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STMicroelectronics persiste à miser sur l’innovation. Le groupe franco-italien, acteur clé de l’industrie des semi-conducteurs en Europe, vient d’annoncer un investissement de 50 millions d’euros dans son site de Tours. L’objectif : développer une ligne pilote dédiée au Panel-Level Packaging (PLP), une technologie émergente visant à optimiser la production de puces électroniques. Ce choix stratégique intervient alors que l’entreprise affiche ses pires résultats financiers depuis plus d’une décennie et mène une vaste restructuration, notamment en France.
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Le pari technologique de STMicroelectronics intervient dans un contexte de grande fragilité économique. Au deuxième trimestre 2025, le groupe a enregistré une perte nette de 97 millions de dollars, une première depuis 2013. Le chiffre d’affaires recule de 14,4 %, à 2,77 milliards de dollars, tandis que la marge d’exploitation s’enfonce à -4,8 %, plombée par 190 millions de dollars de dépréciations et charges de restructuration. Le free cash-flow ressort négatif à –152 millions de dollars.
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Les stocks, eux, atteignent 3,27 milliards de dollars, en hausse de 17 % sur un an. Ces indicateurs traduisent la violence du ralentissement du marché, en particulier en France, où le secteur des semi-conducteurs a chuté de 15 % en 2024. STMicroelectronics espère alléger ses coûts opérationnels de 300 à 360 millions de dollars d’ici à 2027, dans le cadre d’un plan de transformation global.
Le Panel-Level Packaging
Malgré cette dégradation, l’industriel engage une ligne pilote PLP à Tours, dont la mise en service est prévue au troisième trimestre 2026. Cette technologie consiste à conditionner les puces sur des panneaux rectangulaires de grande taille, plutôt que sur des wafers circulaires traditionnels. Elle offre, selon les premières séries internes, une réduction de 15 % des coûts unitaires et une augmentation de 20 % du débit de production.
Déjà exploitée en Malaisie par STMicroelectronics, cette approche répond aux exigences croissantes de miniaturisation et d’intégration hétérogène des puces électroniques. Elle vise notamment les marchés en forte croissance comme l’intelligence artificielle, les systèmes embarqués pour l’automobile, les objets connectés et les dispositifs médicaux.
Le groupe espère ainsi se positionner sur le segment des boîtiers avancés System-in-Package (SiP), considérés comme stratégiques pour les années à venir.
Le site de Tours au cœur de la réorganisation industrielle
Le choix de Tours pour développer cette ligne PLP n’est pas anodin. Ce site, historiquement dédié à la production de puces plus anciennes, est en pleine mutation. L’investissement annoncé s’inscrit dans une logique de spécialisation des implantations du groupe : Crolles pour la gravure avancée, Rousset pour la sécurité numérique, Agrate (Italie) pour la puissance, et désormais Tours pour le packaging et les tests.
Mais cette réorganisation s’accompagne d’un plan social d’ampleur. STMicroelectronics prévoit jusqu’à 2 800 départs volontaires dans le monde entre 2026 et 2027, dont 1 000 en France. À Tours, l’inquiétude est palpable. Si le groupe affirme que « tous les sites existants seront conservés », la CGT redoute une réduction de 75 % des effectifs en France d’ici la fin de la décennie. Le site de Tours emploie actuellement 1 400 personnes.
Tensions entre Paris et Rome sur la gouvernance de STMicro
L’annonce de cet investissement survient également dans un climat diplomatique tendu entre les deux États actionnaires de STMicroelectronics. En avril, le ministre italien des Finances, Giancarlo Giorgetti, a publiquement désavoué le PDG français Jean-Marc Chéry, l’accusant de favoriser les sites français au détriment de l’Italie. Il a dénoncé le refus du conseil de surveillance de nommer un représentant italien, qualifiant cette décision de « très grave et inacceptable ».
Le conseil de surveillance, où l’État français et l’État italien détiennent chacun 13,75 % du capital, a réaffirmé sa confiance au dirigeant dès le lendemain. Ce conflit illustre la complexité de la gouvernance binationale de STMicroelectronics et alimente les tensions sur la répartition des investissements entre les sites français et italiens du groupe.
Une concurrence mondiale accrue
Dans un secteur marqué par une concurrence féroce et une pression technologique constante, STMicroelectronics joue une carte risquée. Le groupe a été récemment dépassé par l’allemand Infineon, qui devient le premier fournisseur européen de semi-conducteurs. Tous deux restent loin des géants asiatiques comme TSMC, Samsung ou Intel.
En Europe, la part de la production mondiale de semi-conducteurs est tombée à 9 %. Le continent a investi seulement 4,85 milliards de dollars dans les équipements en 2024, contre près de 50 milliards pour la Chine. Malgré le Chips Act européen et la création d’une « Semiconductor Coalition » par neuf pays membres, la Cour des comptes européenne juge l’objectif de 20 % de parts de marché mondiale d’ici 2030 comme « irréaliste ».
Vers une sortie de crise ?
Malgré tout, certains signaux donnent à STMicroelectronics des raisons d’espérer. Le premier semestre 2025 montre une reprise progressive dans la distribution et l’industrie, portée par les centres de données et l’électrification automobile. La valeur des composants électroniques par véhicule pourrait augmenter de 350 à 550 dollars d’ici à 2030.
STMicroelectronics compte sur son savoir-faire en puissance et en sécurité, couplé à la technologie PLP, pour regagner en compétitivité et capter cette croissance. Si le pari s’avère payant, la ligne de Tours pourrait devenir un maillon clé d’une nouvelle dynamique industrielle.