Cette IA permet de prédire les maladies dont vous souffrirez dans 20 ans

Delphi, une IA médicale, anticipe plus de 1 000 maladies jusqu’à 20 ans à l’avance. Une révolution pour la prévention et la santé publique.

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Et si l’on pouvait prédire un infarctus vingt ans à l’avance ? Ce n’est plus une vue de l’esprit. Grâce aux capacités de l’intelligence artificielle, des chercheurs européens ont développé un modèle capable d’anticiper, avec un certain degré de fiabilité, l’apparition de plus d’un millier de maladies. Une promesse forte pour la médecine préventive.

Comment l’intelligence artificielle prédit les maladies à long terme

L’étude, publiée dans la revue Nature, s’appuie sur une technologie déjà bien connue : les grands modèles de langage, ceux qui font tourner des outils comme ChatGPT. Mais ici, les mots sont remplacés par des diagnostics, des habitudes de vie, des antécédents médicaux. Résultat : un modèle, baptisé Delphi-2M, qui apprend les trajectoires de santé comme une IA apprend la grammaire. À partir de l’historique d’un patient, il projette des risques, sur des horizons de dix ou vingt ans.

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Delphi, une IA entraînée sur des millions de profils médicaux

La méthode a été testée à grande échelle. D’abord sur 400 000 profils issus du Biobank britannique, puis validée sur près de deux millions de dossiers danois. Ce n’est pas un oracle, mais un système probabiliste. Comme pour la météo, plus la prévision est proche, plus elle est fiable. Pour un infarctus dans les dix prochaines années, Delphi fait mouche dans sept cas sur dix. Sur vingt ans, la performance chute, mais reste significative.

Ce qui étonne le plus, c’est l’ampleur du champ couvert : plus de 1 000 pathologies modélisées. Les chercheurs ne s’attendaient pas à une telle polyvalence. Cela reflète à quel point les maladies sont interconnectées. Un trouble mental peut accroître le risque de cancer, un diabète mal contrôlé peut fragiliser tout l’organisme. Ces corrélations, connues mais difficiles à modéliser, deviennent lisibles pour une IA bien entraînée.

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Delphi n’est pas un gadget. Il rivalise avec les meilleurs outils prédictifs dans des domaines aussi critiques que la démence ou les accidents cardiaques. Pour certaines maladies, comme le diabète, les marqueurs biologiques restent meilleurs, mais l’IA ne cesse de progresser. Et surtout, elle voit plus large, en tenant compte des multiples interactions entre maladies.

Un autre atout de Delphi : il peut générer des données de santé « synthétiques ». À partir d’échantillons réels, il simule des parcours de santé fictifs, cohérents statistiquement, mais qui ne correspondent à personne. Cela permet de s’entraîner sur des bases de données respectueuses de la vie privée, un point critique dans un domaine aussi sensible.

Enjeux éthiques et limites de l’IA en santé

La puissance de ces outils soulève pourtant des questions. Une assurance santé pourrait-elle refuser un contrat à un client jugé « à risque » par une IA ? Le scénario n’est pas si lointain. Certains craignent une dérive vers une médecine préventive sous surveillance permanente, où chaque individu serait vu comme un malade en sursis.

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Des garde-fous existent. En Europe, l’usage des données de santé est strictement encadré. L’accès aux biobanques est filtré par des comités éthiques. Le nouveau règlement sur l’espace européen des données de santé interdit explicitement toute utilisation à des fins commerciales, comme la fixation des primes d’assurance. Mais la vigilance reste de mise. Tous les acteurs ne jouent pas avec les mêmes règles. Les données d’un organisme public ne sont pas celles d’une startup privée.

Enfin, il faudra prouver l’utilité clinique de ces systèmes. Des essais contrôlés sont nécessaires pour mesurer les bénéfices réels : moins de maladies ? Moins de morts ? Une meilleure qualité de vie ? Et à quel prix, émotionnel ou psychologique, pour ceux qui sauront qu’ils sont peut-être les malades de demain ?

L’enjeu est immense. Les populations vieillissent. Les maladies se multiplient. Et les systèmes de santé s’essoufflent. Savoir où frapper avant que la maladie n’arrive pourrait tout changer. À condition de ne pas transformer la prévention en anxiété programmée.



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