Inde : vers une commande historique de 114 Rafale F4

L’Inde s’apprête à commander 114 Rafale F4 pour 18,9 milliards d’euros. Une décision stratégique qui confirme l’axe Paris-New Delhi dans la défense.

Résumé Résumé

Alors que les tensions régionales s’intensifient et que sa flotte aérienne vieillit, l’Inde s’apprête à conclure le plus important contrat de défense de son histoire. New Delhi envisage l’achat de 114 avions de chasse Rafale F4 supplémentaires auprès de Dassault Aviation, pour un montant estimé à 18,9 milliards d’euros. Ce choix s’inscrit dans un contexte de modernisation accélérée, de consolidation du partenariat stratégique avec la France et de volonté d’autonomie technologique.

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L’urgence opérationnelle

Lancé en 2018 après l’acquisition de 36 Rafale, le programme MRFA (Multi Role Fighter Aircraft) devait permettre à l’Inde de se doter de 114 nouveaux avions de chasse via un appel d’offres international. Le cahier des charges incluait des transferts de technologies et de production dans le cadre des politiques « Make in India » et « Aatmanirbhar Bharat ». Plusieurs concurrents étaient alors en lice, dont les F-21 et F-15EX américains, le Gripen E/F suédois, l’Eurofighter Typhoon, ainsi que les MiG-35 et Su-35 russes.

Mais en avril 2025, l’Indian Air Force (IAF) a annoncé vouloir abandonner le processus d’appel d’offres au profit d’un contrat intergouvernemental avec la France, justifiant cette décision par l’urgence opérationnelle. Avec le retrait imminent des MiG-21 « Bison », le nombre d’escadrons de combat devait chuter à 31, bien en deçà du seuil requis de 42 pour faire face à une menace simultanée sur deux fronts.

L’opération Sindoor

La bascule s’est accélérée à la veille de l’opération Sindoor, une confrontation intense avec le Pakistan qui s’est déroulée du 7 au 10 mai 2025. L’IAF y a mené des frappes ciblées avec des missiles BrahMos sur plusieurs installations militaires pakistanaises, dont la base de Nur Khan, près d’Islamabad. Cet épisode a conduit les autorités militaires indiennes à réévaluer leur posture et à revoir leurs priorités.

Selon des sources officielles, aucun Rafale n’aurait été perdu au combat durant cette opération, malgré les affirmations contraires relayées par Islamabad et Pékin. L’unique perte recensée serait due à une défaillance technique. L’IAF a par ailleurs salué les performances du Rafale en situation réelle de combat, notamment sa capacité de survie et sa disponibilité opérationnelle.

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Le système SPECTRA, atout clé dans le choix du Rafale

Au cœur de l’efficacité du Rafale, le système de guerre électronique SPECTRA, développé par Thales et MBDA, a joué un rôle déterminant dans la décision indienne. Cette suite de protection multispectrale a permis aux Rafale de déjouer les missiles air-air PL-15 chinois, notamment ceux embarqués par les J-10C pakistanais. Grâce à ses capacités de brouillage AESA omnidirectionnel et de leurrage multibande, le Rafale a démontré sa supériorité face à des menaces modernes en environnement contesté.

La satisfaction affichée par les forces indiennes à l’égard de cette technologie a pesé lourd dans la recommandation officielle adressée au ministère de la Défense le 10 septembre 2025. Cette recommandation porte sur l’achat de 114 Rafale F4, la version la plus récente de l’appareil, pour un montant record de 2 lakh crore de roupies.

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Un coût maîtrisé

La décision intervient dans un contexte budgétaire délicat. Bien que le budget de la défense ait été augmenté de 9 % en 2025 pour atteindre plus de 80 milliards d’euros, celui-ci reste limité à 1,9 % du PIB. Surtout, près des trois quarts des dépenses sont consacrés aux salaires et pensions, ne laissant qu’environ 21,6 milliards d’euros pour les acquisitions.

Le Rafale s’impose aussi par son coût de possession raisonnable. Son coût horaire de vol est estimé entre 14 000 et 20 000 euros, contre 27 000 euros pour un F-35. La maintenance annuelle d’un Rafale oscille entre 2,7 et 3,5 millions d’euros, pour une durée de vie opérationnelle de 30 à 40 ans. En moyenne, chaque appareil coûterait environ 320 millions d’euros sur l’ensemble de son cycle de vie, soit un total de 32 milliards d’euros pour les 114 appareils.

