Et si Cédric Jubillar était acquitté ?

Sans corps, sans aveu et avec une enquête critiquée, le procès Jubillar pourrait basculer vers un acquittement que peu avaient envisagé.

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La question paraît impensable pour certains. Elle devient pourtant de moins en moins théorique à mesure que se déroule le procès de Cédric Jubillar devant la cour d’assises du Tarn. L’homme reste accusé d’avoir tué son épouse Delphine, disparue depuis près de cinq ans. Mais à l’issue de la deuxième semaine d’audience, une vérité s’impose : l’accusation n’a toujours pas trouvé la clef de voûte de son dossier. Et la défense, elle, continue de gratter là où ça fait mal.

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Le « procès dans le procès » du procureur Alzeari

La comparution de Dominique Alzeari, ancien procureur de la République de Toulouse, a donné le ton. Cité par la défense, il est venu s’expliquer sur sa conférence de presse de juin 2021, qui avait contribué à forger une image publique accablante de Cédric Jubillar. Un moment de bascule dans le récit judiciaire et médiatique.

Pour les avocats de l’accusé, cette intervention publique a lourdement pesé sur la suite de l’enquête. « Il l’a crucifié médiatiquement dès le 18 juin », a lancé Me Alexandre Martin. Et pour cause : plusieurs affirmations avancées par le procureur se sont révélées inexactes. Machine à laver prétendument déclenchée, couette lavée, podomètre trahissant une inaction suspecte… Toutes ces données ont depuis été révisées, voire contredites.

Dominique Alzeari a plaidé la bonne foi. Il s’est défendu en expliquant s’être exprimé sur la base des informations transmises par les enquêteurs. Mais la défense en a tiré un fil clair : dès le départ, le regard sur l’affaire aurait été biaisé. Et c’est ce regard qui aurait orienté l’ensemble des investigations.

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Des révélations techniques, mais peu décisives

Le procès a aussi laissé la place aux experts. Informatique, téléphonie, géolocalisation : l’appareil judiciaire a mobilisé ses outils. Un déverrouillage du téléphone de Delphine à 6h52 le matin de sa disparition a interpellé – seul son empreinte permettait d’y accéder. L’événement intrigue, mais ne prouve rien. Même constat pour les mouvements enregistrés dans la maison ou les photos retrouvées dans un vieux téléphone exhumé du grenier.

Dans la salle, le ressenti général est le même : une densité technique indéniable, mais des conséquences juridiques limitées. Le fond de l’affaire reste miné par une absence majeure : celle du corps. Et tant que ce point demeure, les preuves matérielles ne suivent pas.

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Une enquête jugée incomplète par la défense

C’est sur ce terrain que les avocats de Cédric Jubillar frappent fort. Lors de l’interrogatoire du directeur d’enquête, ils ont égrené les failles du dossier : une boîte de lentilles jamais retrouvée, des chemins non explorés, des procès-verbaux lacunaires. Ils décrivent une enquête menée avec un prisme : celui de la culpabilité de Cédric Jubillar. Une forme d’aveuglement collectif, nourrie par une pression médiatique massive et une opinion publique chauffée à blanc.

La stratégie est claire. Il ne s’agit pas d’innocenter à tout prix, mais d’installer un doute raisonnable. Et pour l’instant, cette ligne de défense trouve un écho : ni mobile, ni scène de crime, ni preuve directe ne viennent solidement étayer l’accusation.

Un témoignage familial au poids émotionnel fort

Ce mardi, les parties civiles prendront la parole. Et notamment Louis, le fils aîné du couple, âgé de 11 ans. Selon son administratrice légale, l’enfant est convaincu que son père est responsable de la disparition de sa mère. Il a même abandonné le nom « Jubillar » à son entrée au collège. Un témoignage dur, qui pourrait peser dans l’équilibre émotionnel des débats.

Mais sur le plan judiciaire, là encore, l’émotion ne fait pas une preuve. Elle pèse dans l’opinion, pas dans les faits. Et ce procès, malgré son intensité dramatique, reste suspendu à une vérité très crue : sans corps, sans aveu, sans élément matériel irréfutable, la justice avance à tâtons.

La question du doute au cœur du verdict

L’affaire Delphine Jubillar passionne, intrigue, divise. Mais le procès, lui, pose une question simple et redoutable : y a-t-il suffisamment d’éléments pour condamner Cédric Jubillar au-delà de tout doute raisonnable ?

L’absence de corps, la faiblesse des indices, la remise en cause de l’enquête initiale et la communication du parquet pourraient bien dessiner une issue que beaucoup n’avaient pas envisagée. Un acquittement.



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