Résumé Résumé
Si Cédric Jubillar est acquitté à l’issue de son procès, il pourrait prétendre à une indemnisation comprise entre 200 000 et 300 000 euros. Une somme exceptionnelle, parmi les plus élevées jamais accordées en France pour détention provisoire abusive. Cette estimation repose sur une série de critères juridiques, économiques et humains liés à sa situation.
Poste | Estimation basse | Estimation haute |
---|---|---|
Préjudice matériel | 80 000 € | 100 000 € |
Préjudice moral | 120 000 € | 180 000 € |
Frais d’avocat remboursables | 15 000 € | 25 000 € |
Total estimé | 215 000 € | 305 000 € |
Cédric Jubillar est incarcéré depuis le 18 juin 2021 dans le cadre de l’enquête sur la disparition de son épouse, Delphine Jubillar, infirmière de 33 ans, portée disparue dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020 à Cagnac-les-Mines, dans le Tarn. Mis en examen pour homicide volontaire sur conjoint, il comparaît depuis le 22 septembre 2025 devant la cour d’assises du Tarn, à Albi. Le procès, prévu jusqu’au 10 octobre, est suivi de près par les médias en raison de la forte exposition publique du dossier. Le corps de la victime n’a jamais été retrouvé.
Une détention de plus de quatre ans
Selon l’article 149 du Code de procédure pénale, toute personne ayant subi une détention provisoire suivie d’un acquittement peut demander réparation du préjudice moral et matériel subi. La demande doit être déposée dans les six mois suivant la décision définitive, auprès du premier président de la cour d’appel compétente.
Incarcéré à la maison d’arrêt de Seysses, Cédric Jubillar aura passé plus de 51 mois en détention provisoire au moment du verdict, soit plus de quatre ans. Une durée qui, en elle-même, constitue un facteur majeur dans l’évaluation d’un éventuel préjudice.
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Détenu à l’isolement durant une grande partie de son incarcération, il a été soumis à des conditions particulièrement strictes, justifiées par la médiatisation intense de l’affaire. Cet isolement prolongé, la séparation avec ses deux enfants et la pression sociale liée à une accusation de meurtre d’un proche constituent des éléments aggravants.
Avant son incarcération, Cédric Jubillar exerçait comme peintre-plaquiste en contrat à durée déterminée, pour un revenu mensuel net de 1 395 euros. Sur 51,4 mois, la perte de revenus atteint environ 71 800 euros. À cela s’ajoute la perte de chance professionnelle, c’est-à-dire l’impossibilité de chercher un emploi, d’évoluer ou de se réinsérer dans le marché du travail.
En tenant compte de ces éléments, l’indemnisation du préjudice matériel pourrait être évaluée entre 80 000 et 100 000 euros. Ce calcul inclut également les difficultés de retour à l’emploi après une incarcération aussi longue.
D’autres indemnisations records
Nom / Affaire | Montant | Durée | €/jour | Année | Type | Particularités |
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Patrick Dils | 1 000 000 € | 15 ans | 128 € | 2003 | Double meurtre | Plus longue détention, indemnisation famille incluse |
Loïc Sécher | 797 352 € | 7 ans 3 mois | 301 € | 2012 | Viol sur mineure | Père décédé durant la détention |
Marc Machin | 663 320 € | 5 ans 10 mois | 312 € | 2014 | Meurtre | Vrai coupable identifié |
Christine Villemin | 62 500 € | 11 jours | 5 682 € | Années 1980 | Affaire Grégory | Record indemnisation journalière |
Jean Deshays | 797 866 € | 46 mois | – | 1955 | Meurtre | Première grande révision judiciaire française |
Roland Agret | 500 000 € | 5 ans | 274 € | 2005 | Meurtre | Combat judiciaire de 30 ans |
Jean-Louis Müller | 367 551 € | Plusieurs incarcérations | – | 2015 | Meurtre | Médecin, avait demandé 2 M€ |
J.L.C. (hospitalisation) | 617 000 € | 17 ans | 99 € | 2016 | Hospitalisation psychiatrique | Hospitalisation d’office abusive |
Abdelkader Azzimani | 480 000 € | Non précisé | – | 2016 | Terrorisme | Erreur judiciaire confirmée |
Abderrahim el-Jabri | 480 000 € | Non précisé | – | 2016 | Terrorisme | Erreur judiciaire confirmée |
Farid El Hairy | En cours | 11 mois 23 jours | – | 2022–2023 | Viol sur mineure | Victime rétractée, affaire en cours |
En croisant les différents postes d’indemnisation, le montant total auquel Cédric Jubillar pourrait prétendre en cas d’acquittement serait compris entre 215 000 et 305 000 euros. Rapporté à la durée de sa détention, cela représente entre 50 000 et 60 000 euros par année passée en prison.
