Emmanuel Macron : le scénario d’un départ se précise

Entre rejet populaire, isolement politique et impasse parlementaire, Emmanuel Macron est-il encore en capacité de gouverner ? Le compte à rebours est enclenché.

Résumé Résumé

Une crise institutionnelle d’une intensité inédite secoue la France en septembre 2025. Trois gouvernements renversés en quinze mois, une Assemblée ingouvernable, un président de plus en plus isolé et un rejet populaire massif : la Ve République traverse sa plus grave crise depuis sa fondation. Si la Constitution ne contraint pas Emmanuel Macron à quitter l’Élysée, les dynamiques politiques, économiques et sociales convergent vers une seule question : combien de temps peut-il encore se maintenir ?

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Trois gouvernements renversés en quinze mois

Le 8 septembre 2025, François Bayrou est devenu le premier Premier ministre de la République à être renversé par un vote de confiance. Avec 330 voix contre 207, son gouvernement n’aura pas tenu trois mois. Avant lui, Gabriel Attal avait chuté en juillet 2024, suivi de Michel Barnier en décembre de la même année. En un peu plus d’un an, trois exécutifs auront tenté, en vain, de gouverner une Assemblée fragmentée et rétive.

Cette instabilité gouvernementale met à nu une impuissance structurelle. Depuis juin 2024, aucun budget n’a pu être adopté dans des conditions normales. Bayrou n’a même pas eu l’opportunité de défendre le projet pour 2026. L’article 49.3 utilisé par Barnier sur le budget 2025 avait déjà provoqué sa chute. Quant aux réformes promises, elles sont restées lettre morte : la loi sur la fin de vie est bloquée au Sénat, les réformes éducatives n’ont jamais été présentées.

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Une Assemblée nationale ingouvernable et fracturée

Le cœur du blocage institutionnel réside dans la composition de l’Assemblée. Trois blocs s’y affrontent sans majorité possible : le Nouveau Front populaire (193 sièges), la majorité présidentielle (166 sièges) et le Rassemblement national (126 sièges). Aucune coalition stable ne peut émerger de cette arithmétique, et les tentatives de négociation échouent systématiquement sur des lignes idéologiques irréconciliables.

Le vote de confiance contre Bayrou a confirmé cette impasse. Contrairement à une motion de censure, qui exige 289 voix, ce vote s’est joué à la majorité des suffrages exprimés. L’addition des oppositions garantissait mathématiquement sa défaite. Cette mécanique parlementaire illustre une crise de régime où aucune force ne peut durablement gouverner, et où toute tentative de compromis est immédiatement broyée.

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Un président massivement rejeté par l’opinion publique

La légitimité d’Emmanuel Macron est aujourd’hui frontalement contestée. Selon l’institut Elabe, sa cote de confiance s’établit à 17 % en septembre 2025, soit le niveau le plus bas jamais enregistré pour un président sous la Ve République. Le rejet est généralisé : 64 % des Français souhaitent sa démission, un chiffre en hausse de huit points depuis juillet. Chez les ouvriers, ce taux atteint 78 %, chez les cadres supérieurs 52 %.

Même parmi ses soutiens historiques, le désengagement est marqué. Seuls 45 % de ses électeurs de 2017 lui maintiennent leur confiance, et cette part chute de 14 points en un mois. Le constat est partagé : pour une majorité de citoyens, Emmanuel Macron ne gouverne plus. 73 % estiment qu’il n’exerce plus réellement le pouvoir, 68 % considèrent qu’il incarne désormais une part du problème.

Un isolement politique généralisé, y compris dans son propre camp

Le président ne bénéficie plus d’aucun soutien structurant. À gauche, La France Insoumise multiplie les propositions de destitution. Le Parti socialiste, pourtant sollicité pour des alliances, dresse une série de lignes rouges infranchissables. À droite, les déclarations sont de plus en plus explicites : Laurent Wauquiez évoque un « problème de légitimité démocratique », et Bruno Retailleau annonce « la fin du macronisme avec Emmanuel Macron ».

La majorité présidentielle elle-même se fissure. Des députés Renaissance parlent, en privé, d’un nécessaire « électrochoc », et plusieurs ministres refusent de participer à un éventuel gouvernement de continuité. L’Élysée n’a plus de relais efficaces ni dans l’hémicycle, ni dans l’opinion.

L’exemple de De Gaulle

Sur le plan juridique, la Constitution protège le président. L’article 68, qui encadre la destitution, exige un « manquement grave aux devoirs » et une majorité des deux tiers du Parlement réuni en Haute Cour. Ces conditions sont loin d’être réunies, malgré les tentatives répétées de LFI de déclencher cette procédure. Le Conseil constitutionnel a rappelé que les désaccords politiques ne justifient pas une telle démarche.

Mais ce verrou constitutionnel accentue le hiatus démocratique. Si le président ne peut être contraint juridiquement à partir, il lui appartient de mesurer l’écart entre la légalité de son pouvoir et sa légitimité effective. En 1969, Charles de Gaulle avait choisi de partir après un référendum perdu. Aujourd’hui, Emmanuel Macron fait face à un désaveu populaire encore plus massif.