Un ancrage industriel inédit en Inde

Dans le cadre de ce contrat, 60 % des composants des Rafale seraient produits localement, conformément à la politique de localisation industrielle. Un partenariat a été signé en juin 2025 entre Dassault Aviation et Tata Advanced Systems Limited (TASL) pour assembler les fuselages à Hyderabad. Ce sera la première fois que des fuselages de Rafale seront produits hors de France, avec une capacité de deux unités par mois attendue à partir de 2028.

En parallèle, Safran prévoit d’implanter un centre de maintenance et de révision (MRO) pour les moteurs M88, également à Hyderabad. Des négociations sont en cours pour adapter ce moteur au chasseur léger indien Tejas, et une coopération a été lancée autour du développement d’un nouveau moteur de 120 kN destiné à l’AMCA, le futur chasseur de cinquième génération indien.

Par ailleurs, Hindustan Aeronautics Limited (HAL), initialement écartée du premier contrat Rafale en raison de problèmes de délais, a repris les discussions avec Dassault Aviation pour participer à la production des appareils supplémentaires.

Des concurrents progressivement écartés

La décision indienne de renoncer à l’appel d’offres a définitivement mis hors-jeu les autres candidats. En août 2025, le ministère de la Défense a écarté l’option du F-35A, jugée trop coûteuse et restreinte par des contraintes technologiques imposées par Washington.

Face à ses concurrents, le Rafale s’est imposé par sa polyvalence omnirôle, sa disponibilité opérationnelle (estimée entre 75 et 80 %) et surtout la volonté de la France d’ouvrir l’accès à ses technologies. À l’inverse, les offres américaines sont perçues comme plus verrouillées et moins compatibles avec la doctrine d’autonomie stratégique de New Delhi.

Une réponse à la pression géopolitique régionale

Le choix du Rafale est aussi une réponse directe à la dégradation du contexte sécuritaire en Asie du Sud. Malgré l’accord de désengagement signé avec la Chine en octobre 2024, les tensions le long de la Ligne de Contrôle Effectif (LAC) dans l’Himalaya demeurent fortes. Pékin continue de renforcer ses infrastructures militaires dans la région.

Du côté pakistanais, le budget de défense a été relevé de 20 % après le conflit de mai 2025, malgré une situation économique fragile. L’annonce en juin 2025 de l’acquisition par Islamabad de 40 chasseurs furtifs J-35 chinois – plus tard contestée – a illustré la course régionale à la modernisation des flottes aériennes.

Pour faire face à ces défis, l’IAF adopte une stratégie de flotte mixte (« hi-lo mix ») : le Rafale pour les missions offensives de haute intensité, et le Tejas Mark 2 pour la défense aérienne territoriale. Ce modèle doit permettre à l’Inde de maintenir sa supériorité dans un environnement à haute menace.

Un pilier du partenariat stratégique France-Inde à l’horizon 2047

Cette acquisition s’inscrit dans le cadre du partenariat bilatéral « Horizon 2047 », qui vise à renforcer les liens entre la France et l’Inde dans des domaines clés : défense, nucléaire civil, spatial, cybersécurité et intelligence artificielle. La commande des Rafale vient consolider un axe stratégique majeur dans la région indo-pacifique.

Pour Dassault Aviation, l’enjeu est également industriel. L’entreprise prévoit d’augmenter sa cadence de production à quatre appareils par mois d’ici 2029 pour répondre à la demande internationale. Ce rythme pourrait faire de la France le deuxième exportateur mondial d’armements, devant la Russie, derrière les États-Unis.

La recommandation de l’IAF, transmise au ministère de la Défense en septembre 2025, doit encore franchir plusieurs étapes : l’examen par le Defence Procurement Board (DPB), la validation par le Defence Acquisition Council (DAC), puis l’approbation finale par le Cabinet Committee on Security (CCS), présidé par le Premier ministre Narendra Modi. La décision finale est attendue à la mi-2026.

Si elle est approuvée, la production en Inde débutera en 2028, avec des livraisons échelonnées sur cinq à six ans. À terme, avec 114 Rafale supplémentaires, 36 déjà en service et 26 Rafale Marine commandés en avril 2025, l’Inde deviendra le premier opérateur mondial de Rafale hors de France, avec un total de 176 appareils.



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