AME : combien coûte l’Aide Médicale d’État aux Français ?

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L’Aide Médicale d’État (AME) représente un dispositif essentiel de la protection sociale française, destiné aux personnes étrangères en situation irrégulière. Avec un budget gelé à 1,2 milliard d’euros pour 2025 et environ 480 000 bénéficiaires, elle suscite des débats intenses, à la croisée des enjeux sanitaires, budgétaires et migratoires. Derrière les polémiques, que dit réellement l’analyse des données disponibles ?

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Un dispositif ancien

L’AME s’inscrit dans une longue tradition d’assistance médicale en France. Dès 1893, l’assistance médicale gratuite permettait aux plus démunis d’accéder aux soins. Après la création de la Sécurité sociale en 1945, le système évolue, jusqu’aux lois Pasqua de 1993 qui conditionnent l’accès à l’assurance maladie à la régularité du séjour. C’est cette restriction qui justifie, en 2000, la création de l’AME, prévue pour garantir un droit minimal à la santé aux personnes exclues du droit commun.

Organisée par les articles L251-1 et suivants du Code de l’action sociale et des familles, l’AME comprend trois composantes : le dispositif principal (droit commun), les soins urgents et l’AME humanitaire. Le droit commun représente à lui seul 95 % des dépenses.

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Conditions strictes d’accès et contrôle renforcé

Pour bénéficier de l’AME, trois conditions doivent être remplies : résider en France depuis plus de trois mois, ne pas disposer d’un titre de séjour, et avoir des ressources inférieures au plafond de la Complémentaire Santé Solidaire non contributive. Les mineurs sont exemptés de la condition de résidence, dans le respect du principe de protection de l’enfance.

L’instruction des dossiers est rigoureuse. En 2022, 13 % des demandes ont été refusées, notamment en raison d’un séjour trop court (35 %) ou d’un défaut de justificatifs. Une fois acceptés, 14 % des dossiers sont contrôlés a posteriori, avec un taux d’anomalie inférieur à 3 %, selon la CNAM. Les caisses comme celle de Seine-Saint-Denis ne constatent aucun atypisme particulier par rapport au reste des assurés sociaux.

Un panier de soins large mais encadré

Les bénéficiaires de l’AME accèdent à un panier de soins équivalent à celui de la Sécurité sociale, avec prise en charge à 100 % et sans reste à charge. Toutefois, plusieurs prestations sont exclues, notamment pour les majeurs : procréation médicalement assistée, cures thermales ou médicaments faiblement remboursés. Un délai de carence de neuf mois s’applique également à certains soins lourds comme les prothèses ou la chirurgie de la cataracte.

En parallèle, de nouveaux dispositifs ont été intégrés, tels que « MonPsy » ou le dépistage du cancer du col de l’utérus. Le panier de soins de l’AME reste ainsi globalement aligné sur les objectifs de santé publique.

Un coût en hausse

Le coût total de l’AME s’est établi à 1,386 milliard d’euros en 2024, soit une hausse de 15,5 % sur un an. Cette augmentation s’explique avant tout par la croissance du nombre de bénéficiaires (+39 % entre 2015 et 2023), plus que par une explosion des dépenses individuelles.

Pour 2025, le budget est gelé à 1,2 milliard d’euros, à l’issue d’un compromis parlementaire. Cette enveloppe ne suffira pas à couvrir les dépenses réelles, générant une dette de l’État envers l’Assurance maladie estimée à 130 millions d’euros, contre 17,3 millions un an plus tôt.

Les dépenses se répartissent principalement entre l’hospitalier (60,8 %), les soins de ville (26,5 %) et la pharmacie (12,7 %). Ce glissement vers la médecine de ville traduit une volonté d’éviter les soins en urgence, plus coûteux.

Coût par habitant : 17,91 euros par an

Rapporté à la population française, l’AME représente un coût de 17,91 euros par habitant, soit 0,509 % des dépenses totales de santé (235,8 milliards d’euros). À titre de comparaison, les dépassements d’honoraires à la charge des assurés sociaux atteignent 3 milliards d’euros annuels, soit près de trois fois le coût de l’AME.

La France se situe dans la moyenne européenne en termes de couverture médicale des migrants irréguliers. Des pays comme l’Espagne ou l’Allemagne ont des systèmes comparables, parfois plus restrictifs.

