Pas-de-Calais : la start-up Battri construit la souveraineté énergétique

Face à l'urgence du recyclage, Battri répond avec une filière locale, créant de la black mass et servant la souveraineté énergétique européenne.

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La transition vers les véhicules électriques s’accélère, et avec elle la pression sur la filière des batteries. D’ici 2030, la demande européenne pourrait dépasser les 900 GWh, estime l’Agence internationale de l’énergie. Mais l’Europe reste encore largement dépendante de l’Asie, tant pour le raffinage des métaux critiques que pour la fabrication des cellules lithium-ion. Dans ce contexte, développer une filière intégrée, locale et circulaire devient un enjeu stratégique. C’est là que Battri fait son entrée, avec une approche industrielle sobre et pragmatique.

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Recycler les batteries : un maillon qui manquait

Lancée en 2021 par quatre cofondateurs aux compétences complémentaires, Battri s’est positionnée sur un segment encore peu occupé en Europe : le prétraitement industriel des batteries en fin de vie et des rebuts de production. Son PDG, Maxime Trèves, est parti d’un constat simple : aucune solution de broyage mécanique n’existait à l’échelle industrielle pour répondre à la montée en charge des volumes à recycler. Avec Patrick Archier (opérations et expertise recyclage), Andrew Moeller (marché des véhicules électriques) et Sébastien Romet (logistique), il a bâti une chaîne complète, allant de la collecte à la séparation des matériaux, en passant par la décharge, le démontage et le broyage.

Objectif : transformer ces déchets complexes en matière première stratégique — la black mass — et intégrer durablement cette étape dans la chaîne de valeur européenne.

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Pas-de-Calais : la “Vallée de la Batterie” prend forme

Le 19 juin 2025, Battri a inauguré sa première usine pilote à Saint-Laurent-Blangy, dans les Hauts-de-France. Le site s’étend sur 15 000 m², au cœur d’un écosystème en pleine structuration, à proximité d’ACC, AESC ou encore Verkor. Capacité actuelle : 15 000 tonnes de batteries par an, soit l’équivalent de 80 000 à 100 000 unités. L’objectif est de monter à 35 000 tonnes à moyen terme.

Le procédé repose sur des technologies mécaniques éprouvées, sans recours à des traitements chimiques complexes. Battri récupère aussi l’énergie résiduelle contenue dans les batteries pour couvrir la moitié des besoins du site. Le reste provient d’une centrale photovoltaïque installée sur place. Une approche industrielle efficace, pensée dès le départ pour limiter l’impact énergétique.

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Black mass : la matière noire qui vaut de l’or

La black mass est le cœur du modèle économique de Battri. Cette poudre noire, issue du broyage des cellules lithium-ion, concentre les métaux stratégiques nécessaires à la fabrication de nouvelles batteries : nickel, cobalt, lithium. Produite localement avec une pureté de 95 %, elle permet d’éviter l’exportation de matières brutes à faible valeur ajoutée.

Pour l’instant, la majorité de cette matière est envoyée aux États-Unis et en Corée, chez des affineurs et fabricants de cathodes. Mais l’ambition est claire : monter en intégration, jusqu’à produire des anodes, des cathodes, voire des cellules directement en Europe. De quoi capter plus de valeur et sécuriser les approvisionnements pour l’industrie automobile européenne.

Des investisseurs qui misent sur la solidité industrielle

Loin des promesses flamboyantes de certaines start-up deeptech, Battri a préféré une stratégie d’innovation de process. Le résultat parle : 1 million d’euros levés en amorçage en 2023, puis 10 millions en série A l’année suivante. Parmi les soutiens, Bpifrance, Managem, Whitestone Group, plusieurs fonds industriels et des business angels. En tout, 20 millions d’euros mobilisés pour lancer la production, développer une plateforme numérique de traçabilité et structurer la logistique à l’échelle européenne.

Déjà présente dans 15 pays pour la collecte, Battri s’appuie sur un réseau dense de partenaires locaux, notamment dans les Hauts-de-France, pour assurer l’efficacité de ses opérations.

Un modèle duplicable dans toute l’Europe

L’entreprise voit plus loin que son premier site. Elle prépare déjà le déploiement de son modèle industriel dans d’autres régions européennes, en s’appuyant sur les déchets générés par les gigafactories. Dans les Hauts-de-France seulement, le potentiel est estimé à 150 000 tonnes par an. Battri mise sur l’optimisation énergétique, l’autonomie via les renouvelables et l’amélioration continue des rendements pour accompagner cette croissance.

L’entreprise travaille aussi à élargir son champ d’action à d’autres types de batteries, issues par exemple de téléphones ou de systèmes de stockage stationnaires. L’objectif : lisser les volumes entrants et garantir une activité continue, indépendamment des cycles industriels de l’automobile.

Battri construit une réponse réaliste et opérationnelle à l’un des défis majeurs de l’Europe. En traitant localement les déchets, en réduisant la dépendance aux importations, en valorisant les métaux stratégiques sur le continent, elle s’inscrit dans les priorités de Bruxelles : autonomie stratégique, relocalisation industrielle, décarbonation.



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