Toutes les options institutionnelles sont bloquées

Face à cette situation, le président semble sans levier. Une nouvelle dissolution serait perçue comme un aveu d’impuissance. Les sondages indiquent qu’elle reconduirait une Assemblée aussi fragmentée, avec une progression significative du Rassemblement national, crédité de 33 % des intentions de vote. Le camp présidentiel tomberait à 15 %, rendant toute reformation d’un gouvernement encore plus difficile.

Nommer un nouveau Premier ministre après les échecs successifs d’Attal, Barnier et Bayrou n’apporterait aucune solution durable. Les noms évoqués – Sébastien Lecornu, Gérald Darmanin, Catherine Vautrin – ne disposent d’aucun socle parlementaire. Le recours à un gouvernement technique, sur le modèle de Mario Monti en Italie, nécessiterait un consensus politique aujourd’hui introuvable.

Les conséquences économiques s’aggravent à mesure que la crise dure

L’instabilité politique commence à produire des effets économiques tangibles. La dette publique atteint 3 345 milliards d’euros, soit 113,9 % du PIB. Les intérêts de la dette grimpent à 59 milliards d’euros en 2025, et pourraient dépasser 100 milliards d’ici 2029. Cette dynamique fragilise la position de la France sur les marchés.

Les agences de notation observent la situation de près. Après les dégradations de S&P et Moody’s, Fitch rendra son verdict le 12 septembre. Une nouvelle baisse placerait la France dans la catégorie A, provoquant une fuite des investisseurs institutionnels. Les taux d’emprunt pourraient alors atteindre des niveaux dangereux pour la stabilité budgétaire.

Parallèlement, les investissements étrangers reculent : 49 % des entreprises internationales interrogées ont réduit leur présence ou gelé leurs projets. Le MEDEF alerte sur le « gel des investissements, la perte de confiance, le risque accru de faillites et la destruction d’emplois ». La crise française déborde même au niveau européen, où la crédibilité diplomatique de Paris est affaiblie.

Quatre scénarios d’avenir, un seul semble crédible

La première option, le maintien jusqu’en 2027, prolongerait la paralysie actuelle. Chaque nomination à Matignon deviendrait un exercice périlleux, sans majorité ni perspective de réforme. Ce scénario nourrirait la montée des extrêmes et accroîtrait la défiance envers les institutions.

Le second scénario, la démission anticipée, ouvrirait une transition démocratique. Cette hypothèse, défendue par plusieurs analystes, permettrait une clarification de l’offre politique et le retour d’un exécutif légitimé. Elle pourrait aussi rassurer les marchés et apaiser les tensions sociales.

Le troisième scénario, une nouvelle dissolution, apparaît comme le plus risqué. Il pourrait amener le RN au pouvoir sans résoudre la fragmentation parlementaire. Le dernier scénario, celui d’un gouvernement technique, supposerait un consensus introuvable et ne ferait que gagner du temps.

L’urgence budgétaire et sociale accélère le compte à rebours

Le budget 2026 doit impérativement être adopté avant la fin de l’année. Selon la Cour des comptes, un effort de 44 milliards d’euros est nécessaire pour éviter une trajectoire explosive de la dette. Sans budget, l’administration française se retrouverait en quasi shutdown.

La rentrée sociale ajoute à la pression. Le mouvement « Bloquons tout » prévu le 10 septembre et la grève générale du 18 pourraient paralyser le pays. Les tensions sont multiples : retraités, fonctionnaires, étudiants. La légitimité d’un exécutif affaibli ne suffit plus à contenir la colère.

Sur le plan international, Emmanuel Macron doit représenter la France au sommet des Nations Unies. Il y prévoit une annonce symbolique forte : la reconnaissance de l’État de Palestine. Mais cette parole présidentielle est fragilisée par l’isolement intérieur. Dans le même temps, la présidence hongroise de l’UE exploite ce vide pour bloquer plusieurs initiatives.

Une responsabilité historique

La situation ne se résume plus à une crise politique conjoncturelle. C’est la relation même entre le pouvoir exécutif et le peuple qui est rompue. Emmanuel Macron gouverne aujourd’hui contre une majorité claire de citoyens. Le contrat démocratique est fragilisé : le suffrage de 2022 ne peut indéfiniment justifier un exercice du pouvoir massivement contesté.

La démission d’Emmanuel Macron n’est pas juridiquement inéluctable. Elle devient cependant, chaque jour davantage, une nécessité politique. L’addition des facteurs – crise parlementaire, rejet populaire, isolement institutionnel, tension budgétaire et crise de légitimité – forme un étau qui se resserre inexorablement.

La nomination du successeur de François Bayrou, la réaction des marchés, la grève générale du 18 septembre et la décision de Fitch le 12 septembre seront autant d’épreuves décisives. Elles diront si le président peut encore gouverner ou s’il ne lui reste plus qu’une issue : celle d’un départ ordonné, à la hauteur de l’exigence démocratique du moment.



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