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La sanction est tombée. À moins d’un an des municipales, le parti écologiste EELV a décidé de suspendre l’un de ses principaux visages, Éric Piolle, maire de Grenoble et porte-parole national. Une suspension « à titre conservatoire », formule prudente mais geste fort, alors qu’une enquête judiciaire est en cours pour des soupçons de gestion douteuse.
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Éric Piolle suspendu de ses fonctions par EELV
La décision, actée mardi matin, retire à Éric Piolle son mandat de porte-parole et son siège au bureau politique. En toile de fond : une enquête ouverte en juin pour concussion et recel de délit, à la suite de révélations du Canard Enchaîné. En cause, un versement controversé de 16 800 euros à son ancienne première adjointe à la mairie de Grenoble, Elisa Martin, aujourd’hui députée LFI. Le parquet de Grenoble s’interroge sur la légalité du montage budgétaire qui aurait permis ce transfert.
À ce jour, Éric Piolle n’a pas été auditionné par la justice, et aucune mise en examen n’est intervenue. Il dénonce une opération de déstabilisation menée, selon lui, par un ancien collaborateur. Mais ce n’est pas la justice qui a précipité la décision du parti. C’est le silence de l’intéressé.
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Le silence de Piolle jugé incompatible avec son rôle
Le conseil disciplinaire, saisi avant l’été, a estimé que le refus d’Éric Piolle de s’exprimer publiquement comme en interne sur les accusations constituait une entorse majeure aux principes de transparence, de probité et de coopération défendus par la formation écologiste. Ce refus de répondre aux demandes du parti, aux sollicitations du bureau politique et aux auditions prévues par les statuts internes, a été jugé incompatible avec la fonction de porte-parole.
Le parti n’a pas retenu l’argument de Piolle, qui affirme vouloir réserver ses explications à la justice. Pour les dirigeants écologistes, la parole publique ne peut pas être tenue par un responsable qui refuse de rendre des comptes au sein même de son organisation. À ce titre, la suspension ne repose pas sur la culpabilité présumée, mais sur un manquement à une règle politique fondamentale.
Une affaire judiciaire sur fond de tensions internes
L’affaire judiciaire a surtout révélé une fracture déjà présente. Éric Piolle n’était pas le choix de la direction. Il avait été élu porte-parole par les adhérents en avril, contre l’avis de la secrétaire nationale Marine Tondelier, qui soutenait un autre candidat. Ce désaccord avait laissé des traces, et la procédure judiciaire n’a fait qu’envenimer la situation. Depuis le début de l’été, les appels à la clarification s’étaient multipliés, sans réponse.
L’élu n’a pas participé aux réunions du bureau politique sur le sujet, pas plus qu’il n’a accepté de s’expliquer lors de l’audition formelle organisée par le conseil disciplinaire. Ce refus a été interprété comme une fin de non-recevoir vis-à-vis de l’autorité interne du parti. Difficile, dans ces conditions, de maintenir un porte-parole dont la parole fait défaut.
Un enjeu de crédibilité pour les écologistes avant 2026
Éric Piolle considère cette mise à l’écart comme une décision politique davantage que disciplinaire. Il rappelle que les militants l’avaient élu en pleine connaissance des accusations, et estime que le reproche qui lui est fait – une atteinte aux valeurs du parti, via un manque de transparence – masque mal une volonté d’écarter une figure qui dérange. Il envisage de contester la décision, y compris sur le terrain juridique.
Il a toutefois acté une autre réalité : il ne se représentera pas à la mairie de Grenoble en 2026. Ce retrait annoncé clôt symboliquement un cycle politique débuté en 2014, et ouvre une période d’incertitude sur son avenir national.
Dans un parti qui fait de l’exemplarité un pilier de sa légitimité, l’affaire Piolle tombe mal. Les municipales approchent, les bilans locaux seront scrutés, et les écologistes savent que leur crédibilité ne tient pas qu’à leur programme. Laisser un porte-parole sous le coup d’une enquête, muet devant ses pairs, aurait affaibli encore un peu plus un parti déjà traversé par des tensions internes.