Résumé Résumé
- Une disparition dans un contexte conjugal explosif
- Cédric Jubillar, un profil qui dérange
- Un dossier d’accusation fondé sur des indices
- De troublantes confidences présumées
- Une défense qui dénonce une enquête à charge
- Un procès sous tension médiatique exceptionnelle
- Des témoignages cruciaux, mais contestés
- Un procès à la recherche d’une vérité morcelée
Dans l’affaire Jubillar, la justice accuse, la défense alerte, et le public s’interroge. Cinq ans après la disparition de Delphine Jubillar, une infirmière de 33 ans mère de deux enfants, son mari Cédric comparaît à partir de ce 23 septembre devant la cour d’assises du Tarn pour homicide volontaire.
Aucun corps, aucune arme, aucune preuve matérielle : le dossier repose sur un faisceau d’indices, de témoignages et de comportements. À l’ouverture d’un procès hors norme, une question dérange : Cédric Jubillar est-il le meurtrier de son épouse ou simplement l’homme que tout désigne, par défaut ?
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Une disparition dans un contexte conjugal explosif
Le 15 décembre 2020, Delphine Jubillar disparaît de son domicile de Cagnac-les-Mines, une commune tarnaise paisible en apparence. Cette nuit-là, elle ne laisse aucun message, aucun appel, aucun signal. Son téléphone cesse d’émettre à proximité du domicile conjugal. Cédric Jubillar, son mari, signale sa disparition le lendemain matin à 4h09.
Le couple est en instance de divorce. Delphine, engagée dans une relation avec un autre homme, prépare son départ. Le 15 décembre, elle s’était rendue à la banque pour changer les codes d’accès de sa carte bleue afin que son mari ne puisse plus s’en servir. Elle veut couper l’accès à ses comptes bancaires, que son mari ponctionne. Lui ne l’accepte pas. Précaire, instable, dépendant au cannabis et aux jeux en ligne, Cédric refuse l’éclatement du noyau familial.
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La journée de la disparition révèle des tensions exacerbées. Delphine avait eu un échange particulier par messagerie avec la compagne de son amant, qui venait de découvrir la situation. Pour Me Alexandre Martin, avocat de Cédric Jubillar, ces messages montrent que « deux femmes se battent pour l’homme qu’elles aiment », mais cet élément « n’a pas intéressé les enquêteurs ».
Cédric Jubillar, un profil qui dérange
Le peintre-plaquiste aujourd’hui âgé de 38 ans n’a jamais avoué. Depuis son placement en détention provisoire le 18 juin 2021, il nie les faits et « dit la même chose depuis 4 ans et demi », assure son avocate. Pourtant, dès le début de l’enquête, les regards convergent vers lui. Ses déclarations sont jugées contradictoires. Il tient des propos inquiétants avant la disparition : « Je vais la tuer, je vais l’enterrer, personne ne la retrouvera. » Des proches témoignent de sa jalousie, de sa colère.
Sa personnalité interroge. Ses détracteurs parlent d’un homme manipulateur, impulsif, distant. Après la disparition de sa femme, il paraît détaché, peu concerné par les recherches. Certains évoquent même qu’il vivrait « sa meilleure vie en prison ». Son comportement, plus que des preuves, nourrit l’accusation. Aux yeux de certains, cela suffit à en faire un coupable probable. Pour d’autres, cela en fait surtout un coupable désigné.
Un dossier d’accusation fondé sur des indices
L’accusation s’appuie sur une série d’éléments circonstanciels. D’abord, une paire de lunettes, la seule que portait Delphine, retrouvée cassée en plusieurs morceaux. Une expertise des experts de la Direction générale de l’armement évoque des « efforts dynamiques appliqués de l’extérieur vers l’intérieur », équivalant à « une masse de 5 kg à une vitesse de 21 km/h », soit potentiellement un coup de poing. L’ADN de Cédric y est présent.
Le soir de la disparition, leur fils Louis, alors âgé de six ans, dit avoir entendu ses parents se disputer. Il évoque une scène de bousculade devant le sapin de Noël et rapporte avoir entendu son père dire à sa mère : « Alors comme ça on va se séparer », avant que les deux ne s’attrapent violemment par les bras. Il est l’un des derniers à avoir vu sa mère vivante.
Deux voisines, à 150 mètres du domicile, déclarent avoir entendu des cris de femme vers 23 heures. L’une parle de « cris de peur et d’effroi d’une femme ». La voiture de Delphine, garée habituellement en montée, est retrouvée en descente, avec de la condensation à l’intérieur. Une expertise indique une présence humaine possible durant la nuit.
Un élément troublant révélé lors de l’enquête concerne Cédric Jubillar trouvé par les gendarmes à leur arrivée à 4h51, « vêtu d’un pyjama panda en train de mettre du linge dans la machine ». Il explique avoir préféré « lancer une machine plutôt que de tourner en rond » en les attendant. À l’intérieur : la housse de couette du lit parental sur laquelle des traces de sang ont été retrouvées.
Les données téléphoniques révèlent également des anomalies. Le mobile de Cédric Jubillar a cessé toute activité à 22h08, avant d’être rallumé à 3h53. Le téléphone de Delphine, qui n’a jamais été retrouvé, est resté à proximité directe du domicile jusqu’à son extinction à 7h48 le 16 décembre, mais quelqu’un l’a actionné à 6h52 alors que les gendarmes faisaient des constatations.
De troublantes confidences présumées
Plusieurs confidences prêtées à Cédric en détention renforcent les soupçons. Un codétenu, Marco, qui présente un casier judiciaire incluant des « faux témoignages » et de la « subordination de témoins », affirme avoir reçu ses aveux. Ses révélations ont mobilisé 200 militaires pendant trois semaines de fouilles qui sont « restées vaines ».
