Poitou-Charentes : Francepierre, la pierre qui défie le béton

Et si la pierre naturelle devenait le matériau du futur ? Francepierre parie sur l’innovation pour relancer une filière locale et durable.

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Depuis plus de 70 ans, Francepierre Poitou-Charentes taille la pierre comme on façonne un métier d’avenir. L’entreprise extrait et transforme chaque année plus de 9 000 m³ de calcaire provenant de cinq carrières, dont trois en Nouvelle-Aquitaine – à Migné-Auxances, Chauvigny et Sireuil – ainsi que deux autres en Bourgogne et à Caen. À Jardres, près de Poitiers, son siège et son atelier de transformation centralisent les opérations.

Avec une vingtaine de salariés, Francepierre signe certaines des restaurations les plus emblématiques du patrimoine français : le Jardin des Tuileries, le Louvre, la gare d’Orsay, ou encore le pont de l’Alma à Paris, dont le célèbre Zouave aurait été sculpté dans la pierre de Chauvigny.

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La pierre naturelle, un matériau qui coche toutes les cases

Le cœur de métier reste la restauration de monuments historiques, un marché qui ne faiblit pas : plus de 6 000 chantiers ouverts chaque année en France. Les pierres locales, comme celle de Migné-Auxances – tendre et facilement taillable – ou celle de Chauvigny – très résistante au gel – sont prisées pour leurs propriétés techniques autant qu’esthétiques.

Mais un autre débouché monte en puissance : la construction neuve. Face à la pression environnementale, la pierre naturelle marque des points. Elle affiche une empreinte carbone jusqu’à 75 % inférieure à celle du béton. Conforme aux exigences de la RE2020, elle offre également une excellente inertie thermique, ce qui améliore naturellement l’isolation des bâtiments.

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La construction en panne, les carrières en attente

Reste que le contexte actuel n’est pas favorable. Le bâtiment traverse une crise profonde. Fin mai 2024, les permis de construire avaient reculé de 15,5 % et les mises en chantier de 21,5 % par rapport à l’année précédente. Une chute brutale, qui affecte directement les fournisseurs de matériaux comme Francepierre.

La filière est aussi confrontée à un problème structurel : une pénibilité du travail toujours élevée et une forte dépendance à la main-d’œuvre. Dans les carrières, l’organisation reste très artisanale, avec souvent un seul opérateur par machine. Ce modèle pèse sur l’attractivité des métiers. Le secteur peine à recruter : 67 % des entreprises industrielles déclarent rencontrer des difficultés. Le salaire moyen d’un tailleur de pierre reste modeste, autour de 23 600 euros brut annuels.

Une ligne automatisée pour changer de dimension

Face à cette double pression – conjoncturelle et structurelle – Francepierre a investi un million d’euros dans une ligne de production à commande numérique. Un changement de cap soutenu par la Région Nouvelle-Aquitaine à hauteur de 77 300 euros, dans le cadre du dispositif Aide aux investissements pour la performance industrielle (AIPI).

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La nouvelle machine regroupe plusieurs fonctions : découpe, polissage, palettisation, tri et évacuation des déchets. Elle peut produire jusqu’à 200 m² de dallage par jour avec un seul opérateur. Résultat : moins de pénibilité, une productivité accrue, une réduction des déchets de 20 %, et une précision au millimètre. L’entreprise a recruté un salarié formé spécifiquement à la conduite de cet équipement.

Ce virage technologique a imposé une réorganisation complète de l’atelier principal. Il a aussi nécessité une adaptation des savoir-faire internes. À la clé : de nouveaux profils, plus diversifiés, y compris féminins, pour occuper des postes historiquement masculins. Moins contraignants physiquement, ces nouveaux rôles élargissent le vivier de recrutement tout en maintenant la transmission des gestes traditionnels.

L’industrie de la pierre entre dans l’ère numérique

Francepierre n’est pas un cas isolé. Le mouvement est général dans la filière. Les Carrières de Noyant ont inauguré à l’automne 2024 une usine de 6 000 m² pour un investissement de 13 millions d’euros. Polycor, géant nord-américain de la pierre, a ouvert en mars 2025 une unité de production automatisée à Saint-Maximin. Tous misent sur la même équation : technologie, productivité, et valorisation d’une ressource locale et durable.

Cette montée en gamme industrielle rebat les cartes d’un secteur longtemps perçu comme figé. La pierre, à condition d’être bien exploitée, devient un levier stratégique pour concilier performance économique et exigence écologique.

Le potentiel est loin d’être épuisé. À l’échelle mondiale, le marché de la pierre naturelle est estimé à 39,85 milliards de dollars en 2024, avec une prévision à 62,48 milliards d’ici 2034, soit un taux de croissance annuel de 4,6 %. En France, la demande pour des matériaux locaux, durables et bas carbone alimente cette dynamique.



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