Résumé Résumé
Le groupe coopératif auvergnat Limagrain ouvre le capital de sa division légumes au fonds souverain d’Abu Dhabi. Objectif : développer des variétés adaptées aux zones arides et structurer une nouvelle entité à vocation mondiale.
Le fonds souverain émirati ADQ est entré en discussions exclusives avec Limagrain pour acquérir 35 % de sa division semences potagères. Cette activité, qui regroupe notamment les marques Hazera, HM.CLAUSE et Vilmorin-Mikado, représente 796 millions d’euros sur les 2,522 milliards d’euros de chiffre d’affaires du groupe. Le montant de l’opération n’a pas été rendu public. Sa finalisation est attendue d’ici la fin de l’année.
Cette prise de participation intervient dans un contexte de recentrage stratégique pour Limagrain, qui a retiré sa filiale Vilmorin & Cie de la Bourse en août 2023 après trois décennies de cotation. L’objectif affiché est de retrouver une plus grande liberté dans ses choix d’investissement et d’accélérer son développement international.
Une nouvelle structure internationale
L’opération s’accompagne de la création d’une nouvelle entité internationale : Limagrain Vegetable Seeds (LVS). Elle regroupera les principales Business Units légumes du groupe et emploiera plus de 4 000 personnes dans 35 pays. Vilmorin & Cie conservera 65 % du capital de LVS, contre 35 % pour ADQ, qui siégera au conseil d’administration à hauteur de sa participation.
Ce redéploiement vise à renforcer la spécialisation de l’activité légumes dans un cadre plus agile, tout en conservant le socle coopératif du groupe Limagrain.
Le partenariat répond à des intérêts croisés. Pour Limagrain, c’est une opportunité d’entrer sur un marché du Moyen-Orient encore peu exploité par le groupe. Pour les Émirats arabes unis, c’est un levier majeur pour renforcer leur souveraineté alimentaire, dans un pays qui dépend encore largement des importations.
R&D : une joint-venture prévue avec Silal à Al Ain
Au cœur du partenariat : une coopération renforcée en recherche et développement. LVS et Silal, société émiratie détenue par ADQ et spécialisée dans l’agritech, envisagent la création d’une joint-venture centrée sur la génétique des légumes pour zones désertiques. Les recherches viseront à développer des variétés de tomates et de concombres capables de résister à la chaleur extrême, à la salinité des sols et à la qualité limitée des aquifères locaux.
Ces travaux seront menés au sein du centre Innovation Oasis de Silal, à Al Ain. Ce campus technologique de 300 000 m² intègre des serres de pointe, des chambres de croissance et des laboratoires d’essai.
La gouvernance de la nouvelle entité restera alignée avec les principes historiques du groupe. LVS sera dirigée par un binôme classique du modèle Limagrain : Pierre-Antoine Rigaud, agriculteur et président, et Rémi Bastien, directeur général salarié.
Cette ouverture capitalistique s’inscrit dans la continuité d’une stratégie déjà amorcée depuis plusieurs années, où Limagrain reste majoritaire tout en s’associant à des partenaires minoritaires.
Un levier pour la stratégie « Ambition 2030 »
Cette opération s’intègre dans la feuille de route stratégique « Ambition 2030 » du groupe, qui vise à renforcer l’innovation variétale et les capacités de production durable à l’échelle mondiale. L’alliance avec ADQ vient soutenir ces objectifs en ouvrant de nouvelles zones géographiques de développement, tout en renforçant les moyens de recherche.
Le partenariat s’inscrit dans un contexte de croissance continue du marché des semences potagères, qui devrait passer de 928,6 millions de dollars en 2025 à 1,5 milliard de dollars en 2034, selon les projections du secteur. Cette évolution, soutenue par les besoins d’adaptation aux changements climatiques et les enjeux de sécurité alimentaire, représente un potentiel important pour Limagrain.
Côté émirati, l’investissement répond à une ambition claire : sécuriser l’approvisionnement alimentaire national. Le pays dispose de 568 usines agroalimentaires produisant près de 6 millions de tonnes par an. Avec Limagrain, il mise sur la génétique végétale comme levier stratégique pour diversifier ses capacités agricoles.
Une nouvelle géographie de l’innovation agricole
L’entrée d’un fonds souverain du Golfe dans une coopérative française historique marque une évolution dans les partenariats internationaux du secteur agricole. L’alliance entre Limagrain et ADQ dépasse le simple cadre financier : elle esquisse une nouvelle cartographie des échanges de savoir-faire, où la graine devient à la fois un outil d’innovation, un vecteur de résilience et un instrument de diplomatie économique.