O’Tacos, la success story du French Tacos

Avec plus de 400 restaurants, O’Tacos transforme un snack de banlieue en chaîne mondiale, portée par un produit ultra-calorique et très viral

Résumé Résumé

O’Tacos est né dans l’ombre des quartiers populaires et s’est imposé en quinze ans comme l’un des géants français de la restauration rapide. Son produit phare, le “French Tacos” — un sandwich garni de viandes, de frites et de sauce fromagère dans une galette de blé — n’a rien de mexicain et tout d’une invention locale devenue phénomène national. Avec plus de 400 restaurants et des millions de clients, l’enseigne incarne à la fois une réussite entrepreneuriale fulgurante et le reflet d’une génération avide de personnalisation, de digital et d’excès assumés.

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French Tacos : la mondialisation vue depuis Vaulx-en-Velin

Comme souvent dans les grandes épopées industrielles, tout commence dans un garage — ou presque. Fin des années 1990, région lyonnaise. À Vaulx-en-Velin, des restaurateurs sans grands moyens mais avec beaucoup d’imagination prennent le tacos mexicain et le triturent : viande halal, frites, sauce fromagère maison. Salah Felfoul dit avoir inventé la recette dès 1993. Le produit se diffuse lentement dans les quartiers populaires, jusqu’à devenir une sorte de totem culinaire local. Mais sans sortir de son ancrage régional.

Il faudra attendre O’Tacos pour passer à l’échelle.

L’intuition de Patrick Pelonero

Patrick Pelonero, ouvrier dans le bâtiment, quitte l’école à 16 ans pour suivre les chantiers. À 21 ans, il lance sa boîte dans l’aménagement intérieur. En 2007, flairant la tendance, il ouvre un snack à Grenoble, convaincu que le French Tacos peut devenir un produit de masse.

De l’autre côté, Silman Traoré, plus académique, passe par l’Université Grenoble Alpes. En 2011, lui et son frère Samba testent un concept de fast-food à Bordeaux. Ils rencontrent Pelonero en 2013. L’alchimie opère. Trois profils différents, une même intuition : la France a soif de nouveauté… et faim de calories.

De 2007 à 2014, O’Tacos prend son temps. On teste, on ajuste, on structure. En 2014, création d’une holding. L’année suivante, le modèle est prêt : lancement en franchise. Quinze restaurants en Île-de-France, puis l’explosion. 80 en 2016, 150 en 2017. Une croissance à deux chiffres portée par une franchise bien calibrée : apport personnel de 80 000 €, investissement global de 400 000 €, et un ticket d’entrée accessible, mais pas ouvert à n’importe qui.

Le modèle est simple et redoutable : des coûts maîtrisés, un produit unique, une standardisation poussée.

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La personnalisation comme valeur refuge

O’Tacos vend du fast-food, mais surtout de la liberté : celle de composer son propre tacos à partir d’une base fixe (galette, frites, sauce), puis de choisir ses viandes, ses garnitures, ses sauces. Le tout en plusieurs tailles, jusqu’au fameux Gigatacos de plus de 3 kg, devenu star des réseaux sociaux.

Le résultat ? Une expérience presque ludique, ultra-personnalisée, et paradoxalement très industrielle. C’est du sur-mesure en production de masse. Une contradiction parfaitement dans l’air du temps.

Là où beaucoup d’enseignes peinent encore à comprendre TikTok, O’Tacos l’a compris avant tout le monde. Dès 2013, la marque mise sur le digital : tutoiement, hashtags (#teamTacos, #FrenchTacosBoss), vidéos virales, défis en ligne. Plus de 2 millions de followers sur Facebook, des millions de vues, des partenariats avec MHD ou FlorianOnAir. Le tacos devient un objet culturel, un symbole générationnel. Plus qu’un sandwich : un mème comestible.

À l’export, la France vend son propre ersatz

La stratégie internationale est d’une logique chirurgicale : d’abord la Belgique, puis le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Italie. Dans le monde francophone et les pays à forte population musulmane, le produit trouve facilement sa place grâce à son positionnement halal. Des formats adaptés, mais un ADN constant. Le French Tacos devient un produit d’exportation, à l’image de la baguette ou du camembert — mais en plus gras, plus jeune, plus viral.

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2018, tournant stratégique : le fonds belge Kharis Capital entre au capital. Un actionnaire sérieux, déjà présent chez Quick et Burger King. Stéphane Cherel, ex-McDonald’s, devient CEO en 2019. Il apporte une gestion plus rigoureuse, accélère la digitalisation, introduit de nouveaux formats (drive, travel retail). O’Tacos rejoint le groupe QSRP, plateforme de restauration rapide. L’artisanat devient industrie.

Le revers de la frite

Mais toute success story a son revers. La teneur calorique des produits suscite des critiques croissantes. Un tacos de taille moyenne peut suffire à couvrir la moitié des besoins caloriques quotidiens. L’enseigne se défend : diversification des menus, recettes de chefs, gammes sucrées, menus enfants. Mais le débat est là. Et il est symptomatique : O’Tacos incarne le plaisir coupable, l’excès assumé, la transgression molle.

O’Tacos est donc devenu un phénomène. Le French Tacos est devenu un symbole, avec ses codes, ses figures, ses rituels. Il a donné une visibilité à une culture culinaire née en banlieue, souvent ignorée, parfois moquée. En l’institutionnalisant, O’Tacos a fait entrer cette culture dans l’économie formelle. Le tacos un étendard.

Avec plus de 400 restaurants et 376 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023, O’Tacos entre dans l’âge adulte. La phase d’expansion tous azimuts semble terminée. Place à la consolidation, à la rentabilité, à la professionnalisation. La marque continue d’ouvrir, certes, mais avec prudence. Elle investit dans le digital, explore de nouveaux formats, adapte son offre.



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