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Le préfet de Haute-Garonne a donné son feu vert à une usine de paracétamol portée par la biotech toulousaine Ipsophène. L’annonce est tombée le 24 septembre. L’unité, classée Seveso, doit s’implanter à proximité de l’ancien site AZF. Une décision à haute portée symbolique : vingt ans après l’explosion, le site retrouve une vocation pharmaceutique. Et une logique industrielle : la France, comme l’Europe, cherche à rapatrier les chaînes de production de médicaments jugés critiques.
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Relocaliser sans reconstruire : un pari assumé
L’autorisation a été délivrée dans le cadre de la loi Industrie Verte, votée en 2024, qui simplifie les procédures pour les projets industriels jugés stratégiques. Trois mois de concertation, deux réunions publiques à l’hôpital Gérard Marchant, et un avis favorable en août, sous réserve de renforcer la surveillance des risques. L’usine respectera les nouvelles normes environnementales tout en s’installant dans un bâtiment existant, un ancien site de production pharmaceutique inoccupé depuis des années.
Avec plus de 30 millions d’euros sur la table, le projet bénéficie d’un soutien public conséquent : 4,2 millions d’euros pour la région Occitanie, un appui de l’État via le plan France 2030, et un tour de table privé mené par UPSA, aux côtés d’Agora Invest et GSO Innovation. Une configuration de plus en plus courante : le capital public-privé comme moteur de la réindustrialisation.
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Production accélérée, déchets divisés par vingt
La promesse industrielle est claire : 3 400 tonnes de paracétamol par an, soit 38 % des besoins français. Le procédé, développé par la maison-mère Ipsomedic, repose sur une technologie en continu qui réduit drastiquement les délais de production – de sept jours à cinq heures – et les déchets générés. Ipsophène vise le recyclage complet des solvants et limite les rejets à 6 kg par kilo de substance active, contre 200 kg pour les méthodes classiques.
Mais la mise sur le marché devra attendre. Avant de vendre quoi que ce soit, l’usine devra obtenir le certificat de conformité européen (CEP), un processus long et coûteux. La production commencera donc à vide, sans chiffre d’affaires, pendant douze à dix-huit mois. Un pari industriel que peu d’acteurs peuvent se permettre.
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Souveraineté sanitaire : la course contre la montre est lancée
Derrière ce pari, un constat : l’Europe ne produit plus de paracétamol depuis 2009. En cas de crise, la dépendance asiatique devient une vulnérabilité. Lors du Covid, l’Inde a bloqué ses exportations, la Chine a quadruplé ses prix. Le plan France 2030 a identifié 193 molécules critiques à relocaliser. Ipsophène est l’un des sept projets sélectionnés cette année.
La filière s’organise. À Roussillon, dans l’Isère, Seqens construit une unité de 15 000 tonnes pour 2026. À Lyon, Benta Pharma a déjà lancé la production française en avril 2024. Une concurrence saine, stimulée par une volonté politique claire : reconstruire une industrie pharmaceutique capable de répondre aux besoins nationaux.
À Toulouse, Ipsophène entend conjuguer souveraineté sanitaire, relocalisation industrielle et performance environnementale. À terme, 30 à 35 emplois, une technologie de rupture, et une usine capable de tenir tête aux géants asiatiques. Le retour sur investissement est attendu entre trois et cinq ans. Une ambition à la hauteur des enjeux.