Une population jeune et précaire

Les bénéficiaires de l’AME sont majoritairement des hommes (57 %) et des jeunes adultes : 41 % ont moins de 30 ans. Environ 80 % n’ouvrent de droits qu’à titre individuel. Les familles nombreuses sont très minoritaires (moins de 0,5 % du total).

L’état de santé est souvent dégradé : 22 % des bénéficiaires se déclarent en mauvais ou très mauvais état de santé, contre 8 % pour l’ensemble de la population. La prévalence de pathologies infectieuses (tuberculose, VIH, hépatites), de troubles psychiatriques et de maladies chroniques est nettement plus élevée.

Les enfants et les seniors représentent les segments en plus forte croissance : +65 % de mineurs en métropole depuis 2015, +75 % pour les plus de 60 ans.

Île-de-France et Guyane : des zones sous forte pression

L’AME est géographiquement très concentrée. L’Île-de-France regroupe 55 % des bénéficiaires métropolitains. À Paris et en Seine-Saint-Denis, les établissements hospitaliers comme Delafontaine ou Avicenne prennent en charge une part majeure des soins.

En outre-mer, la Guyane se distingue avec près de 40 000 bénéficiaires, soit 10 % du total national. Cette situation s’explique par les flux migratoires régionaux intenses, en provenance du Surinam et du Brésil.

Une dépense par bénéficiaire inférieure à celle des assurés sociaux

En 2024, la dépense moyenne par bénéficiaire de l’AME est de 2 500 euros. Ce montant reste inférieur à celui de la population générale (3 109 euros) et des bénéficiaires de la CMU-C (2 606 euros). La structure d’âge, les exclusions de certaines prestations et le non-recours important (plus de 50 %) expliquent cette différence.

Les séjours hospitaliers sont en revanche plus longs : 5,5 jours contre 4,7 pour les assurés classiques. Ce décalage traduit une prise en charge tardive de pathologies souvent aggravées, ainsi que des difficultés de sortie d’hospitalisation pour des personnes précaires.

La réalité des fraudes

Malgré les soupçons régulièrement relayés dans le débat public, les cas de fraude avérée à l’AME sont très peu nombreux. Les chiffres de l’Assurance maladie font état de 38 à 54 cas par an au niveau national. À Paris, sur 133 plaintes déposées par la CPAM en 2009, seules 13 concernaient l’AME. À Bobigny, 76 cas suspects représentent 0,12 % de la dépense locale.

Les contrôles sont nombreux, avec des exigences documentaires renforcées. L’instauration récente d’une carte AME sécurisée vise à limiter les usurpations. Les fraudes les plus théoriques (identité, domiciliation, ressources) restent difficiles à prouver et concernent des cas marginaux.

Débat politique : fracture persistante entre camps

À droite, la remise en cause du dispositif reste un marqueur fort. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, défend une réforme d’ampleur, s’appuyant sur le rapport Evin-Stefanini. Le Rassemblement National propose quant à lui une suppression pure et simple de l’AME, au profit d’un dispositif d’urgence vitale uniquement.

Au centre et à gauche, les lignes sont plus nuancées. Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, médecin de formation, reconnaît la nécessité du dispositif tout en assumant le gel budgétaire. Le Premier ministre Sébastien Lecornu adopte une ligne de consensus. La gauche, quant à elle, reste fermement opposée à toute réduction, y voyant une atteinte au droit à la santé.

Le monde médical, dans son ensemble, continue de défendre le maintien de l’AME, soulignant ses bénéfices en matière de prévention, de santé publique et de maîtrise des coûts à long terme.

Santé publique : un investissement rentable ?

Contrairement à une idée répandue, l’AME n’a pas d’effet d’appel migratoire. Les études disponibles (IRDES, Médecins du monde) montrent que moins de 10 % des personnes en situation irrégulière sont venues en France pour des raisons de santé.

La prise en charge précoce des pathologies évite des hospitalisations lourdes et coûteuses. Une étude de l’Agence des droits fondamentaux de l’UE démontre que les économies générées par des soins anticipés peuvent atteindre 69 % selon les cas.

L’AME contribue également à contenir la diffusion de maladies contagieuses, protégeant ainsi l’ensemble de la population. Dans un système de santé universel, les soins aux plus précaires relèvent autant de la solidarité que de la prévention.



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2 commentaires sur « AME : combien coûte l’Aide Médicale d’État aux Français ? »

  1. Est-ce qu’un jour les FRANÇAIS passeront en priorité ? Travailler et payer pour les autres… ras le bol !! Mais la vraie question finalement est : est-ce que la FRANCE existe toujours ?

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2 commentaires