Magasins Action, un succès hors-norme

Prix bas, logistique redoutable, croissance folle : découvrez comment Action est devenu un mastodonte du bazar-discount en Europe en moins de 30 ans.

Résumé Résumé

En moins de trente ans, l’enseigne néerlandaise Action s’est hissée au sommet du secteur du bazar-discount en Europe. Derrière ses prix bas et ses rayons sans musique, se cache un modèle économique et logistique d’une efficacité redoutable. Décryptage d’une réussite aussi impressionnante que controversée.

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Une stratégie simple née aux Pays-Bas

Tout commence en 1993, dans la petite ville d’Enkhuizen aux Pays-Bas. Un modeste magasin de bazar ouvre ses portes avec une idée en apparence banale : vendre des produits du quotidien à très bas prix. Mais dès l’origine, Action se distingue par un principe fondateur original. L’enseigne mise sur un assortiment volontairement restreint et en renouvellement permanent. Ce mécanisme crée un effet de découverte et d’urgence à l’achat, qui deviendra la marque de fabrique de l’enseigne.

Ce positionnement novateur s’inscrit dans une tradition européenne de commerces de proximité à prix réduits, tout en opérant une rupture avec les codes classiques de la grande distribution non alimentaire.

La période van der Laan : l’ère de l’hypercroissance

Un tournant majeur intervient en 2015 avec la nomination de Sander van der Laan à la tête d’Action. Ancien dirigeant de la chaîne de supermarchés Albert Heijn, il apporte une expertise solide du retail. Sous sa direction, l’enseigne passe de 655 à 1 869 magasins dans neuf pays. Le chiffre d’affaires triple, atteignant plus de 5 milliards d’euros.

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Cette phase de croissance s’accompagne d’une structuration en profondeur : professionnalisation des équipes, optimisation de la chaîne logistique, standardisation des formats. Van der Laan quitte l’entreprise en 2021, remplacé par Hajir Hajji, ancienne directrice commerciale et figure montante de la maison. La continuité stratégique est assurée.

Un modèle tarifaire à rebours des pratiques du secteur

La force d’Action repose sur un modèle économique original. Contrairement aux distributeurs traditionnels, l’enseigne commence par fixer ses prix de vente. Elle négocie ensuite avec ses fournisseurs pour adapter les coûts d’achat à ces prix. Ce mécanisme inverse crée une pression forte sur les fabricants, mais permet de maintenir une politique de prix ultra-compétitive.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le prix moyen d’un produit Action est de 1,72 euro. Près de 70 % des articles coûtent moins de 2 euros, et 25 % sont vendus à moins d’un euro. Une stratégie efficace pour capter un public large, en quête de bonnes affaires.

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Un assortiment restreint et en renouvellement constant

L’offre d’Action compte environ 6 000 références, bien loin des 30 000 à 50 000 articles des grandes surfaces généralistes. Mais cette sélection réduite est compensée par une rotation rapide : seuls 30 à 40 % des produits restent constants. Chaque semaine, environ 150 nouveaux produits font leur apparition.

Ce renouvellement alimente un phénomène d’achat d’impulsion. Le consommateur sait que le produit repéré peut ne plus être là le lendemain. Cette stratégie renforce la fréquentation des magasins et fidélise une clientèle curieuse, sensible à l’effet de rareté.

95 % des produits vendus par Action sont identiques dans l’ensemble de ses magasins européens. Cette uniformisation permet une massification des achats, des économies logistiques et une maîtrise des coûts de développement produit.

Les magasins suivent également un modèle standard : 800 à 1 200 m² de surface, implantation en périphérie, agencement épuré, absence d’ambiance sonore. Cette approche facilite les ouvertures rapides et garantit une expérience client homogène dans tous les pays.

Une logistique surpuissante au cœur du dispositif

Le système logistique d’Action est l’un de ses atouts majeurs. L’enseigne dispose de 12 centres de distribution en Europe, dont cinq en France. Ces plateformes intègrent des technologies avancées : automatisation, systèmes de gestion d’entrepôt (WMS), cross-docking, camions à double pont.

Chaque magasin est approvisionné six fois par semaine. Cette fréquence exceptionnelle permet une rotation rapide des stocks, une gestion fine des flux et une adaptation en temps réel à la demande. Cette infrastructure représente une barrière à l’entrée difficilement franchissable pour les concurrents.

