Bientôt la fin du miel français dans vos rayons ?

Miel importé à bas prix, étiquettes trompeuses, apiculteurs en détresse : une enquête édifiante sur un marché en pleine dérive.

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Un miel sur deux contrôlé en France présente des irrégularités. Dans le même temps, les apiculteurs nationaux peinent à maintenir une production en chute libre, concurrencés par des importations à bas prix dont une partie est frauduleuse. Enjeu de souveraineté agricole, de santé publique et de transparence économique, la filière miel traverse une crise profonde.

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La production française de miel en chute libre

La France, autrefois autosuffisante en miel, voit sa production s’effondrer. Alors que les volumes dépassaient 30 000 tonnes par an dans les années 1990, ils oscillent aujourd’hui entre 12 000 et 23 000 tonnes selon les sources. L’année 2024 s’annonce particulièrement mauvaise. En cause, une accumulation de facteurs : miellées irrégulières dues au dérèglement climatique, pression du frelon asiatique, maladies comme le varroa, usage intensif de pesticides, perte de biodiversité.

Le taux de mortalité hivernale des colonies atteint désormais 26,7 %, soit près du double du seuil considéré comme acceptable. Une colonie sur cinq ne survit pas à l’hiver. Cette hécatombe fragilise les exploitations apicoles, dont le modèle économique devient de plus en plus instable.

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Une dépendance croissante aux importations

La consommation annuelle française de miel est estimée entre 45 000 et 50 000 tonnes. Avec une production nationale divisée par deux, la France comble le déficit en important massivement : environ 35 000 tonnes chaque année. Ces importations représentent aujourd’hui plus des deux tiers du miel consommé sur le territoire.

Ce recours aux importations n’est pas sans risque. Une grande partie du miel importé provient de pays où les pratiques de production, de contrôle et de traçabilité sont moins rigoureuses. Les provenances les plus fréquentes — Chine, Ukraine, Argentine, Vietnam — figurent aussi parmi les plus signalées pour des fraudes. Les prix d’achat, parfois inférieurs à 2 euros le kilo, défient toute logique économique pour du miel authentique.

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Une fraude généralisée qui désorganise le marché

Selon la filière apicole internationale, près d’un tiers du miel échangé dans le monde serait frelaté. Les pratiques frauduleuses vont de l’adultération par ajout de sirops de sucre à la falsification de l’origine botanique ou géographique. Des miels génériques sont transformés en miels monofloraux grâce à des arômes ou colorants. D’autres sont reconditionnés dans des pays de transit pour masquer leur origine réelle.

En France, la DGCCRF a mené en 2024 une vaste enquête auprès de 522 établissements de la filière. Résultat : plus de 40 % des miels contrôlés se sont révélés non conformes. Dans le détail, 40 % des apiculteurs, grossistes ou détaillants inspectés étaient en infraction pour fausse origine ou étiquetage trompeur. Plus inquiétant encore, 52 % des échantillons analysés contenaient soit des ajouts de sucres exogènes, soit des mentions erronées d’origine florale.

Une concurrence déloyale pour les apiculteurs français

Face à un marché saturé de produits à bas prix, les apiculteurs français se retrouvent dans une impasse économique. Le coût réel de production d’un miel authentique, respectueux des normes sanitaires et environnementales, dépasse largement les prix de vente pratiqués par les importateurs. Impossible, dans ces conditions, de rivaliser.

Cette pression sur les prix se traduit par une baisse des revenus pour les producteurs, un découragement croissant des jeunes installés, et des abandons d’exploitation. La fraude détruit la valeur du miel authentique, rendant la filière française économiquement invivable.

Si les contrôles ont été intensifiés ces dernières années, notamment par la DGCCRF, ils restent insuffisants face à l’ampleur de la fraude. Sur les 522 établissements inspectés en 2024, seuls 15 procès-verbaux pénaux ont été dressés. Le nombre de contrôles, comme la sévérité des sanctions, ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Les fraudes rapportent bien plus qu’elles ne coûtent. Les pénalités, même lorsqu’elles sont prononcées, sont souvent inférieures aux bénéfices générés. Cette impunité de fait favorise la poursuite des pratiques frauduleuses, dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée.



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