Pascal Praud, machine à cash de CNews

Rentable, omniprésent, clivant : Pascal Praud est devenu l’animateur le plus bankable de CNews, au cœur d’un modèle économique bien huilé.

Résumé Résumé

Avec ses audiences hors normes, sa rentabilité millimétrée et son omniprésence médiatique, Pascal Praud incarne désormais la colonne vertébrale du projet Bolloré dans l’audiovisuel. Un modèle d’intégration verticale et d’influence assumée, qui rebat les cartes du journalisme télévisé.

CNews dépasse BFMTV : une bascule historique

En septembre 2025, CNews détrône BFMTV avec 3,9 % de part d’audience mensuelle, soit un point de plus que sa rivale. C’est du jamais vu depuis la création des chaînes d’info en continu. Au cœur de ce basculement : L’Heure des Pros, animée chaque matin par Pascal Praud, qui capte à elle seule 17,3 % de part d’audience, soit 555 000 téléspectateurs en moyenne. L’édition du soir fait encore mieux : 774 000 fidèles chaque jour, avec des pics au-delà du million. Le 3 juin, Praud rassemble 1,01 million de téléspectateurs en access. Le 10 septembre, CNews grimpe à 6,3 % d’audience quotidienne, juste derrière M6 (7,2 %) et devant France 5.

Face à lui, la concurrence est écrasée. Apolline de Malherbe, sur BFMTV, plafonne à 235 000 spectateurs le matin. Chez les cibles publicitaires, Praud écrase tout : plus de 26 % chez les CSP+, 19 % chez les 25-49 ans. C’est cette puissance d’audience qui fait de lui un produit rare sur le marché.

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Un animateur devenu machine à cash

Pascal Praud est une figure centrale dans la stratégie économique de CNews. Ses émissions s’enchaînent sur trois tranches horaires quotidiennes, générant plus de 4h30 d’exposition publicitaire directe. Résultat : les marques s’arrachent ses espaces, avec un retour sur investissement immédiat.

Sa rémunération est à la hauteur : entre 1,4 et 1,57 million d’euros par an. La majeure partie vient de CNews (960 000 euros), le reste d’Europe 1 (jusqu’à 400 000 euros), des primes d’audience (200 000 euros), d’une chronique au Journal du Dimanche (50 000 euros) et d’interventions extérieures. Sa société personnelle, MOTIFALO, complète l’édifice avec des revenus non détaillés.

Ce statut économique lui permet un confort visible : logement dans le 7ᵉ arrondissement de Paris, maison à Noirmoutier, costumes sur-mesure, emploi du temps millimétré — réveil à 5h45, sieste dans sa voiture, trois émissions par jour.

Le cœur du dispositif médiatique Bolloré

Depuis 2023, Praud officie à la fois sur CNews et Europe 1, en parfaite synergie. Ce double rôle illustre la stratégie du groupe Bolloré : faire circuler les messages, les livres, les idées sur toutes les plateformes du groupe. À la radio, Pascal Praud et vous rassemble jusqu’à 855 000 auditeurs.

Le dispositif est verrouillé : un livre publié chez Fayard (groupe Vivendi) est promu à l’antenne, relayé dans les points de vente Relay (également Vivendi), amplifié dans L’Heure des Pros, puis commenté dans Le JDD. L’exemple du livre de Jordan Bardella est révélateur : exposition immédiate et maximale, sans passer par les filtres médiatiques traditionnels.

Polémiques à répétition, moteur d’audience

Le style Praud, c’est aussi la controverse. En avril 2025, il lance en direct : « Il y a beaucoup de femmes qui dénoncent parce qu’elles n’ont pas été désirées par les hommes. » Tollé immédiat. Clémence Guetté (LFI) dénonce une phrase qui « perpétue la culture du viol ». L’Arcom est saisie. Ce n’est pas un cas isolé : attaque contre Le Monde (« passé à l’extrême gauche »), contre Delphine Ernotte, contre France Télévisions, propos jugés déplacés sur des procès de viols — la liste est longue.

CNews et Praud collectionnent les amendes de l’Arcom : 80 000 euros en juillet 2024, 150 000 euros en novembre. Le motif est souvent le même : propos extrêmes sans contradiction, défaut de rigueur ou de contrôle de l’antenne. Ces sanctions sont intégrées au modèle économique, considérées comme des coûts fixes face aux revenus générés par les séquences controversées.

Un journalisme remodelé autour de l’éditorialisation

Avec Pascal Praud, l’information devient commentaire. Chaque émission commence par un éditorial, les invités sont choisis en fonction de leur compatibilité idéologique, les thèmes tournent en boucle : immigration, insécurité, critique des élites. La neutralité n’est plus l’objectif. Elle est remplacée par une ligne assumée, revendiquée, martelée.

Ce tournant transforme le paysage audiovisuel. BFMTV décroche. LCI tente de suivre. Franceinfo reste à la traîne. « Faire son Pascal Praud » est devenu une expression en interne chez les concurrents : une façon de dire que l’opinion assumée est devenue une norme, ou un passage obligé.

Une stratégie de conquête culturelle

Derrière cette mécanique se cache une ambition claire : proposer une contre-hégémonie. Pascal Praud ne se contente pas de parler à un public, il participe à modeler une vision du monde. Celle d’une droite conservatrice, musclée, qui se pose en défenseuse du bon sens contre les « élites bien-pensantes ».

Le schéma est rodé : édito, plateau calibré, polémique, relais. Et ça fonctionne. Car cette parole, largement diffusée, est aussi largement écoutée. Chaque jour, des millions de Français s’y exposent. Cette exposition massive alimente un sentiment de légitimité — pour l’animateur, pour le message, pour le modèle.

En moins de dix ans, Pascal Praud a déplacé le centre de gravité du journalisme télévisé. Il a imposé une formule hybride, où l’information n’est plus un service, mais un produit de performance. Une machine à générer de l’audience, de la réaction, du chiffre.



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