Daan Tech ou le bras de fer d’une start-up avec l’industrie française

Face aux défaillances de l’industrie, Daan Tech relocalise la production avec Bob, un appareil compact, économique et 100 % made in France.

Résumé Résumé

Une start-up vendéenne partie d’une kitchenette étudiante a voulu prouver qu’il était encore possible de concevoir et de fabriquer, en France, des appareils électroménagers à la fois performants, durables et accessibles. Après un démarrage spectaculaire grâce au mini-lave-vaisselle Bob, Daan Tech a vu son modèle ébranlé par les défis financiers et structurels de l’industrie française. Son histoire illustre les promesses et les contradictions de la réindustrialisation dans l’Hexagone.

A LIRE AUSSI
Hermès poursuit son maillage industriel en France

Une idée née dans une kitchenette étudiante

L’histoire de Daan Tech prend racine en 2009, dans un logement étudiant. Antoine Fichet, alors âgé de 19 ans, constate l’absence de solutions compactes pour laver la vaisselle dans les petits espaces. L’intuition est simple : concevoir un lave-vaisselle adapté aux contraintes urbaines, autonome, économe et fiable.

Trois ans plus tard, ce projet prend la forme d’un prototype baptisé « Rudy », qui remporte le premier prix du concours des Entrepreneuriales en 2012. Fort de cette reconnaissance, Antoine Fichet rejoint Bpifrance où il rencontre Damian Py. En 2016, les deux hommes fondent ensemble Daan Tech, contraction de leurs prénoms. L’objectif est clair : créer un acteur industriel français capable de bousculer les standards de l’électroménager.

A LIRE AUSSI
Deux-Sèvres : Lafourcade défie la crise industrielle

Bob, le mini-lave-vaisselle conçu pour durer

Lancé comme premier produit de la start-up, Bob incarne la vision industrielle de ses fondateurs. Avec seulement 34 cm de large, Bob est le plus compact lave-vaisselle du marché, sans compromis sur la performance : trois couverts complets, cinq programmes standards, et un cycle de désinfection UV-C en option. Mais c’est sur le terrain environnemental que l’appareil se démarque. Sa consommation moyenne est de 3 litres d’eau par cycle, cinq fois moins que le lavage à la main.

Pensé dès l’origine pour une durée de vie d’au moins dix ans, Bob est aussi un produit réparable. Daan Tech a mis en place un système d’auto-réparation : pièces détachées gratuites, tutoriels vidéos, assistance client. En parallèle, l’entreprise propose un programme de consigne et de reconditionnement des appareils usagés.

L’approche porte ses fruits. Depuis 2019, Bob est certifié Origine France Garantie. Il est fabriqué à Cugand, en Vendée, au sein d’un réseau de partenaires locaux qui participent à hauteur de près de la moitié de la valeur ajoutée. En 2025, plus de 100 000 exemplaires ont été vendus, en France et à l’international.

A LIRE AUSSI
Industrie : en Isère, les grandes ambitions de Digigram

Produire en France : un choix exigeant

L’usine Daan Tech est implantée au cœur d’un territoire marqué par l’héritage industriel de Fagor-Brandt, l’un des anciens leaders français de l’électroménager. Cugand, commune de moins de 4 000 habitants, devient le centre d’une production intégrée, où moules plastiques, cartes électroniques et assemblage final s’effectuent à quelques kilomètres les uns des autres.

Ce modèle permet à l’entreprise de réduire les délais, de limiter l’impact environnemental et de valoriser les savoir-faire locaux. Il s’accompagne de la création de plus de 200 emplois directs et indirects dans la région. Mais il révèle aussi une réalité plus fragile : la disparition progressive des compétences techniques en France. Pour certains composants de ses futurs produits, l’entreprise constate que seules une ou deux personnes en France sont encore capables de les concevoir.

Joe, le produit de rupture en suspens

Fort du succès de Bob, Daan Tech lance en 2022 un nouveau projet ambitieux : Joe, un four multifonction intégrant cinq technologies de cuisson dans un seul appareil compact. Avec un design personnalisable, une interface tactile et une intelligence artificielle générative, Joe doit révolutionner la cuisine domestique.

Mais le développement industriel d’un tel produit nécessite des investissements lourds. Le marché du hardware B2C en France reste difficilement finançable. Malgré une campagne de précommandes, Daan Tech ne parvient pas à réunir les 5 000 commandes nécessaires au lancement de la production. Le calendrier est repoussé à fin 2026, puis suspendu.

Les coûts de développement de Joe, combinés à une baisse du chiffre d’affaires en 2024 et à la frilosité des investisseurs depuis 2022, mettent l’entreprise en difficulté.

Redressement judiciaire et recentrage stratégique

Le 5 mars 2025, Daan Tech est placée en redressement judiciaire. La cessation de paiements remonte au 18 février. Le plan de sauvetage repose sur une restructuration profonde : réduction des coûts fixes de 40 %, recentrage sur le produit Bob, développement de l’offre B2B avec « Bob Professionnel », et gel du projet Joe.

Dans le même temps, l’entreprise lance une campagne de financement participatif intitulée « En France, on fabrique », avec pour objectif de lever 5 millions d’euros. Plus d’un million d’euros sont réunis en quelques semaines, signe d’un soutien populaire fort à l’initiative industrielle.

Les premiers effets sont visibles dès le printemps : Daan Tech enregistre ses premiers mois rentables en avril et mai 2025, une première depuis sa création.

Un modèle pour la réindustrialisation française ?

Daan Tech incarne une tentative rare et aboutie de réindustrialisation fondée sur des principes exigeants : innovation produit, production locale, réparabilité, transparence. Mais son parcours met aussi en lumière les fragilités systémiques de l’écosystème industriel français. Le financement du hardware B2C reste un angle mort pour les investisseurs. Les compétences techniques sont en déclin. La pression concurrentielle, notamment asiatique, pèse sur les prix.

Malgré ces obstacles, l’entreprise maintient ses ambitions. Elle vise une diversification de son activité vers les professionnels, un triplement de son chiffre d’affaires dans les trois ans, et une expansion continue à l’export, qui représente déjà 50 % de ses ventes.



L'Essentiel de l'Éco est un média indépendant. Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités :

Publiez un commentaire

Publier un commentaire