jour sous treize jours. Puis vote en séance : majorité des deux tiers des membres, sans délégation de vote et en ne comptant que les voix favorables. Même exercice dans la seconde chambre, sous quinze jours, avec le même seuil. Si les deux feux sont au vert, Haute Cour : Parlement réuni, décision sous un mois, toujours aux deux tiers.
Jusqu’au dernier vote, le président exerce ses fonctions. En cas de destitution, l’élection présidentielle s’organise dans les vingt à trente-cinq jours (article 7).
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Le seuil des deux tiers, un mur politique
C’est l’arithmétique qui parle, et elle est têtue. À l’Assemblée nationale issue de 2024, aucun bloc ne tutoie les deux tiers. Même une jonction partielle entre gauche radicale et RN ne suffit pas, tant les défections seraient nombreuses chez les socialistes ou chez des élus écologistes réticents. Au Sénat, dominé par la droite et le centre, la barre est encore plus haute.
Ajoutez les goulots d’étranglement procéduraux : filtre du bureau, latitude de la commission des lois, calendrier contraint, double vote qualifié, puis Haute Cour à deux tiers en un mois. Autant d’endroits où une majorité relative peut bloquer ou laisser s’éteindre l’initiative. Depuis la révision de 2007, aucun précédent n’a abouti : la notion de « manquement manifestement incompatible » reste volontairement large, mais l’architecture a été pensée pour n’ouvrir la voie qu’à l’exceptionnel.
Des issues plus plausibles que la destitution
Plus réalistes à court terme : une nouvelle dissolution (article 12) pour tenter de recomposer l’Assemblée ; un changement de Premier ministre et un attelage élargi ; ou, plus théorique, une démission présidentielle — qu’Emmanuel Macron écarte, en affirmant vouloir aller au bout du mandat en 2027. Autrement dit, une motion de destitution peut créer un moment politique fort, pas une probabilité sérieuse d’éviction.
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Légalement possible, politiquement très improbable. Quatre verrous successifs aux deux tiers, dans un Parlement fragmenté et un Sénat ancré à droite, rendent la destitution de Macron hautement hypothétique. La crise du moment attise la pression. Elle ne baisse pas le seuil.