Résumé Résumé
L’émission Complément d’enquête a allumé la mèche. En ciblant Michelin, France 2 met un coup de projecteur sur un sujet sensible : l’usage des aides publiques par les grandes entreprises. Et plus précisément, sur le sort de huit machines financées via le CICE, puis expédiées à l’étranger après la fermeture de l’usine de La Roche-sur-Yon. L’image est forte, le soupçon de délocalisation déguisée, immédiat. Mais le groupe clermontois contre-attaque.
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Michelin reconnaît le transfert des équipements financés par le CICE
Michelin reconnaît les faits. Oui, les équipements ont quitté la Vendée pour rejoindre d’autres sites du groupe, notamment en Espagne et en Pologne. Mais non, il ne s’agit pas d’un détournement des aides. À ses yeux, le CICE était un outil généraliste, sans contrainte de maintien de site ou de matériel. Un crédit d’impôt pour baisser le coût du travail, pas un contrat de stationnement pour machines-outils.
Le débat dépasse La Roche-sur-Yon. Il touche aussi les fermetures programmées à Cholet et Vannes. Là encore, l’ombre d’une stratégie d’allègement du territoire français plane. Surtout avec 1,9 milliard d’euros de bénéfices engrangés l’an dernier, et 140 millions d’euros d’aides publiques au compteur. Difficile à défendre ? Pas pour Michelin. Le groupe affirme que ces décisions relèvent de contraintes industrielles lourdes : recul des marchés, usines sous-utilisées, coût du travail élevé. Et précise que la production ne s’est pas envolée vers des terres exotiques mais a été redéployée sur d’autres sites européens déjà existants.
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Le groupe défend une logique industrielle
Sur le fond, Michelin brandit ses chiffres pour se défendre. En 2023, 220 millions d’euros d’impôts et taxes versés en France. Une masse salariale de 1,5 milliard. Pas vraiment le portrait d’un passager clandestin de l’économie nationale. L’entreprise rappelle aussi qu’elle a entamé des discussions avec l’État pour envisager un remboursement volontaire du CICE, au moins pour les cas litigieux. Un geste qui vise autant à calmer la polémique qu’à anticiper un éventuel tour de vis réglementaire.
Mais le malaise persiste. Entre aides publiques, suppressions d’emplois et transferts d’équipements, le fossé se creuse entre logique économique et sentiment d’injustice sociale. Pour les salariés touchés, l’arithmétique ne suffit pas. Me Jean-Louis Borie, avocat de plusieurs d’entre eux, dénonce une décision « humainement insupportable », même si elle peut se comprendre sur le plan comptable.
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Michelin, un cas d’école
Le sujet est désormais politique. En mars, Florent Menegaux, le président de Michelin, avait été auditionné par la commission d’enquête sénatoriale sur les aides aux entreprises. Il affirmait alors qu’un remboursement partiel du CICE pourrait être « logique » si les conditions d’usage n’étaient plus respectées. Les sénateurs, eux, demandent au ministère de l’Économie de s’assurer que les comptes soient faits.
Le dossier Michelin devient un cas d’école. Il pose une question simple : peut-on continuer à distribuer massivement des aides publiques sans exigence de contrepartie territoriale ?