Des performances financières hors normes

L’année 2024 confirme la dynamique de l’enseigne. Le chiffre d’affaires atteint 13,8 milliards d’euros, en hausse de 21,7 % par rapport à 2023. La croissance like-for-like s’élève à 6,8 % sur les 19 premières semaines de 2025, preuve que l’attrait de l’enseigne dépasse la seule expansion géographique.

Côté rentabilité, Action affiche une marge d’EBITDA supérieure à 15 %, contre 14,3 % en 2023. À titre de comparaison, Carrefour évolue autour de 4 à 5 %, Walmart entre 5 et 6 %, et Amazon autour de 10 à 12 %. Cette performance s’explique par une maîtrise stricte des coûts, des volumes d’achat très élevés et une organisation ultra-optimisée.

La réussite économique d’Action repose en grande partie sur la productivité de ses équipes. L’enseigne emploie plus de 70 000 personnes en Europe, dont 20 000 en France. Elle mise sur la polyvalence, des formations ciblées et la promotion interne.

Mais le revers de la médaille est réel. Les conditions de travail sont régulièrement pointées du doigt : cadence soutenue, tâches chronométrées, turnover élevé, charge physique importante. Le taux de cotisation pour accidents du travail est passé de 2,37 à 3,60 en deux ans. L’équation sociale du modèle Action demeure un point de fragilité.

Domination du marché et redistribution des cartes

En France, Action est devenue un acteur incontournable avec plus de 850 magasins et un chiffre d’affaires supérieur à 5 milliards d’euros. L’enseigne occupe la 12e place au classement national, devant des noms historiques comme Darty ou la Fnac.

Sur le segment du bazar-discount, elle écrase la concurrence. GiFi et Centrakor, ses principaux rivaux, sont largement distancés. Pourtant, la présence d’Action peut parfois bénéficier aux enseignes voisines. L’arrivée d’un magasin attire un public nouveau, créant un pôle commercial discount qui profite à l’ensemble des acteurs locaux.

Le modèle économique d’Action soulève des préoccupations écologiques. L’enseigne vend des milliards de petits objets, souvent en plastique, issus majoritairement d’Asie. Ces produits ont une durée de vie courte et génèrent d’importants volumes de déchets.

Action s’est engagée à réduire ses émissions directes de 60 % d’ici 2030 et à diviser par deux son empreinte carbone. L’enseigne travaille également sur la recyclabilité de ses emballages et sur l’optimisation de ses transports. Des efforts jugés encore insuffisants par de nombreuses ONG, qui dénoncent un modèle fondé sur la consommation jetable.

Une stratégie digitale minimaliste mais ciblée

À contre-courant de la tendance, Action refuse le e-commerce. La livraison à domicile ruinerait l’équilibre économique de son modèle. De nombreux articles à faible valeur unitaire rendent le canal digital peu pertinent.

L’enseigne investit cependant dans une application mobile qui facilite la visite en magasin : localisation des produits, alertes nouveautés, informations pratiques. En parallèle, Action développe des outils technologiques puissants en interne : intelligence artificielle pour la gestion des stocks, automatisation logistique, analyse prédictive des ventes.

Action poursuit son développement selon un calendrier ambitieux. En 2024, 352 nouveaux magasins ont été ouverts, soit près d’un par jour. En 2025, l’enseigne prévoit 370 ouvertures, notamment en Suisse et en Roumanie.

La stratégie repose sur deux axes : densification des marchés existants et conquête de nouveaux territoires. L’enseigne teste aussi de nouveaux formats adaptés aux centres-villes ou aux zones à fort potentiel. L’objectif est clair : continuer à croître sans perdre en efficacité.

Des défis majeurs pour l’avenir

Si le modèle d’Action fonctionne aujourd’hui à plein régime, il pourrait être fragilisé dans les prochaines années. Plusieurs menaces se profilent : saturation des zones périphériques attractives, durcissement des réglementations environnementales, évolution des attentes des consommateurs vers une consommation plus durable.

La montée des plateformes de e-commerce à bas prix comme Temu ou Shein constitue une autre source d’inquiétude. Enfin, la hausse des coûts logistiques, salariaux et énergétiques pourrait comprimer les marges et remettre en cause l’équilibre économique actuel.



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