Deux ex-compagnes affirment également qu’il aurait avoué le meurtre. Séverine L., rencontrée lors de parloirs, témoigne de confidences reçues. Plus récemment, Jennifer, une femme de 31 ans qui avait noué une relation épistolaire puis physique avec l’accusé en 2023, a livré dans la presse des déclarations détaillées. Elle affirme qu’il lui a avoué avoir « étranglé » Delphine « sur le canapé » et que la date du 15 décembre n’aurait pas été choisie au hasard – Cédric aurait profité d’une phase de déconfinement et du fait que sa femme et son fils regardaient la télévision pour se créer un alibi.
Fait notable : quelques jours avant le procès, Cédric Jubillar faisait encore l’objet d’une enquête pour subornation de témoin, finalement classée sans suite, après des coups de fils passés depuis sa cellule à cette ancienne petite amie.
Une défense qui dénonce une enquête à charge
Face à ces éléments, la défense dénonce un dossier vide. Aucun corps, aucune arme, pas de sang, pas de scène de crime. « Ce qui est le plus bancal, c’est l’absence de preuves », martèle Me Alexandre Martin, avocat de Cédric Jubillar. Pour lui, l’instruction a ciblé son client dès les premiers jours, écartant trop rapidement d’autres hypothèses.
L’avocat critique une enquête menée à sens unique : « Des portes ont été entrouvertes, elles ont été refermées sans investigations. » Il évoque un homme devenu suspect davantage par sa personnalité que par les faits. La ligne de défense est claire : l’accusation repose sur une construction narrative, pas sur des éléments tangibles. Me Martin qualifie le dossier de « théâtre de l’absurde » et compare l’affaire à l’acquittement de Jacques Viguier dans une affaire similaire.
Un procès sous tension médiatique exceptionnelle
L’affaire Jubillar ne se joue pas seulement dans les prétoires. Elle occupe l’espace médiatique depuis bientôt cinq ans. Le palais de justice d’Albi a été spécialement aménagé pour accueillir plus de 300 journalistes de près de 80 médias accrédités. Seulement 60 places sont réservées au public dans la salle d’audience principale, et une salle de retransmission a été installée pour permettre aux journalistes de suivre les débats. Les entrées sont limitées à des créneaux précis (8h15-8h45 le matin, 13h15-13h45 l’après-midi), toute sortie est définitive, et les infractions aux règles d’enregistrement peuvent coûter jusqu’à 18 000 euros d’amende.
Rarement une affaire criminelle a suscité une telle couverture en l’absence de preuve directe. Le procureur général de Toulouse, Nicolas Jacquet, le reconnaît lui-même : « La particularité de ce dossier ne réside pas dans les faits ou l’absence de corps, mais bien dans son exceptionnelle médiatisation. » Cette exposition soulève une autre question : l’image publique de Cédric Jubillar a-t-elle influencé la perception de sa culpabilité, voire l’orientation de l’enquête ?
Des témoignages cruciaux, mais contestés
Parmi les éléments clés du procès figurent des témoignages à forte charge. Celui du fils Louis, aujourd’hui âgé de 11 ans, d’abord, dont la parole sera lue mais pas répétée devant la cour. Il dit avoir vu ses parents se disputer, entendu son père menacer de se séparer. L’enfant et sa sœur Elyah, six ans, n’assisteront pas aux audiences « afin de les protéger des remous d’un procès hors normes ».
Le planning des audiences, étalées sur quatre semaines, prévoit l’audition de plus de 70 témoins et 11 experts. La première semaine sera consacrée aux forces de l’ordre, experts techniques et à l’ancien procureur de Toulouse. La deuxième semaine verra défiler les proches, amis et collègues de Delphine Jubillar pour témoigner de son quotidien et des tensions conjugales. La troisième semaine sera cruciale avec l’audition des témoins clés : les deux voisines ayant entendu des cris, l’amant de Montauban, la famille de Cédric (notamment sa mère aux déclarations attendues), et les codétenus. En fin de troisième semaine, les ex-compagnes de Cédric Jubillar témoigneront, dont Jennifer qui rapporte les supposés aveux.
La défense rejette ces récits, pointant leur manque de cohérence, l’absence de vérifications et les intérêts potentiels de certains témoins à collaborer avec les enquêteurs.
Un procès à la recherche d’une vérité morcelée
L’instruction judiciaire a produit un dossier de 27 tomes, soit plus de 15 000 pages. Le procès s’annonce complexe, entre émotions familiales, récit judiciaire et pression médiatique. L’audience se déroulera sur quatre jours par semaine pour éviter de « cannibaliser l’ensemble de l’activité judiciaire ». Le vendredi 10 octobre est d’ores et déjà consacré à un interrogatoire complet de l’accusé.
La cour d’assises devra trancher entre des indices convergents, mais aucun élément décisif. Le doute persiste : Cédric Jubillar est-il jugé pour ce qu’il a fait ou pour ce qu’il est supposé être ? Sa personnalité trouble, ses propos menaçants, ses contradictions suffisent-ils à fonder une condamnation ?
Comme le souligne la journaliste Valentine Arama, spécialiste de l’affaire : « Dans cette affaire, il ne peut pas y avoir d’entre-deux. C’est soit une lourde peine, soit un acquittement ». Jugé pour meurtre sur conjoint, Cédric Jubillar encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Incarcéré depuis plus de quatre ans en détention provisoire, il reste présumé innocent.
Le verdict est attendu pour le 17 octobre.
The case against Cédric Jubillar seems heavily reliant on circumstantial evidence and questionable testimonies, making it a deeply unsettling read. The intense media focus and his suspicious behavior raise serious doubts, yet the lack of concrete proof leaves the truth murky and the outcome uncertain.