Flat tax : Lecornu prêt à briser un tabou fiscal

Le gouvernement prépare une révision surprise de la flat tax. Une concession stratégique pour sauver le budget 2026 ?

Résumé Résumé

Jusqu’ici intouchable, la flat tax est désormais dans le viseur du gouvernement. Le Premier ministre Sébastien Lecornu a ouvert la porte à une révision de cet impôt emblématique sur les revenus du capital dans le cadre du budget 2026. Une annonce qui marque un virage politique assumé, dans un contexte de majorité fragile et de négociations tendues avec la gauche.

A LIRE AUSSI
Décryptage de la méthode Lecornu

Une icône fiscale remise en cause

Créée en 2018, la flat tax fixe un taux unique de 30 % sur les revenus du capital – dividendes, plus-values mobilières, intérêts. Elle symbolise la politique de l’offre voulue par Emmanuel Macron dès le début de son premier mandat. Mais dans l’entourage du premier ministre, on reconnait que des discussions ont lieu depuis plusieurs jours autour d’une augmentation de ce taux. Une brèche ouverte dans ce qui fut longtemps une ligne rouge.

La majorité dépend du Parti socialiste

Le changement de ton du gouvernement s’explique d’abord par les équilibres parlementaires. La coalition autour de Renaissance, Les Républicains et Horizons ne tient que grâce au soutien extérieur du Parti socialiste. Et ce dernier hausse le ton. Olivier Faure, patron du PS, a fixé l’enjeu du rendez-vous prévu le 3 octobre avec le Premier ministre : sans geste fiscal clair, une motion de censure fera tomber le gouvernement. « Si rien ne change, ce gouvernement tombera », a-t-il averti. La pression est forte, la survie politique se joue sur la ligne budgétaire.

A LIRE AUSSI
Lecornu ferme la porte à la taxe Zucman et au retour de l’ISF

Le discours officiel a bien changé depuis janvier. À l’époque, le ministre de l’Économie, Éric Lombard, écartait catégoriquement toute hausse de la flat tax, arguant que cela nuirait à la confiance des investisseurs. Mais depuis, la menace d’être mis en minorité à l’Assemblée nationale est devenue très concrète. L’entourage de Lecornu admet que sur certains textes, le « socle commun » ne tiendrait pas. Le gouvernement voit désormais dans la fiscalité du capital un outil de négociation avec la gauche.

Une flat tax déjà entamée par des mesures ciblées

La flat tax n’a déjà plus tout à fait la même portée qu’à sa création. En 2025, un amendement du Modem prévoyait de la relever à 33 %, mais il avait été rejeté in extremis par le gouvernement Barnier. En revanche, la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), entrée en vigueur la même année, a alourdi la facture pour les contribuables les plus aisés. Au-delà de 250 000 euros de revenus financiers pour une personne seule (500 000 euros pour un couple), le taux effectif dépasse déjà les 30 %, prélèvements sociaux compris.

Un compromis fiscal en gestation

Le PS réclame 15 milliards d’euros de recettes nouvelles, via une taxation des très hauts patrimoines. Pour y répondre sans réactiver l’impôt sur la fortune ni adopter la taxe Zucman, la hausse de la flat tax est apparue comme une voie médiane. Olivier Faure se dit ouvert à la discussion, à condition que le rendement reste équivalent. L’exécutif cherche donc à construire un compromis : un geste vers la gauche sans froisser la droite. Mais la ligne est mince. « On a bien compris ce qu’il ne voulait pas, mais pas ce qu’il était prêt à faire », a insisté Faure.

Le relèvement du PFU a aussi un intérêt purement comptable. Les recettes tirées de cette taxe ont doublé en six ans, atteignant 6,8 milliards d’euros en 2024. Chaque point de hausse représente environ 240 millions d’euros. Passer de 30 % à 36 %, comme l’évoque le quotidien Les Echos, pourrait donc rapporter 1,5 milliard d’euros. Un levier utile pour un budget 2026 sous contraintes. Le dispositif CDHR, lui, est déjà enclenché : les contribuables concernés doivent verser un acompte de 95 % de leur impôt estimé dès décembre 2025, sous peine de pénalités. L’exécutif veut aller vite.

La fiscalité du capital au cœur de l’équation politique

Rien n’est encore tranché, mais une chose est sûre : la flat tax est redevenue un objet politique. Sa hausse pourrait permettre à Lecornu d’éviter une crise parlementaire, tout en rassurant l’aile droite avec des baisses d’impôts sur le travail. Mais la manœuvre reste risquée. La gauche pourrait juger l’effort insuffisant. Et la droite pourrait voir dans cette concession un premier recul stratégique. La flat tax, jadis symbole de stabilité fiscale, devient un thermomètre de l’équilibre politique.



L'Essentiel de l'Éco est un média indépendant. Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités :

Publiez un commentaire

Publier un commentaire