Résumé Résumé
LVMH aime les objets rares, les marques fortes, les signaux luxueux. Le Parisien n’est rien de tout cela. Journal populaire, déficitaire, ancré dans un univers en voie de disparition – celui de la presse quotidienne payante –, il fait figure d’intrus dans l’écrin ciselé du groupe de Bernard Arnault. Et cela se voit.
À mesure que les pertes s’accumulent et que les silences s’allongent, une hypothèse s’installe : celle d’une cession. Et dans le petit monde des repreneurs potentiels, un nom revient avec insistance, inévitablement : Vincent Bolloré.
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Le plan d’économie lancé début 2024, censé supprimer 29 postes de journalistes, en a finalement vu partir 46. Un chiffre qui en dit plus long que bien des discours sur le climat interne. La promesse de compenser les départs « excédentaires » est restée lettre morte. Depuis, le silence. Ni embauches, ni réponses aux syndicats. Juste un vide. Managérial d’abord. Stratégique ensuite.
Quant à Pierre Louette, PDG du groupe Les Échos–Le Parisien, il semble déjà ailleurs. Peut-être du côté d’Orange, si l’on en croit les rumeurs insistantes. Ce lundi 8 septembre, il a certes assuré la conférence de rentrée de Radio Classique. Il a parlé musique, rentrée, avenir – sauf celui du Parisien. Le sujet devient tabou. Ou trop sensible.
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Des pertes qui interrogent jusqu’au cœur du groupe
33 millions d’euros de pertes en 2024, plus de 30 millions attendus en 2025. Pour n’importe quel éditeur, c’est une alerte. Pour LVMH, c’est une anomalie. Car si l’empire Arnault sait tolérer des investissements peu rentables dans les médias – pourvu qu’ils aient un sens stratégique ou symbolique – Le Parisien, lui, n’a jamais vraiment trouvé sa place.
Depuis son rachat en 2015 à la famille Amaury, l’intégration a ressemblé à un mariage forcé. Les économies de structure n’ont pas suffi. L’audience stagne, les synergies restent théoriques, et la logique industrielle du groupe de luxe n’a jamais pris racine dans les couloirs d’un quotidien d’information générale.
Bolloré, un scénario connu
Vincent Bolloré n’a jamais caché son intérêt pour Le Parisien : un quotidien populaire à forte audience, pour compléter son dispositif vertical – télé, radio, hebdos. Une rencontre entre lui et Bernard Arnault aurait eu lieu en juin. Pas de déclaration officielle, mais peu de doutes subsistent sur les intentions.
L’Élysée observe, inquiet. Le spectre d’une concentration accrue dans les mains d’un industriel assumant une ligne éditoriale offensive – parfois militante – trouble les équilibres, à l’approche des municipales de 2026 et surtout de la présidentielle de 2027.
Un temps, CMI France – filiale du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky – a jeté un œil au dossier. Rien de plus. L’intérêt fut poli, mais bref. Le groupe, qui possède déjà Elle, Marianne et Télé 7 Jours, n’a pas donné suite. Restent donc Bolloré… et le silence de LVMH.
Le 16 septembre, sous tension
Le prochain comité social et économique du Parisien s’annonce tendu. Lors du dernier, en juillet, Pierre Louette affirmait n’avoir reçu aucune offre d’achat. C’était vrai. À ce moment-là. Depuis, les lignes ont bougé, même si aucune signature n’est visible à l’horizon. Entre inquiétude et résignation, les salariés attendent. Et observent.
Le Parisien est un journal ancré dans la vie quotidienne, mais il est devenu un passif dans la stratégie d’un groupe tourné vers le luxe mondial. Bolloré, lui, cherche à peser toujours plus dans le débat public. L’un veut sortir, l’autre entrer. Les planètes s’alignent.