Fois gras, grands vins et retraites dorées : les folles dépenses du Sénat

Entre privilèges institutionnels, enveloppes généreuses et faibles contraintes, la chambre haute interroge sur l’usage de l’argent public.

Résumé Résumé

Avec un budget dépassant les 378 millions d’euros, des indemnités plus que confortables, un restaurant gastronomique subventionné, une cave à vin institutionnelle et un régime de retraite particulièrement généreux, le Sénat français cultive un mode de fonctionnement à part dans la République. Peu médiatisée, la réalité budgétaire et matérielle de la chambre haute interroge.

Un budget en constante augmentation

Le budget du Sénat pour 2025 atteint 378,9 millions d’euros, en hausse de 1,69 % par rapport à l’année précédente (372,6 M€ en 2024). La progression est régulière : 366,4 M€ en 2023, 362,2 M€ en 2022. L’État verse une dotation de 359,5 millions d’euros, en hausse de 1,7 %.

Avec 348 sénateurs, le coût annuel moyen par élu s’élève à 1,09 million d’euros. Une densité budgétaire bien supérieure à celle de nombreuses chambres parlementaires comparables en Europe.

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Rémunérations, indemnités et frais : un système généreux

En 2025, un sénateur perçoit une indemnité brute mensuelle de 7 637,39 euros, répartie en :

  • 5 931,95 € d’indemnité de base,
  • 177,96 € d’indemnité de résidence (3 %),
  • 1 527,48 € d’indemnité de fonction (25 %).

Après prélèvements sociaux, cela représente 5 676,12 euros nets par mois avant impôt.

À cette rémunération s’ajoutent des indemnités spécifiques :

  • Avance pour frais de mandat (AFM) : 6 600 €/mois, soit 79 200 €/an, en hausse de 11,9 % depuis janvier 2024 (ancien montant : 5 900 €),
  • Indemnité d’hébergement à Paris : 1 500 €/mois,
  • Matériel informatique : 6 000 € tous les trois ans,
  • Indemnité de représentation pour fonctions spéciales : 750 €/mois.

Les sénateurs exerçant des fonctions internes touchent des compléments :

  • Président du Sénat : +7 591,58 €/mois,
  • Questeurs : +4 444,97 €,
  • Vice-présidents et présidents de commission : +2 184,30 €,
  • Secrétaires du Bureau : +748,70 €.

Le président du Sénat peut ainsi percevoir plus de 15 000 euros bruts mensuels.

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Collaborateurs et services pris en charge

Chaque sénateur dispose d’une enveloppe de 8 402,85 euros brut par mois pour rémunérer deux à trois collaborateurs, soit plus de 100 000 euros par an. Cette enveloppe est inférieure à celle des députés (11 118 €), mais reste significative.

La loi autorise l’emploi d’un proche, dans la limite de 50 % de l’enveloppe, soit 4 200 € bruts mensuels maximum.

De nombreux services sont fournis directement par l’institution, sans coût apparent pour les élus :

  • Bureau, téléphonie, reprographie,
  • Affranchissement, flotte de véhicules, transports franciliens,
  • Abonnements Navigo, trajets ferroviaires et aériens, taxi.

« Quand on additionne les salaires, les frais, les primes, les services gratuits, on arrive à des montants ahurissants, explique un attaché parlementaire au groupe socialiste. Ce n’est plus une institution, c’est un hôtel de luxe financé par les contribuables. »

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Un restaurant subventionné et une cave à vin institutionnelle

Le Sénat dispose d’un restaurant gastronomique interne financé par une subvention de plus de 1,2 million d’euros en 2024. Cette subvention a augmenté de 14,28 % en 2022 et de 11,49 % en 2023.

Le prix des repas y est particulièrement bas :

  • 16,45 € pour les sénateurs et agents,
  • 26,75 € pour les invités extérieurs.

« On mange du foie gras ou de la sole meunière à 16 euros pendant que les cantines universitaires augmentent leurs tarifs. C’est indéfendable, reconnait une sénatrice représentant les Français établis hors de France .

