Résumé Résumé
- Un rapport explosif à un moment stratégique
- La dette de Paris dépasse les seuils d’alerte
- Un déséquilibre croissant entre dépenses et recettes
- La crise immobilière prive la Ville de recettes majeures
- Une masse salariale parmi les plus élevées d’Europe
- Des investissements maintenus malgré les alertes
- Les notes de frais de la maire relancent la polémique
- Une trajectoire financière difficile à redresser
À moins de six mois des élections municipales de 2026, un rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC) d’Île-de-France, révélé par Les Échos, dresse un constat sévère sur la gestion financière de la Ville de Paris. Hausse continue de la dette, déséquilibres budgétaires, masse salariale jugée excessive : ce document de plus de 200 pages, qui sera examiné début octobre au Conseil de Paris, fragilise lourdement le bilan d’Anne Hidalgo à l’approche de la campagne électorale.
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Un rapport explosif à un moment stratégique
Le rapport de la CRC porte sur la période 2021-2024. Son contenu met en lumière une situation budgétaire qu’elle qualifie de « fragile » en début de période et « dégradée » en 2024. Ce constat intervient à un moment politiquement sensible : la maire socialiste a annoncé qu’elle ne briguerait pas de troisième mandat, mais son héritage pèse sur le candidat investi par le PS, Emmanuel Grégoire.
La publication du rapport à l’automne 2025, en amont de la période de réserve électorale, soulève des interrogations sur son calendrier. La majorité municipale critique un « timing inhabituel », tandis que l’opposition y voit une confirmation de ses alertes répétées.
La dette de Paris dépasse les seuils d’alerte
La progression de la dette municipale est l’un des points centraux du rapport. Entre 2014 et 2024, la dette de la Ville est passée de 4,18 milliards à 8,6 milliards d’euros. Elle devrait atteindre 9,3 milliards fin 2025, soit une multiplication par plus de deux depuis le début du mandat d’Anne Hidalgo. En élargissant la période à 2001, le rapport souligne une multiplication par onze, Paris étant alors endettée à hauteur de 780 millions d’euros.
La capacité de désendettement, indicateur clé de la santé financière d’une collectivité, dépasse désormais les 15 ans. Ce chiffre est largement supérieur au seuil d’alerte fixé à 12 ans par la loi, plaçant Paris parmi les villes les plus endettées de France.
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Un déséquilibre croissant entre dépenses et recettes
Au-delà du seul endettement, la CRC pointe un déséquilibre structurel préoccupant dans les comptes parisiens. Entre 2021 et 2024, les dépenses de fonctionnement ont progressé de 13 %, contre une hausse de seulement 11,6 % des recettes. Cette dérive de 1,4 point pèse directement sur l’épargne brute, indicateur clé de la capacité d’autofinancement de la collectivité. En un an, cette épargne est passée de 760 millions d’euros à 268,7 millions, soit une baisse de 64,6 %. La Ville se retrouve contrainte de financer ses investissements par de nouveaux emprunts, ce qui alimente encore davantage la spirale de l’endettement.
La crise immobilière prive la Ville de recettes majeures
L’effondrement du marché immobilier parisien a aggravé la situation financière. Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), perçus lors des transactions immobilières, ont fortement chuté. Alors que le budget 2024 prévoyait 1,5 milliard d’euros de recettes à ce titre, les prévisions ont été révisées à 1,4 milliard, avant d’être corrigées à la baisse à 1,163 milliard. Résultat : un manque à gagner de 337 millions d’euros.
Selon la CRC, cette baisse brutale prive la Ville d’un levier de financement crucial, sans que d’autres recettes compensatoires aient été mises en place de manière suffisante.
Une masse salariale parmi les plus élevées d’Europe
Autre point de tension relevé par la CRC : les dépenses de personnel. Paris emploie plus de 55 000 agents pour 2,2 millions d’habitants, ce qui en fait le deuxième employeur public de la capitale après l’AP-HP. Entre 2021 et 2024, la masse salariale est passée de 2,16 à 2,83 milliards d’euros, soit une hausse de 31 %.
La CRC établit des comparaisons avec d’autres capitales européennes. Paris affiche un ratio de 1 agent pour 39 habitants, contre 1 pour 107 à Londres et 1 pour 95 à Rome. Si Paris alignait son effectif sur celui de Londres, elle pourrait théoriquement économiser jusqu’à 1,8 milliard d’euros par an.
Le coût moyen par agent est lui aussi en forte hausse : de 41 300 euros en 2021 à 51 455 euros en 2024, soit une progression de 24,6 %. La Chambre estime que des marges de manœuvre existent, malgré la rigidité structurelle de certaines charges.
Des investissements maintenus malgré les alertes
Malgré ces tensions, la municipalité a poursuivi une politique d’investissement ambitieuse. Entre 2021 et 2024, les dépenses d’investissement ont atteint en moyenne 1,6 milliard d’euros par an. Ces montants ont été prioritairement dirigés vers le logement social et la transition écologique, deux axes stratégiques du second mandat d’Anne Hidalgo.
Plus d’un milliard d’euros d’actifs ont été acquis par la Ville depuis 2023, augmentant mécaniquement le niveau d’endettement. Pour justifier cette stratégie, Paul Simondon, adjoint aux finances, rappelle que le budget supplémentaire de juin 2025 a permis de désinscrire 50 millions d’euros de crédits non consommés.
Les notes de frais de la maire relancent la polémique
Dans un contexte de tension budgétaire, les révélations sur les frais de représentation d’Anne Hidalgo ont suscité de vives réactions. Selon l’association Transparence citoyenne, la maire a dépensé 84 200 euros entre 2020 et 2024 pour l’achat de vêtements, soit une moyenne de 306 euros par pièce. Parmi ces achats figurent deux robes Dior à plus de 6 000 euros chacune, un manteau Burberry à 3 067 euros et d’autres vêtements de luxe.
À ces frais s’ajoutent 125 000 euros de dépenses de déplacement entre 2020 et 2023. Les destinations les plus coûteuses incluent New York, Tokyo et Tahiti. Ce dernier voyage fait l’objet d’une enquête du Parquet national financier. Bien que l’ensemble de ces dépenses respecte les plafonds autorisés, leur légitimité politique est contestée.
Une trajectoire financière difficile à redresser
Selon les projections de la CRC, la dette de la Ville pourrait atteindre 9,9 milliards d’euros en 2026. La capacité de désendettement dépasserait alors les 18 ans, un niveau jugé critique pour une collectivité de cette taille. Ces perspectives limitent fortement les marges de manœuvre du prochain exécutif municipal.
Le futur maire devra faire des choix difficiles : réduction de la masse salariale, baisse des investissements ou nouvelle hausse de la fiscalité. Emmanuel Grégoire, successeur désigné d’Anne Hidalgo, devra défendre un héritage politique et budgétaire particulièrement lourd.
À l’approche du scrutin de mars 2026, la question financière devient un thème central de la campagne. Le rapport de la CRC impose à chaque candidat de présenter un plan crédible de redressement. Pierre-Yves Bournazel (Horizons), David Belliard (EELV) ou encore Ian Brossat (PCF) devront se positionner face à un budget sous contrainte, et à une opinion publique de plus en plus attentive à la gestion municipale.