Résumé Résumé
Dans un secteur de plus en plus secoué par les rachats, les reventes ou les délocalisations, Jonak fait figure d’exception. Créée en 1964 à Paris, la marque de chaussures a réussi un triple pari : rester indépendante, rester familiale, et rester debout. Mieux : en 2025, Jonak pèse 100 millions d’euros de chiffre d’affaires visé, avec 800 000 paires produites par an, 50 boutiques en propre et une présence affirmée dans les grands magasins. Une entreprise restée entre les mains des Nakam depuis plus de 60 ans, qui a su se transformer sans renier son socle.
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Un nom de famille, une promesse commerciale
Tout commence rue Saint-Placide, à Saint-Germain-des-Prés. En pleine effervescence culturelle, Marcel et Josette Nakam ouvrent une boutique de souliers, au format multi-marques. Le nom « Jonak » est une construction familiale : Josette, Joseph, et le nom de famille. Dès l’origine, la promesse est claire : une chaussure de qualité, pensée pour durer, et une logique commerciale simple. Le bouche-à-oreille fonctionne. Les religieuses du quartier croisent les étudiantes, et les clientes reviennent.
Un cap européen, un modèle à l’épreuve du temps
Mais en 1978, tout bascule. Marcel disparaît brutalement. À 21 ans, Joseph reprend l’affaire avec sa mère. Il organise l’expansion sans tapage. Dans les années 1990, Jonak compte déjà une trentaine de boutiques, un flagship au 70 rue de Rennes, et une présence dans les grands magasins parisiens. Joseph Nakam consolide un modèle basé sur le geste artisanal, un positionnement prix maîtrisé, et une production de plus en plus recentrée sur l’Europe du Sud. Il mise sur le Portugal, pour des raisons de proximité, de qualité, et de réactivité. Une décision qui pèsera lourd par la suite.
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Un trio familial à la manœuvre du virage digital
En 2012, la relève s’organise. Marcel et Lisa Nakam, enfants de Joseph, entrent à leur tour dans l’entreprise. Lui vient de la finance, elle du secteur mode et cosmétique. Ensemble, ils font un constat : le marché est fragmenté, dominé par des groupes comme Vivarte ou Eram, mais sans vraie proposition intermédiaire. Ils repositionnent Jonak entre mass market et luxe accessible. Lisa prend la main sur le digital et l’international, Marcel sur les finances et les réseaux. Joseph reste sur le produit. Le trio fonctionne. Le changement est profond, mais progressif.
Le vrai tournant a lieu en 2020. Comme tous, Jonak ferme ses boutiques pendant la pandémie. Contraints, ils accélèrent en ligne. En trois ans, la part du digital passe de 3 % à 45 %. Stock unifié, commandes gérées depuis les boutiques (25 % expédiées via le système « Ship From Store »), baisse drastique des invendus (moins de 10 %). Résultat : doublement du chiffre d’affaires. Et un modèle devenu hybride, avec une interconnexion complète entre e-commerce et réseau physique.
Qualité, traçabilité, responsabilité
Sur le produit, même logique d’agilité. Plus de 500 références par saison, mais en petites quantités initiales. Les réassorts suivent les ventes. Les ateliers portugais, partenaires depuis plus de 15 ans, offrent la souplesse nécessaire. Tout est fait à la main, dans une logique artisanale appuyée sur des outils numériques. La production reste européenne à 72 %, répartie entre le Portugal, l’Espagne et l’Italie. Le luxe accessible, version Jonak, prend ici tout son sens.
Sur le plan environnemental, la structuration suit. En décembre 2024, Jonak décroche la certification B Corp avec un score de 87,4. Cuirs certifiés Leather Working Group (97 % en 2025), packaging recyclable et certifié FSC, logistique optimisée, audits sociaux engagés dans plus de la moitié des ateliers. La traçabilité est pilotée via la plateforme Trace For Good. La stratégie RSE est claire, mesurée, et intégrée.
La transmission comme moteur de croissance
En 2022, une nouvelle figure entre en scène : Ava Nakam, quatrième génération. Elle rejoint l’équipe style. Une intégration qui n’a rien d’un symbole : elle a grandi dans les ateliers, connaît les produits, et s’inscrit dans une logique de transmission. Chez Jonak, la famille ne se contente pas de signer les comptes. Elle dessine la trajectoire.
Et la suite est déjà en chantier. La marque vise 70 % de ventes digitales dans les trois ans, pousse en Europe (Londres, Madrid, Bruxelles), avance au Moyen-Orient et en Asie. D’ici 2027, 100 % des tanneries devront être certifiées. L’intelligence artificielle commence à être utilisée pour valoriser les archives de la marque et nourrir la création. Le virage est technologique, mais la base reste la même : garder le cap, sans casser le cadre.
Jonak avance à contre-courant d’une industrie dominée par les logiques de court terme. Elle le fait avec méthode, constance et une ambition raisonnée. Une exception, qui dure.