Des plats comme du foie gras mi-cuit ou de la sole des côtes bretonnes y sont servis en effet pour le prix d’une pizza. Le service est assuré par 41 employés, dont plusieurs Meilleurs Ouvriers de France (MOF) : l’intendant Stéphan Rivière, le chef Gilles Poyac, et plusieurs seconds.

Le Sénat entretient également trois caves à vin distinctes, utilisées selon le niveau protocolaire : cave de la présidence, cave de service, cave pour les réceptions.

Des vins recommandés par les sénateurs eux-mêmes

Une vingtaine de sénateurs proposent à la carte du restaurant leurs propres vins ou ceux de leurs proches, à des prix allant de 6 à 89 euros. Ces sélections, validées par les sommeliers de l’institution, sont présentées comme une vitrine du terroir français.

Mais certains cas interpellent. Le sénateur Alain Joyandet, par exemple, propose le vin de son propre domaine de Champlitte, le Gueules de loups 2020. Il affirme n’y voir aucun conflit d’intérêts. Pourtant, aucun encadrement déontologique précis n’existe pour ces pratiques, qui brouillent la ligne entre promotion personnelle et fonction publique.

Des frais largement remboursés, peu contrôlés en amont

Les sénateurs peuvent utiliser leur AFM pour de nombreuses dépenses. L’analyse des comptes d’un sénateur en 2023 montre :

  • 19 593 € pour la permanence,
  • 17 507 € pour l’hébergement à Paris,
  • 16 768 € pour les déplacements,
  • 15 812 € de frais directement pris en charge par le Sénat,
  • 9 269 € pour les réceptions,
  • 6 602 € pour la documentation et la communication.

Le contrôle s’effectue a posteriori, via l’application JULIA, qui vérifie les déclarations. Mais ce système repose en grande partie sur la bonne foi des élus et ne permet pas un contrôle en temps réel. « Le système JULIA, c’est de l’auto-contrôle, explique un sénateur écologiste. On déclare ce qu’on veut, et on attend qu’on nous pose des questions. Ce n’est pas ça, la transparence. »

Un régime de retraite à part, toujours avantageux

Les sénateurs bénéficient d’un régime spécial de retraite, autonome depuis 1905, officiellement aligné sur celui des fonctionnaires… mais avec des avantages significatifs.

Les cotisations mensuelles atteignent :

  • 1 124 € pour la retraite de base,
  • 1 157,82 € pour la retraite complémentaire,
    soit un total de 2 280 €/mois, soit plus de 27 000 €/an.

Le taux de remplacement atteint 122 % de l’indemnité de base. Un sénateur peut ainsi percevoir une pension supérieure à son dernier traitement. La pension nette moyenne est de 3 391 €/mois, et la pension de réversion s’élève à 60 %, sans plafond ni condition de ressources.

La réforme de 2023 a porté l’âge de départ à 64 ans, avec 43 annuités de cotisation, ce qui pourrait réduire les pensions futures d’environ 20 %. Mais le régime reste bien plus favorable que les régimes de droit commun.

Transparence partielle et contrôle a posteriori

Les comptes du Sénat sont certifiés par la Cour des comptes, mais plusieurs postes budgétaires restent peu lisibles pour le public. La gestion du patrimoine est également critiquée : en 2019, des objets de l’époque nazie, dont un buste d’Hitler, ont été découverts dans les caves, révélant une absence d’inventaire précis.

Le contrôle budgétaire interne est assuré via des procédures internes, mais les justifications reposent sur les déclarations des sénateurs eux-mêmes. Les groupes politiques ne publient pas en détail l’usage de leurs dotations. Cette opacité historique reste en grande partie intacte.

Entre salaires élevés, frais massifs, subventions internes, retraites avantageuses et contrôle partiel, le Sénat s’inscrit dans une logique de fonctionnement autonome, peu exposé au regard public.



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1 commentaires sur « Fois gras, grands vins et retraites dorées : les folles dépenses du Sénat »

  1. Et ils demandent aux smicards de « faire des efforts »…. Ce pays est le pays des inégalités ! Dans mon quartier du 18e arrondissement de Paris, je croise souvent le sénateur communiste Ian Brossat habillé comme un milord et qui fuit les gens…Apres, il se pavane sur BFM TV pour donner des leçons au petit peuple…

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1 commentaires