Procès Jubillar : des jurés face au doute

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À quelques jours de l’ouverture de son procès devant la cour d’assises du Tarn, Cédric Jubillar, principal suspect dans la disparition de son épouse Delphine, se retrouve face à un dossier aussi dense que controversé. Quatre ans après les faits, l’accusation ne repose ni sur un aveu formel, ni sur une preuve matérielle décisive, ni même sur la découverte du corps.
En l’absence d’éléments directs, le ministère public s’appuie sur un ensemble d’indices graves et concordants. La défense, elle, dénonce un vide probatoire et une instruction à charge.

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Un procès sous tension, sans aveu ni preuve décisive

Prévue à partir du 22 septembre 2025, l’audience devrait durer entre quatre et cinq semaines. Elle se déroulera dans un climat de très forte attention médiatique et judiciaire. L’affaire, l’une des plus suivies de ces dernières années, a mobilisé une organisation exceptionnelle. Deux avocats généraux – l’un du parquet général, l’autre du parquet de Toulouse – se relaieront à l’audience. Une réunion préparatoire criminelle a également été mise en place, comme le permet la loi depuis 2021, afin d’anticiper le déroulement des débats et d’éviter tout désordre procédural.

Dans ce dossier, la justice devra se prononcer en l’absence du corps de la victime, sans scène de crime identifiée, et sans témoin direct. Les jurés devront donc se forger une conviction intime sur la base d’un dossier d’enquête construit par accumulation d’éléments indirects. Pour l’accusation, ces indices forment un tout cohérent ; pour la défense, ils relèvent de l’interprétation.

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Crise conjugale, divorce, amant : le mobile présumé se précise

La nuit du 15 au 16 décembre 2020, Delphine Jubillar disparaît de son domicile de Cagnac-les-Mines. Infirmière de nuit à la clinique Claude-Bernard d’Albi, âgée de 33 ans, elle envisageait de quitter son mari avec qui elle était en instance de divorce. Elle entretenait depuis l’été un lien passionnel avec un homme de Montauban rencontré sur un site de rencontres extraconjugales. Ce projet de vie à deux, alors même que le couple parental battait de l’aile, constitue l’un des motifs invoqués par l’accusation pour expliquer le passage à l’acte.

Le 15 décembre, Delphine échange des messages avec son amant, lui envoie une photo intime à 22h58. Selon leur fils Louis, alors âgé de 7 ans, ses parents se seraient disputés ce soir-là dans le salon. Cédric Jubillar, lui, affirme s’être couché après avoir promené les chiens. La disparition sera signalée vers 4h00 du matin. Dès le début, les enquêteurs suspectent un homicide d’ordre conjugal.

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Lunettes cassées, voiture déplacée : ces indices qui troublent

Les lunettes brisées de Delphine constituent l’un des éléments centraux de l’instruction. Retrouvées disloquées dans le salon et la cuisine, elles portaient à la fois son ADN et celui de son mari. L’expertise de la Direction générale de l’armement a conclu à une casse provoquée par un « effort dynamique », suggérant un geste volontaire. Louis, le fils du couple, affirme que sa mère les portait intactes pour regarder la télévision ce soir-là. Cédric, de son côté, soutient qu’elles étaient déjà cassées.

Autre élément troublant : la voiture de Delphine a changé de position dans la nuit. Habituellement garée dans le sens de la montée, elle a été retrouvée orientée dans l’autre sens, avec des traces de buée sur les vitres, signes d’une utilisation récente. La défense n’a pas été en mesure d’expliquer cette inversion. Le soir même, une couette tachée de sang était en machine, accompagnée d’une housse. Les eaux de vidange présentaient également des traces hématiques.

Enfin, des traces de salive ont été retrouvées sur le pyjama de Cédric, au niveau des épaules. Les enquêteurs y voient un possible contact avec un corps transporté. Ces éléments sont contestés par la défense, qui en conteste la valeur probante isolée.

Témoignages en prison et aveux douteux

Le téléphone de Delphine n’a jamais été retrouvé, mais son activité a été partiellement reconstituée grâce à l’analyse des serveurs et des applications. Entre minuit et 6h52, l’appareil a été activé à six reprises. Des manipulations qui, selon les experts de Huawei, nécessitent obligatoirement une intervention humaine. L’activation la plus énigmatique a lieu à 6h52, alors que Cédric Jubillar se trouve seul dans la maison avec les gendarmes, mais sans surveillance rapprochée. Deux minutes plus tard, une notification Google « inhabituelle et vide » est enregistrée, avant l’extinction définitive du téléphone à 7h48.

Le portable de Cédric, lui, était éteint cette nuit-là, ce que les enquêteurs jugent incompatible avec une attitude de recherche active de sa femme. Par ailleurs, ses données de géolocalisation révèlent une fréquence anormale de déplacements, dans le mois précédant la disparition, dans une zone boisée du Tarn qui n’avait pas été explorée. Dix-sept bornages y ont été relevés. Les parties civiles ont réclamé de nouvelles fouilles dans ce secteur.

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L’affaire Jubillar est marquée par une succession de témoignages de codétenus affirmant avoir recueilli des aveux de l’accusé. Le plus connu est celui de Marco, un détenu corse incarcéré à Toulouse-Seysses en 2021. Il affirme que Cédric lui aurait décrit une scène de strangulation, déclenchée après la découverte d’un message de l’amant sur le téléphone de Delphine. Cédric lui aurait parlé d’un crime « parfait », et lui aurait confié une mission de déplacement de corps, accompagnée d’un code.

D’autres témoignages similaires ont été recueillis au fil de l’instruction. Tous ont en commun d’être indirects, non corroborés, et parfois contradictoires. La défense les rejette en bloc, soulignant l’absence de preuves concrètes et les motivations douteuses des témoins incarcérés.

En juillet 2025, un nouveau rebondissement survient avec le témoignage de Jennifer C., ancienne compagne de Cédric rencontrée après son incarcération. Elle affirme que l’accusé lui aurait avoué, entre février et avril 2025, avoir étranglé Delphine dans leur salon, en lui mimant même le geste lors d’un parloir. Elle évoque également le transport du corps dans la voiture de Delphine jusqu’à une exploitation agricole située au sud d’Albi.

Deux semaines après ces déclarations, Cédric Jubillar a tenté de contacter Jennifer C. depuis la prison, en vain. Les appels, jugés menaçants, ont donné lieu à une enquête pour subornation de témoin. La défense nie catégoriquement la véracité de ses propos, dénonçant un témoignage isolé, invérifiable, et survenu à un moment opportun pour l’accusation.



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