Mistral AI, nouveau champion européen de l’intelligence artificielle

Mistral AI devient l’entreprise d’IA la mieux valorisée d’Europe. Une levée record et une ambition claire : bâtir un modèle souverain face aux géants américains.

Résumé Résumé

Avec une levée de fonds colossale de 1,7 milliard d’euros, Mistral AI n’est plus seulement une pépite technologique française : elle est désormais l’entreprise d’IA la mieux valorisée d’Europe, à 11,7 milliards d’euros. Mais derrière les chiffres, c’est une véritable stratégie d’indépendance qui se met en place. Enfin.

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Levée de fonds record au service de la souveraineté numérique

L’opération est menée par ASML, le fabricant néerlandais de machines de lithographie devenu incontournable dans la guerre des semi-conducteurs. En investissant 1,3 milliard, le groupe prend 11 % du capital et ancre Mistral dans une logique industrielle européenne. D’un côté, ASML maîtrise le matériel. De l’autre, Mistral développe les algorithmes. Ensemble, ils dessinent les contours d’un écosystème technologique capable de rivaliser avec les géants américains.

Le timing est bien choisi. Les États-Unis, avec leurs GAFAM et leurs centaines de milliards de dollars investis, contrôlent aujourd’hui 75 % de la puissance de calcul mondiale dédiée à l’IA. L’Europe, elle, plafonne sous les 5 %. Une asymétrie lourde de conséquences. Pour Arthur Mensch, ancien de DeepMind et désormais PDG de Mistral, cette dépendance n’est plus tenable : « Utiliser l’IA des entreprises américaines donne aux États-Unis un levier sur l’Europe. » Cette phrase dit tout. Mistral veut reconquérir une souveraineté numérique perdue.

Une infrastructure européenne

Pour cela, l’entreprise avance vite — mais pas à l’aveugle. Contrairement aux modèles américains, souvent adaptés après coup aux exigences locales, Mistral a pris le pari de la conformité dès la conception. Elle est signataire du Code de Bonnes Pratiques pour l’IA à usage général, adopté en août 2025, et ses modèles sont nativement alignés avec le RGPD et le AI Act européen. Ce positionnement « by design » séduit les clients publics et privés, qui veulent garder la main sur leurs données, sans passer par les filtres d’Amazon ou de Microsoft.

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Le succès de Mistral s’inscrit aussi dans une dynamique plus large. En 2024, les startups françaises de l’IA ont levé 1,3 milliard d’euros, soit 22 % des fonds investis en Europe. Mistral capte près de la moitié à elle seule. Ce n’est pas un hasard. L’État français a mis sur la table un plan d’investissement de 109 milliards d’euros, dans la droite ligne des ambitions affichées pour l’hydrogène ou les batteries. Le numérique, longtemps relégué aux seconds rôles industriels, devient un sujet stratégique.

Un cloud souverain et des datacenters locaux

Et la souveraineté ne se limite pas aux algorithmes. En février 2025, Mistral annonce la construction de son propre datacenter, en Essonne, sur plusieurs milliers de mètres carrés. Un projet à plusieurs milliards d’euros, alimenté par un mix énergétique dominé par le nucléaire (67 %) et les renouvelables (27 %), pour un faible impact carbone. Objectif : maîtriser l’infrastructure de bout en bout, du silicium aux modèles.

Mistra déploie une stratégie d’expansion européenne, avec une initiative baptisée « IA pour les citoyens », lancée en 2025. Déjà, l’Arménie, la France, le Luxembourg et l’Université de Groningue sont partenaires. En France, 10 000 agents publics testent un chatbot développé par Mistral. À terme, l’objectif est de l’étendre aux 6 millions de fonctionnaires. Le secteur public devient un terrain d’expérimentation grandeur nature.

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Technologie ouverte et conformité native

Cette ambition se prolonge dans le cloud. En juin 2025, Mistral lance Mistral Compute, une plateforme développée avec Nvidia, dotée de 18 000 superpuces Blackwell, hébergées exclusivement en Europe. Une réponse claire aux hyperscalers américains. Déjà, des acteurs comme Orange, BNP Paribas, la SNCF, Veolia, Thales ou Schneider Electric ont signé. Le projet s’intègre dans le plan AI Continent de la Commission européenne, fort de 200 milliards d’euros, qui vise à tripler la puissance de calcul d’ici 2027. Une politique industrielle numérique qui s’assume enfin comme telle.

Sur le plan technologique, Mistral a dévoilé Magistral, un modèle de raisonnement basé sur la méthode chain-of-thought, atteignant 90 % aux benchmarks AIME2024. À côté, les modèles Ministral 3B et 8B permettent une exécution locale, sur mobile ou edge, avec un coût dérisoire (0,04 $ et 0,1 $ par million de tokens). De quoi concurrencer les solutions américaines sur leur propre terrain.

Mais c’est peut-être dans son choix de l’open source que Mistral tranche le plus. Là où OpenAI, Google ou Anthropic verrouillent l’accès à leurs modèles, Mistral ouvre les siens. Transparence, auditabilité, intégration : l’argument porte. Son modèle Pixtral Large, fort de 124 milliards de paramètres, dépasse GPT-4o et Gemini 1.5 Pro dans les tests de traitement d’images. En langue française, Mistral écrase la concurrence : 90 % de reconnaissance dans les entreprises hexagonales, contre 25 % pour ChatGPT.

Côté business, la machine est lancée. Mistral a triplé son chiffre d’affaires en 100 jours début 2025, avec un objectif clair : 100 millions de dollars de revenus annuels d’ici la fin de l’année, contre 30 millions en 2024. Et déjà, l’IPO est en ligne de mire, prévue entre fin 2026 et 2027. À Davos, Arthur Mensch a été clair : pas question d’une revente, l’indépendance est non négociable.

Une entreprise au cœur de la stratégie industrielle européenne

Dans ce contexte, le programme européen AI Continent prend tout son sens. Il prévoit la création de Zones de Calcul Spécialisées (SCZ), avec des normes harmonisées sur l’énergie, la sécurité et les infrastructures. Mistral est positionnée pour en devenir le fer de lance : datacenters localisés, conformité native, puissance technique. Une entreprise désormais au cœur de la stratégie industrielle de l’Union.

Face aux mastodontes américains — OpenAI (300 milliards de dollars), Anthropic (183 milliards) — Mistral n’imite pas. Elle propose un modèle alternatif : souverain, ouvert, multilingue, conforme, ancré.

Avec 250 collaborateurs, des fondateurs passés par DeepMind et Meta, et une chaîne de valeur maîtrisée de bout en bout, Mistral construit un écosystème complet : datacenters souverains, cloud indépendant, IA embarquée, outils de raisonnement, intégration sectorielle. Une architecture cohérente, européenne dans l’âme.



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1 commentaires sur « Mistral AI, nouveau champion européen de l’intelligence artificielle »

  1. Bon article, mais j’aurais aimé y voir mentionner quels sont les laboratoires (universitaires ou institutionnels) français qui travaillent avec Mistral afin d’améliorer les performances de Le Chat.

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1 commentaires