Résumé Résumé
- Un personnage né entre bande dessinée et mythologie
- Pop Mart, géant du jouet et roi de la stratégie émotionnelle
- Labubu : entre addiction douce et influence virale
- Célébrités, réseaux sociaux et pouvoir de prescription
- Une percée française orchestrée avec précision
- Entre contrefaçons et luxe, la gestion d’un succès global
Il a des dents pointues, un regard de travers, et pourtant, il fait fondre des millions de fans à travers le monde. En moins de deux ans, Labubu, petite créature sortie de l’imaginaire de l’artiste Kasing Lung, a conquis les rayons des magasins, les fils des réseaux sociaux, les bras des célébrités et les cours de récréation. Derrière cette peluche mal peignée aux airs d’enfant sauvage, c’est un véritable empire économique et culturel qui s’est mis en branle. Un cas d’école, où l’art croise l’industrie, et où le jouet devient vecteur d’identité.
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Un personnage né entre bande dessinée et mythologie
Il fallait une alchimie particulière pour donner naissance à Labubu. C’est en 2015 que le personnage apparaît dans l’univers graphique de Kasing Lung, illustrateur hongkongais formé au carrefour de deux mondes : l’imaginaire européen de la bande dessinée et les légendes du Nord. De cette hybridation naît The Monsters, une galerie de créatures étranges, hésitant entre elfe et enfant, inquiétantes et attachantes à la fois.
Parmi elles, Labubu se détache rapidement : oreilles en pointes, crinière en bataille, sourire à neuf dents. Une figure qui dérange autant qu’elle séduit. Ni licorne pastel ni super-héros stéroïdé, mais un être intermédiaire, à l’identité trouble. Cette esthétique dite ugly-cute – mignonne et dérangeante – trouve vite son public. Et ce qui n’était qu’un personnage secondaire devient le visage d’une révolution en marche.
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Pop Mart, géant du jouet et roi de la stratégie émotionnelle
Le véritable basculement survient en 2019, lorsqu’un nom entre en scène : Pop Mart. L’entreprise chinoise, fondée en 2010 par Wang Ning, obtient les droits exclusifs d’exploitation de l’univers de Kasing Lung. Et elle va en faire un levier stratégique. Labubu devient produit, marque, mythe.
La recette ? Un modèle emprunté à l’industrie musicale. Pop Mart signe les artistes, structure leur production, scénarise leur univers. En 2025, plus de 800 propriétés intellectuelles sont sous contrôle, dans une logique de diversification savamment orchestrée. Le jouet n’est plus un objet, mais une plateforme émotionnelle, un contenu à collectionner, à échanger, à désirer.
Et les chiffres suivent : 13,88 milliards de yuans (1,66 milliard d’euros) de chiffre d’affaires au premier semestre 2025, +200 % en un an. Un bénéfice net qui frôle les 550 millions d’euros, en hausse de 400 %. Et Labubu ? Il représente plus du tiers de ces performances, avec des ventes de peluches en hausse de 1.276 %. 10 millions de figurines produites chaque jour. Une mécanique industrielle dopée à l’irrationnel.
Labubu : entre addiction douce et influence virale
Là où Pop Mart frappe fort, c’est dans sa compréhension des ressorts psychologiques de l’achat. Son arme favorite : la blind box. Le principe est simple : chaque boîte contient une figurine aléatoire, avec des taux de rareté différents. Certaines sont quasi-introuvables, tirées à moins de 1 %.
Ce système, directement inspiré des jeux de hasard, met en jeu anticipation, frustration et récompense. Il transforme l’achat en rituel, en quête, voire en addiction douce. Le jouet devient stimulus, la collection obsession. Une logique émotionnelle qui s’étend bien au-delà des enfants.
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Célébrités, réseaux sociaux et pouvoir de prescription
Si Labubu a explosé, c’est aussi grâce aux amplificateurs contemporains du désir. Quand Lisa, star de Blackpink, publie une photo avec un Labubu déguisé en fermier, le buzz est immédiat. En quelques heures, la peluche devient objet culte.
Rihanna, Dua Lipa, David Beckham, Kim Kardashian, Michelle Yeoh… Tous y passent. La créature au sourire carnassier devient symbole de coolitude, adoptée dans les sphères de la mode et du luxe. Sur TikTok, les vidéos d’unboxing et les collections personnelles créent un flot visuel incessant. Le hashtag #labubu explose, devenant icône générationnelle.
Une percée française orchestrée avec précision
En 2023, Pop Mart débarque à Paris, aux Halles. L’effet est immédiat. Bientôt, les boutiques fleurissent à Bordeaux, Lyon, Lille. Et les files s’allongent, au point qu’il faut organiser des tirages au sort pour canaliser les foules. Labubu s’installe dans les cours de récré comme signe de reconnaissance tribal. Il est sur les trousses, les sacs, les agendas.
Symbole d’un ancrage réussi, le rappeur Yanns sort à l’été 2025 un titre intitulé Labubu. La créature devient sujet de morceau, figure de la culture populaire française. Ce n’est plus un jouet : c’est une icône.
Entre contrefaçons et luxe, la gestion d’un succès global
Tout ce qui brille attire les faussaires. Labubu ne fait pas exception. Certaines éditions limitées s’arrachent jusqu’à 1.500 euros pièce sur le marché secondaire. Une figurine géante a même été vendue aux enchères à 170.000 dollars à Pékin.
Mais avec le prestige viennent les dangers : plus de 70.000 peluches contrefaites ont été saisies en France durant l’été 2025. Certaines posent des risques sanitaires. Pop Mart doit contre-attaquer, en publiant des guides d’authentification. Le marché parallèle devient un enjeu de contrôle.
Reste à savoir si la machine Pop Mart peut continuer à tourner à plein régime. En Chine, les signaux d’essoufflement sont perceptibles. Le marché secondaire se stabilise, la rareté perd de sa force. Le risque ? Celui d’un phénomène qui se banalise à force de vouloir tout conquérir. L’entreprise anticipe : objectif 50 % de ventes internationales d’ici 2027. L’Europe, l’Amérique du Nord, l’Asie-Pacifique sont les nouvelles terres de conquête. Mais la magie tiendra-t-elle ? Quand tout le monde a un Labubu, qui veut encore un Labubu ?