Ces chiffres placeraient l’affaire Jubillar parmi les plus importantes indemnisations jamais versées en France, derrière quelques cas emblématiques comme celui de Loïc Sécher (797 352 euros pour 7 ans) ou de Patrick Dils (700 000 euros pour 15 ans), mais au-dessus de la moyenne nationale dans des proportions très marquées.
En 2023, le montant moyen d’indemnisation versé par l’État pour détention abusive a atteint 28 600 euros, un chiffre en hausse par rapport à 2022. Mais ces montants restent sans comparaison possible avec ce que pourrait obtenir Cédric Jubillar si la justice le reconnaissait innocent après plus de quatre années de détention.
Un préjudice moral largement supérieur au préjudice économique
Dans les affaires de détention abusive, le préjudice moral représente souvent la part la plus importante de l’indemnisation. Dans le cas de Cédric Jubillar, plusieurs éléments pourraient justifier une indemnisation particulièrement élevée : l’isolement carcéral prolongé, la séparation avec ses enfants, l’exposition médiatique exceptionnelle et l’impact psychologique d’avoir été accusé du meurtre de son épouse.
Les tribunaux considèrent régulièrement ces éléments comme des atteintes graves à la dignité et à l’intégrité morale. Le montant du préjudice moral dans cette affaire pourrait atteindre 120 000 à 180 000 euros, voire davantage selon l’interprétation du dossier par la cour.
Sur plus de quatre années de procédure, plusieurs avocats ont été mobilisés pour assurer la défense de Cédric Jubillar. Les frais engagés sont estimés entre 40 000 et 60 000 euros. Toutefois, seuls les honoraires directement liés à la privation de liberté et aux démarches visant à y mettre fin peuvent être indemnisés. En l’état actuel du droit, cette part remboursable se situerait entre 15 000 et 25 000 euros.
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Et si Cédric Jubillar était acquitté ?
Des facteurs aggravants propres à l’affaire Jubillar
Plusieurs éléments spécifiques renforcent le caractère exceptionnel du dossier. La médiatisation continue et massive de l’affaire, la retransmission du procès, la pression publique sur le système judiciaire, ainsi que la séparation brutale et durable d’un père avec son enfant constituent autant de facteurs aggravants susceptibles de faire monter le montant final.
À cela s’ajoutent les conditions de détention, notamment l’isolement prolongé pendant toute la durée de l’incarcération, rarement appliqué aussi longtemps en France.
Des limites légales et judiciaires à l’indemnisation
L’indemnisation d’une détention abusive n’est ni automatique ni garantie, même en cas d’acquittement. Elle peut être refusée ou réduite si la personne détenue s’est volontairement mise en cause ou a contribué à son maintien en détention. Dans le cas de Cédric Jubillar, les contradictions relevées par l’accusation pourraient être utilisées pour limiter son droit à réparation.
Par ailleurs, la procédure est longue et complexe. Elle ne peut être engagée qu’après une décision définitive. En cas de recours, les délais peuvent s’étendre sur plusieurs années. Enfin, les montants sont laissés à l’appréciation souveraine du juge, au vu de l’ensemble du dossier.